Pesquisar este blog

domingo, 7 de fevereiro de 2016

V05 12 15 15 38

⚡Presentazione Queste slide riportano i passaggi del Corso di linguistica generale di F. de Saussure che sono stati commentati e discussi durante le prime due lezioni.

⚡Presentazione Queste slide riportano i passaggi del Corso di linguistica generale di F. de Saussure che sono stati commentati e discussi durante le prime due lezioni.

NUESTRAS VIDAS: Desconectar para conectar

NUESTRAS VIDAS: Desconectar para conectar: El desarrollo tecnológico ha avanzado inimaginablemente; sin embargo, el exceso del uso de los equipos que fomentan la comunicación causa...

Linguista Ataliba T. de Castilho no Programa do Jô

O que é linguística e suas ramificações

NUESTRAS VIDAS: EL LENGUAJE Y SUS CARACTERÍSTICAS GENERALES. EL IN...

NUESTRAS VIDAS: EL LENGUAJE Y SUS CARACTERÍSTICAS GENERALES. EL IN...: http://www.juntadeandalucia.es/averroes/ies_torre_del_aguila/SETI/imageMUO.JPG Foto: El lenguaje se desarrolló desde los ...

"Le langage martien: étude analytique de la genèse d'une langue dans un cas de glossolalie ..."

Full text of "Le langage martien: étude analytique de la genèse d'une langue dans un cas de glossolalie ..."

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's bocks discoverablc online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web 

at |http: //books. google .com/l 



Google 



A propos de ce livre 

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec 

précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en 

ligne. 

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 

"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 

trop souvent difficilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d'utilisation 

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 
Nous vous demandons également de: 

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 

+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl 



H 5 O-V 



5TANf9RDj 

liNIVCRSITV 



lY THOMAS WELTON STANFOn 



LE 



LANGAGE MARTIEN 



' .«1 ■■ 

■ N 
-t. • 

••■: ^' . 

1 1" 






LANGAGE MARTIEN 



ÉTUDE ANALYTIQUE 

DE LÀ GEI>TÈSE D'UISTE LÀN^GUE 

DANS UN CAS DE GLOSSOLAUE ^ 



VICTOR HENRY 




PARIS 

J. MAISONNEUVE, LIBRAIRE-ÉDITEUR 



T RUE MADAME, , 



1901 



f "Il 



220775 



CHALON-SUR-SAÔNE, IMP. FRANÇAISE ET ORIENTALE, E. BERTRAND 



fi 



" - • c • 

• • *• 

• • • • 

• • • 



• f • ■ ■ 
• • • • 
• • •• 






r 



- .• • 









PRÉFACE 



« L'application de la méthode pathologique à la 

m 

psychologie, écrit M. Th. Ribot',na pas besoin d'être 
légitimée ; elle a fait ses preuves. Les résultats acquis 
sont trop nombreux et trop connus pour qu'il y ait 
besoin de les énumérer. Cette méthode, en effet, a 
deux principaux avantages : V elle est un instrument 
de grossissement ; elle amplifie le phénomène normal ; 
l'hallucination fait mieux comprendre l'image, et la 
suggestion hypnotique éclaire la suggestion qui se 
rencontre dans la vie ordinaire; 2® elle est un instru- 
ment précieux d'analyse... » 

C'est sous le couvert de cette imposante autorité que 
je me permets de placer les pages qu'on va lire. 
Etant admis d'après ces prémisses que le langage créé 
par une glossolale doit reproduire et nous permettre 
de saisir avec la netteté qui résulte de Tob.servation 
directe les procédés inconscients et subconscients du 
langage normal, quel était le meilleur moyen de tirer 

1. La Psycliolofiic clet< Senti nientt< (Paris, Alcaii, 1896), p. 62. 



VI 



parti des documents linguistiques consignés dans le 
curieux ouvrage de M. Flournoy ? 

J'aurais pu, évidemment, ne donner aucune place à 
rhypothèse, écarter d'emblée tous les mots d'étymo- 
logie obscure ou douteuse, me taire partout où je 
n'avais pas le droit d'affirmer, me borner, en un mot, 
à mettre en relief les rapprochements frappants et 
sûrs entre le martien et telle ou telle autre langue 
réellement existante. Mais, outre qu'alors mon étude 
eût été presque inutile, puisqu'elle n'aurait rien con- 
tenu que tout lecteur de M. Flournoy n'eût pu re- 
marquer de lui-même avec un peu d'attention, elle 
aurait mérité par ailleurs le reproche d'insincérité ; 
incomplète tout au moins, elle n'eût pas été con- 
cluante. Une langue, quelle qu'elle soit, est un en- 
semble: on ne l'explique pas en en détachant quelques 
mots faciles et jetant tous les autres a;ux gémonies ; 
il faut, surtout en matière aussi délicate et inexplorée, 
que la donnée certaine et la conjecture s'entrelacent, 
s'étaient et se contrôlent perpétuellement l'unel'autre, 
et je dirais volontiers que la première est sans valeur 
si la seconde ne lui sert de correctif et de repoussoir. 
De même donc jque M. .Flournoy nous a donné inté- 
gralement, sans choix, les quarante phrases mar- 
tiennes qu'il a recueillies de la bouche de M"® Smith, 
de même et comme lui, je me suis cru autorisé, — 
je dis plus, — obligé, du moment que je tentais l'en- 
treprise, à passer au crible, sans exception ni réserve, 
les 300 mots dont ces phrases m'avaient permis de 
dresser le répertoire. 



VII 



J'y ai été encouragé surtout par Taccueil qu'il a fait 
à mes premiers essais d'interprétation, quand je les 
lui ai communiqués à titre privé ; car je ne m'aventurais 
pas sans hésitation sur un terrain si nouveau pour moi 
et pour tout le monde. Je ne saurais assez dire la 
franche cordialité, la confraternelle estime et la bonne 
grâce que m'a témoignées dès l'abord Téminent psy- 
chologue, soit qu'il me donnât à entendre que telle 
de mes analyses linguistiques confirmait une de ses 
thèses favorites sur la pensée et le rêve, soit qu'il me 
fournît, libéralement et sans compter, les informations 
de fait sur le cas de M^^® Smith. Quelques-unes de 
celles-ci ont trouvé place dans des notes complémen- 
taires à la fin du volume. Quant aux conclusions qu'il 
a pu éventuellement tirer de mes induptions ou cer- 
taines ou hypothétiques, je lui laisserai le soin de les 
formuler, et ainsi chacun de nous demeurera dans son 
rôle. 

Ce ne sont pas là les seules obligations que j'ai à 
M. Flôurnoy. Il a bien voulu, pour la commodité de 
mes lecteurs, m'autoriser à reproduire en tète de mon 
livre les 40 phrases martiennes consignées dans le sien, 
pp. 204-223. Les voici, dans leur ordre chronologique, 
avec la traduction donnée par le sujet, et les indications 
accessoires qui permettront d'en apprécier la valeur 
respective. 

1. Métiche CMédache C Métaganiche S, Kintche, 
Monsieur C. Madame C. Mademoiselle S. Quatre. 

(Vocal, 2 février 1896.) 



I ■ 

\ 



VIII 

2. Dodé né ci haudan téjness mëtiche Astané ké de 

Ceci est la maison du grand homme Astané que tu 
mé veche, 
as vu. 
(Auditif, vers le 20 septembre 1896, traduit le 2 novembre.) 

3. Mode inéy ce di cévouitche ni êvé ché kiné Liné, 
Mère adorée, je te reconnais et suis ton petit Linet. 

(Vocal, 8 novembre 1896, traduit môme jour.) 

4. Imodé, méié ynodé, mode inë, palette is ché 
O mère, tendre mère, mère bien-aimée, calme tout ton 

péliché, ché chiré né ci ten ti vi, 
souci, ton fils est près de toi. 

(Vocal, 29 novembre 1896, traduit même jour.) 

5. / kiché ten ti si ké di êvé dé étéche, 
Oh! pourquoi près de moi ne te tiens-tu toujours, 

mené izé hénézéef 
amie enfin retrouvée ? 

(Auditif, 4 décembre 1896, traduit 13 décembre.) 

^^^ __ m 

6. Ti iche cêné Espênié ni ti êzi atèv As- 
De notre belle « Espênié » et de mon être As- 
tané, êzi érié vizé é vi.,, /, etc. (le reste 
tané, mon âme descend à toi... Oh ! etc. comme en 5.) 

7. Ce êvé plêva ti di bénéz éssat riz tes midée 
Je suis chagrin de te retrouver vivant sur cette laide 

durée: ce ténassé riz iche Espênié vétéche ié ché 
terre; je voudrais sur notre « Espênié » voir tout ton 
atèv hêné ni pové ten ti si; éni zée métické oné 
être s'élever et rester près de moi ; ici les hommes sont 
gudë ni zée darié grève, 
bons et les cœurs larges. 

(Auditif, 15 décembre 1896, traduit 17 janvier 1897,) 



8. Ajnès jnis tensëe ladê s/, amès ten tivé avë 
Viens un instant vers moi, viens près d'un vieil 

fiien, koumé ié ché pélésse ; amès somé iêsé misaïmë, 

ami, fondre tout ton chagrin ; viens admirer ces fleurs, 

ké dé siirès pit chdmi^ izà meta il borêsë ti fi- 

que tu crois sans parfum, mais pourtant si pleines de sen- 

naïiné,.. Izà il, dé séïmiré! 

teurs. . . Mais si, tu comprendras! 

(Auditif et vocal, 31 janvier î897, traduit même jour.) 

9. Ané éni ké érédutè ce ilassuné té imà ni 
'C'est ici que solitaire je m'approche du ciel et 

hétiné chée durée, 

.regarde ta terre. 

(Auditif, 24 février 1897, trad. 14 mars.) 

10. Simandini, lé làmi, mené! Kizé pavi! kiz 

Simandini, me voici, amie! Quelle joie! quel 
atimi! 

bonheur ! 

(Auditif, 14 mars 1897, traduit même jour.) 

11. / mode, duméïné mode, kèvi ce moche povini 
O mère, ancienne mère, quand je peux arriver 

poénêzé mûné é vl, saline ézinè mimd Nikaïné, 

quelques instants vers toi, j'oublie mes parents Nikaïné, 

mode. — / ynen! 

mère. — O ami ! 

(Vocal, 14 mars 1897, trad. m. j.) 

12. Lassuné, ké nipuné ani; tiz dé machiv miricé 
Approche, ne crains pas ; bientôt tu pourras tracer 

iche manir, se dé é venir toué chi amiché. zé 
notre écriture, et tu posséderas dans tes mains les 
forimé ti viche tarviné. 

marques de notre langage. 

(Auditif, 23 mai 1897, trad. m. j.) 



13. Adèl, ané sini yestad... I Astané^ ce Jimès! 

c'est vous O Astané, je meurs! 

Astane^ mira! 

Astané, adieu! - 

(Vocal, même jour que 12.) 

- 1*4. Eupié, zé pâlir né aîné : arvà nini pédriné ; 

Eupié, le temps est venu : Arvâ (?) nous quitte : 
évaï divine làniée ine vinâ té luné, — Pouzé^ 
sois heureux jusque au retour du jour. — Pouzé, 
men hantiné, êzi craïni né touzé med vi ni, ché 
ami fidèle, mon désir est même pour toi et ton 
chiré Saïné. Ké zalizé téassé mianiné ni di 
fils Saïné. Que l'élément entier t'enveloppe et te 
daziné! — Eupié! — Pouzé! 

garde ! — Eupié ! — Pouzé ! 

(Auditif, 18 juin 1897, traduit 20 juin.) 

15 . Mode tatinée, ce ké mâche radziré zé tarvini 
Mère chérie, je ne puis prononcer le langage 

va nini nini triménêni ii adzi. Ce zé séïmiré 

où nous nous comprenions si bien. Je le comprends 
vétiche, I mode inée^ kévi bérimir-jn- hedf kévi 
cependant. O mère adorée, quand reviendra- 1- il? quand 
machiri ce di triné ii éstotiné ni bazée animinaf 
pourrai-je te parler, de ma dernière et courte existence? 
/ mode, ce méï adzi ilinée, i mode inée, ce ké lé 
O mère, je t*ai bien reconnue, ô mère adorée, je ne me 
nazère ani! Mira, mode itatinée^ mira, mirà^ mira! 
trompe pas ! Adieu, mère chérie, adieu, adieu, adieu ! 

(Auditif, 27 juin 1897, trad. même jour.) 

16. Astané. Esendle. Pouzé, Mené Simandini, mira. 

(Visuel et graphique, 21 août 1897 : mené « amie », mira « adieu », 
et quatre noms propres.) 



XI 

17. Taniré mis méch med mirioe êzlnè brimai ti 
Prends un crayon pour tracer mes paroles de 
tes tensée, Azini dé améir mazi si sorné iche 
cet instant. Alors tu viendras avec moi admirer notre 
nazina tranéi, — Simandini, ce kié mâche di pédriné 
nouveau passage. — Simandini, je ne puis te quitter 
tes luné, Ké ce êoé divine f — Patrinèz kié nipuné 
ce jour. Que je suis heureux ! — Alors ne crains 
ani, 

pas. 

(Graphique, 12 septembre 1897, trad. m. ].) 

IS. Mode tatinée, làmi mis mira ti ché higd kâ 
Mère chérie, voici un adieu de ton enfant qui 
éhrinié sanà é vi. Idé di zé rénir, — zé moss métiche 
pense tant à toi. On te le portera, — le grand homme 
kâ é zé valini iminé ni z(é) grani sidiné. 
qui a le visage mince et le corps maigre. 

(Auditif, puis graphique, 10 octobre 1897, trad. m(5me jour.) 

19. M(èné), ce kié mâche di triné sandiné téri né 

Amie, je ne puis te parler longtemps comme est 

êzi vraïni; zou réch ; mira mité piri mira! ' 

mon désir; plus tard; adieu adieu! 

(Graphique, puis auditif, 24 octobre 1897, deux mots non 
traduits.) 

20. Siké^ évaï divine! Zé niké crizi eapri né 
Siké, sois heureux! Le petit oiseau noir est 

amé orié àntéch é êzé carimi ni êzi érié é nié pavinée ; 
venu frapper hier à ma fenêtre et mon âme a été joyeuse ; 
hed lé sadri; dé zé véchir tiziné, — Matêmi, 
il me chanta; tu le verras demain. — Matômi, 
misaïmé kd lé umêz éssaté, arcâ ti éziué ndânii, 
fleur qui me fais vivre, soleil de mes songes. 



XII 

amès tes ftn\ aînés sandiné ten il si; éoaï 

viens ce soir, viens longtemps près de moi ; sois 

dlvinée! — Bojné, va né Sikéf — Atrizi, ten té 

heureuse! — Rome, où est Siké? — Là-bas, près du 

taméch éplzi. 

« taméche » rose. 

(Auditif, puis graphique, 28 novembre 1897^ trad. m. j.) 

21. Véchési têsée polluni, aoé métiche; é vi tl 
Voyons cette question, vieux homme; à toi de 

bounlé, séïmiré ni triné, 

chercher, comprendre et parler. 

(Auditif, 15 janvier 1898, trad. 13 février.) 

22. Astané, ce aînés é vi; chée hrimi messe tévi 
Astané, je viens à toi; ta sagesse grande comme 

ché pocrimé lé... 

ton savoir me. . . 

(Auditif, vers le 25 janvier 1898, trad. 13 février.) 

23. Paniné, évaï klrimé : se mlza ami grlni; ké 
Paniné, sois prudent : le « miza » va soulever ; que 

ohèe éméche rés pasé! — Pouzé, tés luné souminl, 

ta main se retire! — Pouzé, ce jour riant, 

arvà II cen, zé prlml tl ché clilré, klz pavl 

Arva (?) si beau, le revoir de ton fils, quel heureux 

luné! — Satnéy êzl chlré, Izé llnéï! klzé pavi! — 

jour! — Saïné, mon fils, enfin debout! quelle joie! — 

Êzl mané ni êzl mode,., — Tlzlné, êzl chlré. — 

Mon père et ma mère... — Demain, mon fils. — 

Êzl mané, ce êoé adl anâ. 

Mon père, je suis bien maintenant. 

(Auditif, 20 février 1898, trad. même jour.) 

24. Saïné êzl chlré^ lée êzé pavl, ché vlnâ Ine 
Saïné mon fils, toute ma joie, ton retour au 



XIII 

ruzzi ti nini né mis mess, assilé otimL,, 
milieu de nous est un grand, immense bonheur... 
itéche furimir,,, nori. 

toujours aimera . . . jamais. 

(Auditif, 11 mars 1898, trad. 21 août.) 

25. Dé véchi ké ti éfi mervé éni. 

Tu vois que de choses superbes ici. 

(Auditif, 21 août 1898, trad. même jour.) 

26. Astané né zé ten ti vi, 
Astané est là près de toi, 

(Visuel, 21 août 1898, tr. m. j.) 

27. Siké, kiz cvizi hantiné! lied é ébrinié rès amèvé 
S iké, quel oiseau fidèle! il a pensé se réunir 

é nini, éssaté ti iche atimi, — Matêmi hantiné, hed 
à nous, vivre de notre bonheur. — Matémi fidèle, il 
né hantiné, êzi darié. — Siké, tes ousti ké zé 
est fidèle, mon cœur. — Siké, ce bateau que le 
badêni lassuné mazi trimazi, hed é ti zi mazêté é povinée 
vent approche avec force, il a de la peine à arriver 
é nini; zé pridni é fouminé ivraïni; idé é ti zi 
à nous; le flot est puissant aujourd'hui; on a de la 
mazêté é cizêné zé chodé, 
peine à distinguer le « chodé )). 

• (Auditif, vers le 4 septembre 1898, traduit 16 octobre.) 

28. Men mess Astané, ce amès é vi itéch li 
Ami grand Astané, je viens à toi toujours par 

tes alizé néumi, assilé, kà ianiné êzi 

cet élément mystérieux, immense, qui enveloppe mon 

atèv ni lé tazié é vi med iéei éziné rabrii ni 

être et me lance à toi pour toutes mes pensées et 



XIV 

tihral, Men^ amès di ouradé ké Matèmi uzénir 

besoins. Ami, viens te souvenir que Matêmi attendra 

chée kida, ni ké chée hrizi pi dézanir. Évaï 

ta faveur, et que ta sagesse lui répondra. Sois 

divine tes luné. 

heureux ce jour. 

(Visuel, 3 octobre 1898, traduit 16 octobre.) 

29. Saziné, kiché nipunêzé? Dodé né pit léziré 
Saziné, pourquoi craindre ? Ceci est sans souffrance 
bèz neura. Evaï dastrée : firèzi zé bodri né 

ni danger. Sois paisible : certainement le os est 
dorimé^ zé pastri tubré né tuzé, 
sain, le sang seul est malade. 

(Auditif, 14 octobre 1898, traduit 16 octobre.) 

' 30, Mode, ké hed oné chandêné, têsé mûné ten 

Mère, que ils sont délicieux, ces moments près 

ti vi ! — Bigâ, va bindié idé ii zàmé tensèe f 

de toi ! — Enfant, où trouve on de meilleurs instants ? 

zou réche méd ché atèv kiz fouminé zati! 

plus tard pour ton être quel puissant souvenir! 

(Auditif, 22 octobre 1898, traduit 18 décembre.) 

31. Râmié, bisti ti Éspênié, ché dimé uni 
Ramié, habitant de « Éspênié », ton semblable par 

zi trimazi tié vadâza^, di anizié bana mirai, Ramié 

la force des « vadàzas », te envoie trois adieux. Ramié 

di trinir tié tournai ti bé animinâ ni tiche di 

te parlera des charmes de sa existence et bientôt te 

uzir nàmi ti Espênié. Evaï divinée. 

dira beaucoup de « Espênié ». Sois heureuse . 

(Graphique, 27 octobre 1898, irad. 18 décembre.) 

32. Anà évaï maniké é bétiné mis 
Maintenant sois attentive à regarder un 



; 



XV 

Ué attanâ kâ di médinié, Bétinié tes tapie ni 
des mondes qui te entourent. Regarde ce « tapie » et 
bée atèv kavivé. Danda anâ. 
ses êtres étranges. Silence maintenant. 

(Auditif, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.) 

33. Siriina nêbé vinià ti mis métiche ivre toué 
Rameau vert nom de un homme sacré dans 

viniâ ti misé higâ azâni maprinié imizi kramà 
nom de une enfant mal entré sous panier 

ziné vinià ti mis zaki datrinié tuzé vâmé gâmié, 

bleu nom de un animal caché malade triste pleure. 
(Phrase entendue d'abord en ultra- martien, puis traduite en mar- 
tien le 18 décembre 1898^) 

34. Ramié di pédrinié anâ, né ériné, divine 
Ramié te quitte maintenant, est satisfait, heureux 

té mûné ten ti vi, Hed dassinié mis ahadà ti 

du moment près de toi. Il garde un peu de 

ché atèv ni di parêzié hanâ mirâ^, Evat divinée, 

ton être et te laisse trois adieux. Sois heureuse. 

(Graphique, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.) 

35. Attanâ zabiné, pi ten té iche; tarvini 
Monde arriéré, très près du nôtre; langage 

mabùré, nubé téri zée atèv. Astané, êzi dabé 

grossier, curieux comme les êtres. Astané, mon maître 

fouminé ni ié ti takâ, tubré né bibé ti zé 

puissant et tout de pouvoir, seul est capable de le 

umêzé, 

faire. 

(Auditif, 5 décembre 1898, trad. 18 décembre.) 

1. J'ai omis le texte ultra-martien, qui n'a rien à voir à moa 
étude et n'offre d'ailleurs nul intérêt. — La traduction (?) en français 
a eu lieu le même jour. * 



XVI 

36. Aé aé aé aé lassunié, lâmi Rêzé, Aé aé 
(Exclamations) approche, voici Rêzé. (Excla- 

aé aé niké Bulié, Va né Ozâmiéf ZitênL 

mations) petit Bulié. Où est Ozâmié? (Noms 

PrimèhL Ozâmié ciniâ ii mis higà kémâ, Ziiêni 

propres.) Ozâmié nom de un enfant mâle. Zitêni 

vinià ti misé bigâ kêmisi. Primèni viniâ ti 

nom de une enfant femelle. Primêni nom de 

misé bigâ kêmisi. 

une enfant femelle. 

(Auditif, 8 mars 1899, traduit 4 juin.) 

37. Astané bounié zé buzi ii di triné nâmi ni 
Astané cherche le moyen de te parler beaucoup et 

ti di umêzé séïmiré bi tarvini, 

de te faire comprendre son langage. 

(Graphique^ 24 mars 1899, traduit 4 juin.) 

38. Fédié^ amès ; Ramié di uzénir tes luné; 
Fédié, viens; Ramié te attendra ce jour; 

amès, zé boua trinir. 

viens, le , frère parlera. 

(Visuel, 30 mars 1899, traduit 4 juin.) 

39. Ramié^ ponde acâmi, andéliv téri antéch 
Ramié, savant astronome, apparaîtra comme hier 

iri é vi anâ. Riz vi banâ mirai 

souvent à toi maintenant. Sur toi trois adieux 

ti Ramié ni Astané, Evaï divinée, 

de Ramié et Astané. Sois heureuse. 

(Graphique, 1" avril 1899, trad. 4 juin.) 

40. Ramié, ébanà, dizênâ, zicênié, ni bi 
Ramié, lentement, profondément, étudie, et son 

vratni assilé né ten ti rès kalâmé, Astané, 
désir immense est près de se accomplir. Astané, 



XVII 

èzl dabé, né zi med lé godanê ni ankôné, 
mon maître, est là pour me aider et réjouir. 
Évaï hanâ zizazi dicinée. 
Sois trois fois heureuse. 

(Auditif, 4 juin 1899, trad. même jour\) 

41. (Mots isolés.) — 42, Vinia tl mis métiché napié. 

Nom de un homme mange. 
Vinia ti mis crizi ruka té atimi ziné napié. 
Nom de un oiseau emblème du bonheur bleu mange. 
Naké j/in noka. Vinia ti misse médaché tiziné y in 
Partir au repos. Nom de une dame demain au 
haza kobié, Vinia ti misse varuba métiché té 

lever tape. Nom de une divinité homme du 
vinia ti ?nissé natra* ivre, Vinia ti misse médaché 
nom de un bâton sacré. Nom de une dame 
yin baza kobéniv. Niméké, 

au lever tapera. Bienheureux. 

(Traduction en martien, aussi inintelligible que le n" 33, d'une 
séquence ultra-martienne"'.) 

1. Ce sont là, outre quelques mots isolés qu'on trouvera en 
leur lieu, les quarante textes qu'a publiés M. Flournoy et qui font 
l'objet de la présente étude. Ceux qui suivent sont inédits: je ne les 
ai pas compris dans mon examen, achevé avant qu'ils ne fussent 
recueillis; mais, pour être complet, je les transcris ici avec son 
autorisation. Il m'a également communiqué un petit vocabulaire 
et des hiéroglyphes ultra- martiens, fort curieux, mais étrangers à 
mon plaa, non moins que la langue uranienne, dont M"* Smith avait 
annoncé la prochaine apparition, mais qui, à ma connaissance, gît 
encore dans les limbes de son subconscient et ne parait pas devoir en 
sortir. 

2. Mistir signifiant « une », c'est ici le premier et unique exemple 
d'un nom masculin en français qui soit féminin en martien. 

3. Le même jour, M. Flournoy a obtenu la traduction des deux 
mots laissés en blanc au n" 19: mile pi ri « vite encore ». Voir aux 
additions finales. 






XVIII 

43. Yizé tarvini kié machinerie rès umaté; hed kié 
Leur langage ne peut se écrire: ils ne 

mévêzi ani téri nini tié forimi raka 

ont pas comme nous des marques formant 
tié zôda ; napiri hed mézouti tié Jorimi 

des mots : cependant ils possèdent des marques 

nubée tédora toué mis liza dénâpi yizé rahri. 
curieuses exprimant dans un cas nécessaire leur pensée. 
Ce di yani umêzir ipêné peunêzé misé^ imazé ti 
Je te en ferai connaître quelques-unes, afin de 

pastiné é ché vraïni, ni vati med kié ani di 
complaire à ton désir, et surtout pour ne pas te 
navazé mouda é tes attana, Evaï dicinée. 

arrêter davantage à ce monde. Sois heureuse. 

(Auditif, renseignements fournis par Ramié sur l'ultra-mar- 
tîen : 23 avril 1900, traduit 27 mai.) » 

44. (Hiéroglyphes ultra-martiens traduits en martien, et 
du martien en français.) 

Il suflSt de jeter un coup d'œil sur ces derniers 
textes pour se convaincre que la langue martienne est 
en voie de se pervertir et même de se jargonner. Il 
était temps de la saisir, et elle était mûre pour l'exa- 
men. Quoi que M^^* Smith puisse désormais produire 
en ce genre, il est douteux que la psychologie et la lin- 
guistique en tirent d'autres renseignements utiles que 
ceux qu'on verra consignés ci-après, si toutefois je 
n'ai failli moi-même à tirer de l'admirable documenta- 
tion de M. Flournoy toutes les conclusions qu'elle 
comporte et autorise. 

Sceaux (Seine), le 3 mars 1901. 

V. Henry. 



TABLE DES MATIÈRES 



Pages 

Préface \ v 

» 

Table des matières xix 

(1) Observations préliminaires 1 

(2) Introduction "... 2 

(3) § le^ — Position de la question 4 

(4) § 2. — La méthode 9 

(5) § 3. — Les matériaux 14 

(10) Chapitre P'. — Les procédés du langage 

martien 27 

(11) § l'r. — Phonétique 28 

(17) §2. —Dérivation 36 

(18) § 3. — Grammaire 38 

(23) § 4. — Syntaxe. 44 

(24) § 5. — Sémantique 45 

(26) Chapitre IL — Les noms propres 56 

(29) Chapitre IlL — Les petits mots 64 

(30) § 1er. __ Les articles 64 

(32) § 2. — Pronoms personnels et pos- 

sessifs 66 

(33) § 3. — Démonstratifs et relatifs 68 

(34) § 4. •— Menus adverbes 69 

(35) §5. — Menues prépositions 69 

(36) § 6. — Menues conjonctions 70 

(37) §7. — Le verbe (( être » .' 71 



XX TABLE DES MATIÈRES 

Pages 

(38) § 8. — Le verbe a avoir » 72 

(39) Chapitre IV. — Le vocabulaire français.. 74 
(149) Chapitre V. — Le vocabulaire allemand . 94 
(173) Chapitre VL — Le vocabulaire magyar. .. 99 
(231) Chapitre VIL— Le vocabulaire anglais .. . 115 
(235) Chapitre VIII. — Le vocabulaire oriental.. . 116 

(241) Chapitre IX. -- Les contaminations 121 

(271) Chapitre X. — Les dérivations ultérieures. 132 

(287) Chapitre XI. — Le résidu 135 

(288) Conclusion 138 

Notes additionnelles 144 

Index 149 



• » . 



1 » 



• 



y 



• » • 



• « 



LE LANGAGE MARTIEN 



•• •• • 
,• ♦ » 



ETUDE ANALYTIQUE DE LA GENESE D'UxNE LANGUE- 
dans un cas cie glossolalie somnambuliquo 



• ' • 



OBSERVATIONS PRELIMINAIRES 

(1) Dans cette étude qui ne s'adresse pas aux seuls 
linguistes, mais encore, et bien plutôt, aux psycho- 
logues, aux occultistes, à tous ceux qui, de près ou de 
loin, prennent un intérêt sainement scientifique au 
délicat problème des activités subconscientes de Tesprit 
humain, j'ai dû le plus possible éviter l'usage des 
termes trop techniques, et l'emploi surtout des nom- 
breuses abréviations nécessaires et familières à tous 
les ouvrages de linguistique. Il en est pourtant 
quelques-unes que je n'ai pu absolument bannir, sous 
peine de répéter à satiété les mêmes mots faisant lon- 
gueur. Qa voudra donc bien, dès Tabord, se souvenir 
des suivantes: al. = allemand; fr. = français; mg. = 
magyar (hongrois); mt. ^= martien; sk. =■ sanscrit. 

L'abréviation FI. désigne Touvrage de M. Flournoy. 
Lorsqu'elle est suivie d'un chiffre (de 1 à 40), elle 

1 



• ••' 






9 



• • 



• », 






renvoie à l^iin 'des quarante textes martiens colligés 
dans soi^^i^we, de la page 204 à la page 223. 

Au A3butraire, un chiffre quelconque, simplement 
prétîédé du mot « n^ », renvoie, à l'un des nombreux 
nxtfliéibs (entre parenthèses) qui marquent les divisions 
.•5«,'îa présente étude. Ce système de références était 
. ^m'dispensable, dans Tanalyse, nécessairement parcel- 
laire, de vocables et de procédés isolés, qui pourtant 
s'entrecroisaient entre eux en tous sens suivant les 
mille méandres du rêve. J'ai donc fait tout mon pos- 
sible pour en rendre 1 application aisée aux lecteurs 
qui me feraient Thorneur de vouloir suivre de près, 
contrôler^ critiquer et amender le développement de 
mes inductions. 

Les langues citées au long de ces pfiges sont toutes 
supposées au moins sommairement connues, à la seule 
exception du magyar, sur la prononciation duquel on 
trouvera quelques renseignements au début du cha- 
pitre VI. 

INTRODUCTION 

(2) Au commencement de Tan dernier, M. Théodore 
Flournoy, professeur de psychologie à la Fixculté des 
Sciences (le TUniversité de Genève, publiait un ou- 
vrage intitulé: « Des Indes à la Planète Mars, étude 
sur un cas de somnambulisme avec glossolalie » 
(l'*^-3^ édition, Paris, Alcan, 1900), qui me fut signalé 
par M. Barth comme contenant nombre de faits de 
nature à piquer la curiosité des linguistes. M^^^ Hélène 
Smith (pseudonyme), personne visiblement intelligente 



— 3 — 

et instruite, spirite convaincue et médium renommé 
dans les milieux spirites de Genève, nullement suspecte; 
de simulation, a des visions d'une précision remar-* 
quable, où le raffinement et Torigi-nalité du fond et 
de lensemble le disputent à la naïveté, parfois même à 
l'enfantine ignorance, que trahissent les détails. Elle 
a été jadis une princesse arabe, mariée à un prince 
hindou; et, comme telle, elle ne sait pas un mot' 
d'arabe, mais elle parle sanscrit, — oui, sanscrit! une 
femme!! dans l'Inde, au XV® siècle de notre ère!!! — 
ou plutôt une sorte de jargon inintelligible, fort bien 
dénommé (( sanscritoïde » par Tauteur, où se recon- 
naissent encore^ parmi les caractères généraux de fa 
langue assez fidèlement imités, quelques bribes de mots 
sanscrits, presque tous déformés et d'ailleurs d'elle 
incompris, mais enfin inexplicables dans sa bouche, 
s'il ne lui a passé quelque jour devant les yeux un 
roman d'aventures pseudo-oriental et un ouvrage élé- 
mentaire de grammaire sanscrite, où sa mémoire sub- 
consciente a puisé les éléments de sa biographie et de 
ses discours hindous. Tout sanscritiste que je suis, ce 
n'est point pourtant ce chapitre de M. Flournoy 
(p. 257-322) qui a captivé mon attention : la langue en 
est trop peu variée, nous en avons trop peu de spé- 
cimens, et je ne pouvais guère espérer y rien découvrir 
de nouveau, alors qu'elle avait déjà subi l'examen de 
savants tels que MM. Barth, de Saussure et Michel. 
Mais M"® Smith a un autre rêve, non moins cohérent 
et persistant, qu'on a suivi patiemment, de mois en 
mois, pendant des années (p. 135-244) : elle se croit 



_ 4 — 

•transportée dans la planète Mars, elle y voit des 
paysages et des personnages, elle entend tenir des 
propos qu'elle répète, et presque toujours fort nette- 
ment; elle fait mieux encore, parfois elle les écrit; 
enfin elle ne se borne pas à les redire et à les écrire 
(d'une écriture spéciale qu'elle ne saurait relire à l'état 
de veille), elle les traduit avec soin mot pour mot; non 
pas elle sans doute, — car elle-même n'y comprend 
goutte, — mais un désincarné du nom d'Ésenale qui 
lui sert d'interprète, et qui, pour les croyants, est un 
esprit inspirateur, tandis que les positivistes du genre 
de M. Flournoy et moi n'y sauraient voir qu'une des 
nombreuses formes du subconscient de M"® Smith elle- 
même. Bref, nous possédons, grâce à cet admirable 
investigateur, 40 phrases martiennes, d'une à cinq 
lignes chacune, plus quelques mots isolés, formant 
ensemble un vocabulaire de 300 mots^ que M"® Smith 
a appris dans la planète Mars, créés arbitrairement 
ex nthtlo, ou empruntés inconsciemment au trésor 
linguistique, d'elle en partie inconnu^ qui gît dans les 
profondeurs de sa mémoire subliminale. Telle est 
la question que je me suis posée et dont je dois com- 
mencer par préciser les éléments. 

§ l®^ — POSITION DE LA QUESTION 

(3) Si nous écartons a priori l'hypothèse d'une com- 
munication surnaturelle de M^^^ Smith avec les habi- 
tants de Mars, — ainsi que la science a le droit et 
le devoir de bannir de son domaine toute hypothèse 
invérifiable, — il demeurera admis provisoirement 



— 5 — 

qu elle a inventé le mnrtien de toutes pièces. Le pro- 
blème sera de savoir par quels procédés de son enten- 
dement elle Ta spontanément ou lentement construit; 
et ce problème ne manquera d'intérêt, ni pour le 
psychologue, ni pour le linguiste. 

Pour ce dernier, d'abord, — la question de Torigine 
du langage mise à part, qui n'est point de son res- 
sort \ — îl y a ipcontestablement un intérêt de preniier 
ordre à assister à l eclosion même de ces formes du 
langage que d'habitude il ne lui est donné de saisir 
que. figées dans les livres ou tout au moins déjà fixées 
dans le parler courant. C'est tout autre chose, d'in- 
ventorier le produit, et d'assister à l'acte producteur. 
En se plaçant sur le terrain même où l'activité intel- 
lectuelle semble le mieux établie et saisissable, 
M. Michel Bréal l'a récemment étudiée dans un beau 
livré*, sur lequel j'ai recueilli maint témoignage admi- 
ratif, et. que j'admirerais moi-même davantage, si 
presque à chaque page je ne m'y sentais arrêté et 
froissé par la permanente présomption, avouée ou 
latente, de l'intervention de la conscience dans les 
opérations élémentaires du langage. Que si les procédés 
d'un sujet plongé à l'état de subconscience et créant un 

langage reproduisent exactement les phénomènes de 
sémantique relevés par notre maître ix tous dans sa 
vaste et ingénieuse enquête à travers tous les lan- 
gages civilisés, il demeurera établi par voie expéri- 

1. Voir, sur ce point, les conclusions du chapitre II de mes 
Antinomies linguistiques (T. II de la Bihlioth, de la Fac. des 
Lettres de Paris, Paris, Alcan, 1896). 

2; Essai de Sémantique, Paris, Hachette, 1897. 



4 



— 6 — 

mentale ce que je m^étais efforcé de démontrer à grand 
renfort d'arguments et d analyses logiques^ : que le 
langage est Toeuvre spontanée d'un sujet absolument 
inconscient des procédés qu'il emploie à cet effet. 

Pour le psychologue, par répercussion : si Thomme 
n'invente rien, s'il ne fait que se souvenir, le langage 
de W^^ Smith doit être un composé analysable de ses 
divers souvenirs auditifs ou livresques, chacun d'eux 
relié au sens qu'elle leur attribue par le fil plus ou 
moins ténu, plus ou moins embrouillé, plus ou moins 
perceptible, d'une association d'idées, tantôt directe, 
tantôt contournée et bizarre, telle qu'on en observe 
chez tous les hommes et sur soi-même dans la rêverie 
et le rêve. Il serait possible, en effet, de concevoir 
qu'un homme s'ingéniât à composer de la manière la 
plus arbitraire un langage artificiel, qu'il appelât, par 
exemple, mèche « une Jtable » et sûr « un encrier », par 
l'unique raison qu'il n'y a aucune raison de les nommer 
ainsi ; mais, outre qu'alors il aurait bien de la peine à 
se .souvenir de son vocabulaire, à retrouver dans sa 
mémoire les mots qu'aucun lien ne rattacherait à leur 
sens conventionnel, le seul travail de création d'une 
telle langue exigerait de sa part un effort extraordinai- 
rement violent et pénible; car, à chaque idée ,qu'il 
voudrait exprimer, une association quelconque d'idées, 
soit avec le nom même de l'objet à nommer dans telle 
ou telle langue de lui connue, soit avec celui d'objets 
similaires ou voisins, soit avec la forme, les qualités 
accessoires ou l'emploi de cet objet, etc., etc., offrirait 

1. Antinomies linguistiques^ pp. 68 sq. 



— '7 — 

spontanément à sa mémoire subconsciente une image 
auditive composée de certains sons, de certaines syl- 
labes, qu'il serait fatalement amené à reproduire ; et, 
pour résister à cette tendance naturelle, il lui faudrait 
une attention tendue, de tous les instants, qui ne 
pourrait manquer d'être fort souvent en défauts Aussi 
les gens qui parlent argot ji'ont-ils rien trouvé de 
mieux, pour déguiser leur langage, que d'employer la 
plupart du temps les mots mêmes de la langue cou- 
inante, déformés par un certain nombre d'artifices, au 
fond très simples, très faciles à retenir et à reproduire, 
quoique méconnaissables aux non-initiés; et l'on verra 
que tel est aussi le procédé naïvement et inconsciem- 
ment mis en œuyre dans les suffixations et les meta- 
thèses de M^^^ Smith. 

Ainsi, disons-nous, celui-là même qui s'efforcerait 
constamment de créer un langage qui ne ressemblât à 
rien, ne pourrait échapper à la fatalité d'y trahir et d'y 
laisser deviner le jeu des organes secrets qui con- 
courent dans le moi subconscient à Télaboration toute 
mécanique du langage humain. A plus forte raison 
M^'® Smith, chez qui nous ne saurions soupçonner un 
semblable effort que si elle était une simulatrice cons- 
ciente et extrêmement habile : ce qui, à la suite des 
observations si pénétrantes de M. Flournoy, est hors 
de, question; mais alors même, ne nous lassons pas de 
le répéter, la création de son martien obéirait, à son 
insu, à des lois. Ce sont ceâ lois, nécessairement mul- 
tiples et protéiformes, qu'il s'agit ici de dégager, s'il 
est possible, de Tensemble des faits. 



— 8 — 

En somme, pour le psychologue comme pour le 
linguiste/ il y a, entre l'observation du langage tout 
forilié et celle du langage en voie de création, la même 
différence que du minéralogiste qui étudie un cristal à 
la loupe et au creuset, au chimiste qui suit des yeux le 
travail même de la cristallisation. 

Subsidiairement, s'il est constant que le martien de 
M"® Smith n'est fait que de ses souvenirs linguis- 
tiques, combinés, réfractés, gauchis, altérés en divers 
sens, il ^demeurera établi, — ce qui, paraît-il, a besoin 
de l'être aux yeux de certaines personnes, — mais 
celles-ci ne lisent guère nos livres, — il demeurera, 
dis-je, établi qu'elle n a jamais visité la planète Mars 
et que les cosmographies scientifiques peuvent, jusqu'à 
plus ample informé, se dispenser d'insérer les rensei- 
gnements qu'elle nous en rapporte. 

Par toutes ces raisons, dont la dernière est naturelle- 
ment la moindre, j'ai cru pouvoir affronter le ridicule 
de consacrer une étude linguistique à une langue qui 
n'existe pas. Ceux-là seuls m'en pourraient blâmer, 
qui méconnaîtraient l'importance des expériences 
hypnotiques et la part de plus en plus grande qu*elles 
sont appelées à prendre, à mesure de leurs progrès, 
dans la construction d'une psychologie vraiment objec- 
tive, débarrassée des entités scolastiques qui encom- 
braient Tancienne, et intimement unie à la physiologie. 
Mais ceux qui sauront gré à M. Flournoy d'avoir 
longuement, en 400 pages, décrit toutes les intéres- 
santes variations du thème subconscient deM^'® Smith, 
ne sauraient m'en vouloir d'avoir détaché l'une d'elles. 



— 9 — 

et assurément la plus digne d'attention, pour la sou- 
mettre à un examen spécial. Que si je m'abuse et que 
mon travail ne plaise ou ne profite à personne, j'aurai 
du moins cette satisfaction égoïste, qu'il m'aura été 
fort utile à moi-môme, en me faisant mieux com- 
prendre la nature intime de bien des phénomènes que 
la linguistique constate, enregistre, étiquette, mais 
qu'elle n'explique point, parce que, si elle les expli- 
quait, elle ne serait plus la science des mots, mais celle 
des idées, et qu'à chacun suffit sa peine. 

I - 

§ 2. — LA MÉTHODE 

(4) Étant donné le but à atteindre, la méthode à 
suivre s'impose de soi-même : comparer la langue de 
M"® Smith à chacune des langues réelles dont on peut 
lui supposer quelque connaissance, soit approfondie, 
soit accidentelle et tout à fait parcellaire. 

Mais, ainsi qu'on le verra, et comme au surplus 
M. Flournoy l'avait déjà fort bieh constaté, le martien 
n'^st vraiment original que par son vocabulaire. Sa 
grammaire et sa syntaxe, d'ailleurs aussi dénuées d'in- 
térêt l'une que l'autre, présentent entre elles le plus 
frappant contraste : l'uno est lâche, flottante, ausâi mal 
fixée que possible sur la plupart des points où sem- 
blerait devoir se laisser surprendre le rudiment au 
moins d'une norme grammaticale; l'autre, au contraire, 
rigide et dure, est impitoyablement couchée et main- 
tenue sur le lit de Procuste de la syntaxe française. 
Bref, — M. Flournoy l'avait dit avant moi, — le mar- 
tien est l'œuvre ingénue et curieuse d'une intelligence 



— 10 —, 

enfantine, dénuée de tout sens linguistique et souverai- 
nement inconsciente de ce qui constitue Tessence d'une 
langue, persuadée enfin que Ton crée une langue en 
substituant à chacun des mots de son parler familier 
un mot aussi différent que possible, qu'on croit inventer 
et qu'on ne fait en réalité qu'adapter en l'altérant. 

C'étaient donc les mots de la langue martienne qui 
réclamaient avant tout un sérieux examen; et, en défi- 
nitive, c'est presque sur les mots seuls que porte le 
détail de la présente étude. A cet effet, on les a relevés 
d'abord par ordre alphabétique, en notant le degré de 
fréquence de chacun d'eux, ou de chaque forme gram- 
tnaticale d'un même mot, 'lorsqu'il se présentait sous 
plusieurs. Ce travail de pure statistique une fois achevé, 
il s'agissait de discuter la valeur respective des diverses 
parties de la documentation ainsi obtenue. 

Les observations martiennes se sont espacées sur 
une période de plus de trois ans, du 2 février 1896 au 
4 juin 1899, parfois séparées Tune de l'autre par un 
intervalle de plusieurs mois : il y en a, par exemple> 
plus de deux entre l'avant-dernière et la dernière, près 
de neuf entre la première et la seconde. En l'état, bien 
qu'elles aient été toutes conduites avec le même soin, 
elles ne sauraient être à beaucoup près d'égale valeur : 
les premières et les dernières ont nécessairement moins 
de consistance et d'importance que celles de la période 
où M^^® Smith nage en plein courant martien, où 
chaque séance lui amène un nouveau rêve, où les mots 
pour le décrire se pressent sur ses lèvres, et où le 
martien semble jaillir en source vive de celles de ses 
interlocuteurs imaginaires. 



— 11 — 

Au début, le martien n'est pas encore fixé : ce n'est 
presque qu'un balbutiement confus ; plusieurs mots 
sont créés, qui ne reviendront pas dans la suite 
[haudan, n^ 156), même pour exprimer une idée tout 
identique {cévouitche, n^ 182). C'est le moment de l'in- 
cubation, plein d'intérêt pour le psychologue, surtout 
s'il la pouvait pénétrer dans les mille replis du sub- 
conscient où elle s'élabore silencieusement, mais sans 
valeur pour le linguiste, qui ne peut établir d'induc- 
tions sûres que sur des formes fixes, précises et bien 
caractérisées. 

A la fin, l'imagination de M^^® Smith se lasse et 
s'épuise, visiblement : elle ne crée plus de scènes nou- 
velles ni n'entend de dialogues originaux ; elle ne fait 
plus que répéter, sous une forme à peine modifiée, les 
mêmes phrases banales, et tourner dans un cercle 
désormais fermé, enfin se pasticher elle-même. Le 
cycle martien est clos : peut-être s'en ouvre-t-il un 
autre; l'auteur nous le fait espérer, et même il nous en 
esquisse les prodromes; mais de celui-là, nous n'avons 
cure pour l'instant. Il en résulte que les mots de cette 
période donnent moins de prise à nos essais d'explica- 
tion, et aussi les requièrent moins : ou bien ce sont des 
mots déjà entendus, précieux seulement comme témoi- 
gnages de la continuité du souvenir ; ou, s'ils sont 
nouveaux, ils ne seront pas répétés, et manquent par 
là même de contrôle à ce dernier point de vue, qui est 
le plus important de tous. 

Cette observation s'applique également, quoique 
dans une moindre mesure, aux mots de la période 



— 12 -♦ 

intermédiaire qui ne sont apparus qu'une seule fois et 
que W^^ Smith n'a pas eu roccasion de répéter. Ces 
mots, que suivant In nomenclature philologique usuelle 
j'appellerai par concision des « à7ra$ .«, sont sus- 
pects, non pas en ce qu'ils auraient pu être inexacte- 
ment recueillis, — le soin diligent de robservateur 
nous est garant du contraire, — mais en tant que 
nous ne sommes jamais assurés que le sujet les eût 
répétés absolument identiques, ni par conséquent 
qu'ils soient de vrais spécimens d'une vraie langue, 
invariable et sûre d'elle-même. Plus un mot est revenu 
de fois, plus il y a de chances, bien évidemment, pour 
qu'il se rattache à une association d'idées précise, 
simple et susceptible d'être pensée par quelque autre 
cerveau humain que celui de M*^® Smith, partant re- 
constituable par voie d'induction; et aussi verrons- 
nous par la suite que les mots les plus fréquents sont 
aussi en principe ceux dont les origines se décèlent 
le plus aisément. 

Toutefois il ne faudrait pas exagérer la portée de 
cette dernière remarque. Pour la ramener à sa juste 
valeur il suffit d'observer que la plupart des mots qui 
n'apparaissent qu'une fois reviennent en réalité deux 
fois dans l'ensemble de la documentation. En effet, 
M^^® Smith ne traduit pas toujours une phrase mar- 
tienne le jour même où elle l'a prononcée ou écrite : il 
s'écoule souvent plusieurs jours, plusieurs semaines, 
entre la composition du texte et sa traduction; et, le 
jour où elle le traduit, elle le répète elle-même, sans 
secours extérieur, mot pour mot, tel qu'elle l'a dit ou 



- 13 - 

écrit antérieurement, en raccomp«ngnant d'une inter- 
prétation servile à force de littéralité. Il faut bien, 
pour cela, que chaque mot se trouve, si je puis dire, 
épingle dans une case de sa mémoire : ce que nous 
cherclions à démêler, c'est la nature et la forme de 
répingle^ 

Partant de ces prémisses, on s assurera sans peine 
que, outre quelques mots isolés (FI. p. 223), les mots 
martiens les moins dignes d'intérêt sont ceux qui 
figurent dans les textes 1, 3, 4, 8, 25, 33, 39 et 40; car 
ce sont ceux qui, traduits le jour même, contiennent 
aussi le moins de mots rencontrés également dans 
d'autres textes. Le texte 33, que j'appellerai dans la 
suite « la phrase inintelligible », gouffre encore, par. 
rapport aux autres, d'une infériorité supplémentaire : 
c'est une phrase entendue d'abord en une langue autre 
que le martien, — véritable charabia qui n'est apparu 
qu'une seule fois, — puis retraduite en martien, et tra- 
duite du martien en français, mais de telle manière 
qu'il est impossible de dégager un sens précis du mot à 
mot haché qui est censé la gloser. Sur 17 mots, déduc- 
tion faite des particules de liaison, elle ne contient 
pas moins de 13 «ita?, et seulement deux mots de 
quelque fréquence. 

Nous savons maintenant en gros quelles sont les 
parties véritablement importantes et curieuses de 

l'œuvre subconsciente de M"^ Smith; nous ne l'ou- 

* 

blierons pas en l'analysant dans le détail. Il nous 
reste à déterminer les sources d'où elle a pu dériver. 



14 — 



§ 3. — LES MATÉRIAUX 

(5) I. Le français, — Nous savons par M. Flournoy, 
nous constatons aisément par nous-mêmes que le roman 
martien est le produit d'une imagination tout enfan- 
tine. Admettons, pour tixer les idées, que Vautour de 
ces puérils récits et du langage qui les accompagne soit 
un subconscient de M^^® Smith arrêté dans son déve- 
loppement mental à lage de douze ans. A cet âge, 
M^^® Smith savait parfaitement le français et ne savait 
guère que cette langue : aussi est-ce le français, — on 
s'en .assurera au premier coup d'œil, — qui lui a fourni, 
avec sa syntaxe tout entière et la plupart des éléments 
de son indigente grammaire, la grande majorité des 
mots de son vocabulaire : bien entendu, non point tels 
quels; altérés dans leur forme et détournés dans leur 
sens, en cent façons capricieuses, par ce moi subliminal 
que domine et remplit à ce moment Tunique pensée de 
ne point parler français ni aucun autre langage de lui 
connu; mais reconnaissables pourtant, parce que, ce 
moi étant humain après tout, ces déformations s'effec- 
tuent fatalement suivant les règles d'une certaine 
logique humaine, et qu'il est dès lors possible à notre 
esprit de relever les voies par lesquelles le sien a passé ; 
voir le chapitre IV, n^^ 39-148. C'est donc sur le fran- 
çais avant tout que devront porter nos investigations, 
et nous ne recourrons à d'autres langues que lorsque, 
interrogé à fond et parcouru dans toute son étendue, il 
nous aura obstinément refusé une solution. 



— 15 — 

(6) II. U allemand. — M^^® Smith sait peu lallemand, 
et au surplus sa personnalité consciente n a point du 
tout le goût des langues. Toutefois elle a appris Talle- 
mand pendant trois ans : trois ans, c'est beaucoup dans 
une vie de trente, et, si peu d'ardeur qu'elle ait mis à 
cette étude, il est impossible qu'il ne lui en soit rien 
resté. Manquant de sens linguistique, elle ne s'en est 
pas assimilé le moins du monde le*Qécanisme gramma- 
tical; mais, douée d'une excellente mémoire^ elle en a 
retenu des mots, dont elle a pu enrichir son lexique 
martien. 

Malheureusement, l'on ne nous dit pas à quel âge 
elle a pris ces leçons d'allemand. Il n'est pas probable 
que ce soit avant l'âge de douze ans ; toutefois elle a pu 
les commencer vers cette époque, ce qui expliquerait 
encore mieux l'imperfection de se.^ connaissances. 
Mais mettons les choses au pis; supposons que 
M^i* Smith n'ait pas su un mot d'allemand avant l'âge 
de seize ans : s'ensuit-il nécessairement que son sub- 
conscient de douze ans (n° 5), qui compose le ronran 
martien et par hypothèse ne sait pas l'allemand, soit 
absolument au dépourvu de toute ressource à puiser 
dans cette langue? Je ne le crois pas. 

Je n'ai garde de m'immiscer dans une question dont 
la solution n'appartient qu'aux psychologues. Mais 
enfin, a priori, le moi qui crée le martien et b moi 
qui sait l'allemand ont beau être de date difïér mte : 
au moment actuel, qui est en définitive celui de) ippa- 
rition du martien, ils se trouvent réunis en une même 
personne, et n'y sont point séparés, selon toute vrai- 



^ !(} - 

semblance, par une cloison étanchc; on conçoit tout 
au moins la possibilité entre eux d'une communication 
osmotique, discrète, difficile peut-être^ niais enfin 
réalisable dans certaines conditions; et cette considé- 
ration suffit il légitimer en principe quelques battues à 
travers le vocabulaire allemand, à la recherche de telles 
origines martiennes dont le français persisterait à ne 
pas rendre compte. 

Que dire après cela, si a posteriori cette recherche 
se révèle fructueuse? Or, il est certain qu'on relève 
entre les deux vocabulaires trop de coïncidences pour 
les attribuer au pur hasard : sans parler de mode 
(( mère » et gudé « bons », qui peuvent aussi bien être 
anglais qu'allemands, mais sont sûrement l'un ou 
l'autre, des mots tels que imâ « ciel », haudan « mai- 
sons », cen « beau », sont témoins a triompher de tous 
les scepticismes ; et d'autres, pour être moins trans- 
parents, ne sont guère moins probants; voir tout le 
chapitre V, n^^ 149-172. L'allemand a sûrement fourni 
quelques fils de trame au tissu étrange dont le français 
forme la chaîne. 

(7) III. Le magyar. — M. Smith père était Hongrois 
d'origine. Il s'est expatrié de bonne heure, et sa fille 
n'a jamais eu occasion de connaître sa patrie, ni à plus 
forte raison d'en parler la langue. En fait, elle estime 
n'en pas savoir le premier mot, et nous ne demandons 
pas mieux que de l'en croire sur parole, en tant du 
moins qu'il n'est question que de son moi conscient. 
Mais ce que nul ne croira, c'est qu'il ne soit jamais 
arrivé à M. Smith de se rappeler devant son enfant la 



- 17 - 

langue de sa propre oiifaace, de lut adresser en magyar 
un mot de tendresse ou une exclamation d'appel, do 
lui nommer en magyar un objet familier, la feuille 

■ qu'ils cueillent, l'oiseau qui s'envole à leur approche, 
I î'écriture qu'elle trace sous ses yeux ! Je suis Alsacien, 
Iflt jusqu'en 1870 j'ai entendu parler, parlé à l'occasion 

patois de Colmar; d'autre part, mes filles n'ont 

■ jamais vu l'Alsace et no connaissent eu fait d'allemand 
J.'C[ue celui qu'on enseigne dans nos lycées. Cependant 
I. il m'arrive souvent de prononcer devant elles, même 

de leur adresser un mot, une phrase colmarlenne, à 
laquelle je sais d'avance qu'elles ne comprendront 
rien : alors, habituellement, je la leur traduis en fran- 
çais, ou je la décalque en allemand classique, en leur 
faisant observer les concordances phonétiques. Comme 
au surplus ce sont là des curiosa isolés, il est bien 
.clair qu'autant en emporte le vent: si l'on demandait 
[•■à l'une d'elles comment se dît en colmarlen tel mot 
que je lui ai appris une fois, elle répondrait de fort 
bonne foi qu'elle n'en sait rien, et elle aurait raison; 
mais peut-être, si elle était liynoptisable et qu'on la 
fournit à l'expérience, le mot inconnu d'elle émerge- 
|irait-il de ses profondeurs subliminales. 

11 n'est pas douteux que tel soit le cas de M"" Smith : 
H'empreinte est inconsciente, mais en général très 
^ette et d'une remarquable pureté ; car les mois 
IDagyars sont sensiblement moins déformés en martien, 
) les mots allemands, moins bien connus de 
^ Smith, et les mots franguis, qu'elle s'applique na- 
Welleraent à déguiser, tandis que le magyar ne lui 



— 18 — 

paraît pas requérir cette précaution. Il suffira de citer 
ici lâmi « voici », nâmi « beaucoup », ousti « bateau », 
et de renvoyer le lecteur au chapitre VI^ n<^' 173-230, 
en lui faisant observer que les mots qu'il y rencontrera 
sont précisément, ou des interjections, ou des noms 
d'objets concrets, familiers, usuel«, ou des expressions 
de tendresse enfantine, tous cas rentrant dans la défi- 
nition donnée plus haut de ce qu'elle pouvait avoir 
entendu de magyar à l'â^o de douze ans . 

Remarquons enfin que, par cette raison même, 
l'objection de principe que nous avons dû résoudre 
quant à l'allemand ne se pose point quant au magyar : 
c'est bien vers l'âge de douze ans que M"* Smith a 

possédé tout ce que son subconscient a pu glaner et 
accumuler en fait de magyar, et il n'est même pas pro- 
bable qu'elle y ait rien ajouté depuis lors. 

(8) [V. Le sanscrit. — Cette objection, si nous 
n'avions désormais le droit de n'en plus tenir compte, 
s'élèverait au contraire avec une nouvelle force contre 
l'intervention du sanscrit dans l'élaboration du mar- 
tien. Sans doute, nous ignorons, nous ignorerons tou- 
jours à quel âge M"^ Smith a feuilleté par hasard le 
ou les livres inconnus où elle a puisé les éléments d'un 
roman pseudo-oriental, une donnée chronologique sur 
l'histoire de l'Inde, quelques mots sanscrits et une 
notion fort confuse de l'alphabet dêvanâgarî; mais, 
comme le roman de Sivrouka et Simandini est une 
histoire amoureuse et fort passionnée, le subconscient 
qui la compose ou la répète, en tout cas la mime mer- 
veilleusement, ne peut être qu'un moi adulte. On verra 



-^ 19-- 

pourtant qu'il voisine, mais très peu et comme à la 
dérobée, avec le moi enfantin qui se promène à travers 
les paysages de Mars. 

Ce qui importe pour l'instant, c'est de préciser, s'il 
se peut, ce que M**® Smith sait au juste de sanscrit : je 
ne veux point dire, de discuter et expliquer en détail 
son vocabulaire, ce n'est pas la tâche que je me suis 
assignée, et cet opuscule prendrait des proportions in- 
décentes si je ne me bornais au martien; mais tout 
uniment de délimiter Tinfluence occulte que le rêve 
hindou a pu exercer sur l'évolution du rêve interpla- 
nétaire. 

Il est entendu que M^^® Smith ne sait pas le sans- 
crit : des 40 mots sansçritoides recueillis de sa bouche, 
15 à peine donnent un sens à l'analyse. On pourra en 
accroître le nombre : expliquer le nom propre Siman- 
dini par sk. slmantinl « jeune femme sur qui l'on a 
accompli la cérémonie du sîmantakarma, tracé la raie 
du sommet de la tête, épouse enceinte » ; chercher dans 
atiéyâle simple mot adhydya « chapitre », légèrement 
altéré parce que Teffort de prononcer l'A a changé le d 
en t et que l'a a été. prononcé comme dans le f r. il 
paya (on remarquera que ce mot figure en tête de bien 
des divisions d ouvrages hindous, et souvent associé à 
l'invocation à Ganêça ou Ganapati, FI. p. 293, par 
laquelle ils débutent); couper en deux le bizarre tvan^ 
dastrourrij et y reconnaître sk. dvandva « couple », 
terme grammatical qui figure en bonne place dans 
quantité d'ouvrages, etc. Peut-être arriverait-on par là 
à savoir quelque jour où M^'® Smith a pris son sanscrit, 



- 20 - 

mais on n élèverait pas d'un degré Testime qu'un sans- 
critisteen doit faire. La considération capitale^ en effet, 
c'est qu'en parlant sanscrit ou sanscritoide elle ne 
parait pas savoir ce qu'elle dit : rarement elle place à 
propos un mot reconnaissable ; il en est d'admirable- 
ment corrects dont rien n'indique qu'elle sache le sens ; 
tout au contraire du martien, qu'Esenale traduit comme 
un professeur en classe, elle se refuse, — ou du moins 
Léopold, un autre désincarné, qui pourtant a la science 
infuse, y témoigne une répugnance presque invincible, 
— à traduire son sanscrit; ou, si on l'en presse à toute 
force, on n'obtient qu'un sens général de phrase, 
jamais celui d'un mot en particulier, et le tout se 
réduit à quelques confuses éjaculations, cris entrecoupés 
de tendresse adressés par Simandini à son époux, 
chanson printanière (FI. p. 302), plus plate et plus vide 
que la plus fade de nos romances. La preuve est faite : 
M"® Smith ne sait pas du tout le sanscrit, et le sans- 
critoide qu elle modèle à son image, — bien différent du 
martien, qui est un véritable organisme linguistique, 
encore qu'imparfait, — n'est qu'un gazouillement in- 
forme, sous lequel elle-même ne perçoit qu'un sens 
confus d'élan passionné, — le chant, si l'on veut, du 
rossignol au printemps. 

Et toutefois, un autre fait s'impose, qu'il ne faut pas 
perdre de vue dans cet examen et qui a frappé tous 
les érudits consultés sur la matière : son sanscritoïde 
ressemble étonnamment au sanscrit ; il en a, non 
seulement quelques mots, intacts ou peu altérés, mais 
les allures générales, la prédominance de la voyelle a, 



liaisons par semi-voyelles {ai/a, iya), même, Â^ti 

f croire les auditeurs, le rythme enveloppant et berceur. 

Ceci ne doit être entendu que ciim grano saiis : ainsi 

que le fait observer M. Flournoy. beaucoup d'« y sont 

prononcés à, alors que le sanscrit ne connaît d'autre 

M que celui qui se triinscrirait ou en français, et cette 

circonstance à elle seule suffit à introduire une fausse 

note douloiu'eusement sensible k fotite oreille sanscri- 

■liste; d'autre part, la finale de tvandastroum (FI. 

■■p. 298) pourra passer pour tout ce que l'on voudra 

p;plutût que du sanscrit, JMais, avec tout cela, il n'eo 

P-demeure pas moins que le sanscritoïde est un pastiche 

^remarquable des sons et des intonations du sanscrit : 

■ipour être arrivé à l'obtenir, il a fallu que le sujet se 

BÎât assimila avec une justesse surprenante les carac- 

cx-tèrieurs de cette langue et fût subconsciemment 

F doué d'une faculté d'imitation peu commune. 

Une circonstance entre toutes s'est imposée 'a la pé- 

iflétraote attention de M. de Saussure : le sanscrit n'a 

Pipoint dy, et te sanscritoïde de M"* Smîlh n'en a pas 

" non plus accuse un seul. H y a !à un petit mystère 

irritant ; car, de supposer (F|. p. 317) que M"" Smith, 

qui n'a pas l'attention tournée vers les faits de linguis- 

Utique, de phonétique encore moins, et qui n'a lu ou 

entendu qu'une vingtaine de mots sanscrits, ait pu 

remarquer d'elle-même qu'aucun de ces mots ne eon- 

fenaitdy, je.crains que cela ne passe la vraisemblance. 

3l n'est pas moins malaisé de croira qu'elle ait trouvé 

Jette constatation toute formulée dans une grammaire 

xidentollement feuilletée; car, d'abord, elle serait 



— 22 - 

eh partie erronée, le sanscrit ayant au besoin un f, 
son ph, qui lui sert à transcrire les/ des mots étran- 
gers; et puis une parenthèse de ce genre était-elle de 
nature à laisser à la mémoire une assez profonde em- 
preinte pour que Vf fût systématiquement banni du 
sanscritoïde? 'Il faut chercher ailleurs, au risque de 
s'égarer : peut-être la comparaison du miartien au sans- 
crit éclairera-t-elle la question, en même temps qu'elle 
jettera quelque jour sur l'un des procédés de l'élabo- 
ration du martien lui-même . . 

Le martien non plus n'a point d'f, ou bien peu s'en 
faut : qu'on les compte, on en trouvera en tout 7, dont 
6 initiaux (n«« 77, 78, 79, 80, 246 et 247),^et un médial, 
ce dernier suspect (n<» 273). C'est bien peu, étant donné 
que les langues qui ont servi à le construire, français, 
magyar, allemand, nous offrent cette consonne en pro- 
portion très notable. Numériquement, si nous ne ren- 
controns que six ou sept f dans 300 mots martiens, 
prononcés très distinctement à plusieurs reprises ou 
même souvent écrits de la main du sujet, en sorte que 
Terreur sur l'articulation est à peu près impossible, 
combien sommes-nous en droit d'en attendre dans une 
quarantaine de mots sanscritoïdes, la plupart du temps 
vaguement zézayes ou balbutiés, dits à voix basse, 
à peine entendus des assistants qui ont dû les noter au 
vol? Moins d'un, n'est-il paà vrai? Eh bien^ nous n'en 
trouvons pas un ; c'est toute la différence : elle est mi- 
nime. J'en conclus que,, si M"® Smith ne met point dy 
dans son sanscrit, ce n'est pas qu'elle ait des lumières 
spéciales sur l'absence de l^en cette langue; c'est tout 



I 



— 23 — 

uniment qu'elle introduit dans ta création du sauscri- 
toîde l'un des principes au moins qu'elle a suivis dans 
celle du martien : ce qui n'a rien d'étonnant, puisque 
ces deux créations, remarquons-le bien, se sont dérou- 
lées chronologiquement côte à côte. 

Ce principe, quel est-il? Je le dirai sans ambages, 
dût-on en railler, La logique du rave n'est point celle 
de l'homme éveillé et pleinement conscient ; et au sur- 
plus la simple rêverie d'un homme sain et rassis amène 
parfois des associations d'idées beaucoup plus étranges 
que celle que je conjecture ici. S'il est une pensée gé- 
nérale qui occupe tout entier le subconscient de 
M"° Smith au moment où elle assemble les sons du 
sanscritolde ou du martien, c'est assurément celle de 
ne point parler « français » : toute son attention doit 
être bandée à cet effort. Or, le mot « français ii com- 
mence par un/, par cotte raison ly doit lui apparaître 
comme la lettre u française n par excellence, et donc 
elle l'évite tant qu'elle peut: c'est pourquoi il n'y a 
point dy en sanscritolde, et presque pas en martien. 

Mais à ce compte, dira-t-on, il n'y en devrait point 
avoir du tout. ~ Sans doute ; mais il n'est telle atten- 
tion qui ne se lasse, telle vigilance qu'on ne puisse 
prendre en défaut : mettons que les quelques y du 
martien soient des lapsus, la consonne a bondi trop 
vite pour que la réflexion subliminale la pût corriger, 
qui s'en étonnera? Même, si l'on examine d'un peu 
près les six mots à yinitiai, on entreverra do vagues 
raisons du maintien exceptionnel de la consonne: l'un 
est un terme technique dont la formes'impoBait,FI. 12; 



3 



— 24 - 

l'iHltre était suirisamment déguisé par le détour c 
dalêeii d'où il était issu, pouf qu'un déguisement ulté- 
rieur dût paraître inutile, FI. 24; un autre a été pro- 
noncé '< en plein somnambulisme u, dans une phrase 
qui n'est qu'un sanglot, FI. 13... N'insistons pas, sous 
peine de forcer la note: il doit nous sullire d'avoir mis 
toutes les vraisemblances au service de notre liypo- 
thèse. 

Nous l'aurions fait, si nouK parvenions à démontrer 
que, quand M"" Smith emprunte à une langue d'elle 
connue un mot contenant un,/' elle change cette lettre 
en une autre consonne, toujours la même ; car alors la 
proscription systématique de 1'/ sauterait aux yeux ; 
et, en même temps, on comprendrait mieux qu'elle 
l'eut si heureusement réalisée, ayant toujours présent A 
la mémoire un substitut tout prêt pour la consonne 
abhorrée. Il se peutqu'ilen soit ainsi, et que M"" Smith 
remplace l'/'par le b .-on en trouvera quelques indices 
au cours de ces pages_, n"* 36 (3"), 151, 180 ; mais je n'en 
sais de preuve à peu près irréfragable que l'ai, finden 
devenu mt. biridié, n" 150. Théoriquement, la subs- 
titution est irréprochable : elle se justifie par une 
double association, phonétique et graphique. L'/est 
une labiale : il appelle, pour le remplacer, une con- 
sonne qui exige le même mouvement de lèvres et la 
même disposition de l'organe buccal. Maintenant, 
pourquoi le 6 plutôt que le jo etief, qui sont, chacun 
de son côté, plus voisins de Vf, l'un parce qu'il est une ' 
sourde, l'autre parce qu'il est une spirante? Ici inter- 
vient l'intluence de la graphie : le b est de toutes les 



I labiales la seule dont le caractère ressemble à celui de 
ly, comnieneè comme lui pur une grande boucle qui en 
forme presque tout le corps. Si ces inductions rapides 
8e vérifient par la suitode mon analyse, c'est ce que je 
laisse de bon cœur au lecteur à apprécier. 

11 résulte de cette discussion que M"" Smith a pu 
parler un sanscrit d'apparence correcte en en sachant 
fort peu, et que, comme parfois son rêve hindou s'eu- 
treméle à son rêve martien (FI. 13), elle a pu utiliser 
quelques souvenirs orientaux pour la construction de 
sa langue martienne. 

[9) V. Autres langues. —C'est tout, heureusement: 
car, si nous avions dû promener notre recherche à 
travers d'autres domaines linguistiques, il y avait de 
quoi nous décourager de l'entreprendre; et, d'autre 
part, elle serait devenue suspecte ; on nous aurait 
objecté qu'il fallait bien que le martien ressemblât à 
quelque chose, et que, ressemblant à tant de langues â 
1 fois, il avait donc bien des chances d'être original. 
. Smith père, nous dit-on, h parlait couramment le 
îjongrois, l'allemand, le français, l'italien etl'espagnol, 
Kiomprenait assez bien l'anglais, et savait aussi le latin 
fet un peu de grec )) (FI. p. 15); mais, de tout cela, sauf 
sa langue natale, rien ne nous permet ni ne nous oblige 
de supposer qu'il ait transmis la moindre notion à sa 
fille. Sans doute elle aura pu saisir quelques mots de 
les conversations avec des étrangers; il serait môme 
jfitonnant qu'elle ne connût pas certaines bribes d'an- 
glais et d'italien; il vient tant d'Anglais à Genève, et 
fritalie est si prochel II serait donc excessif d'exclure 



— 26 — 

toutes les langues autres que français, allemand, 
hongrois et sanscrit ; mais elles ii'ont droit d'apparaître 
qu'à l'extrême arrière-plan, et seulement en tant qu'il 
s'agira de locutions connues, pour ainsi dire, de toute 
personne de moyenne instruction. Notre horizon de 
recherche se trouve ainsi rigoureusement circonscrit. 



— 27 — 



CHAPITRE PREMIER 
Les procédés du Langage martien 

(10) Fixés maintenant sur le but et la méthode de 
notre recherche, nous abordons notre sujet par l'exa- 
men et le classement des procédés généraux qui pré- 
sident, dans le moi subconscient du sujet, à l'élabora- 
tion de la langue martienne. Les quelques exemples 
cites dans l'introduction, de mots français, allemands, 
magyars, transportés à peu près tels quels en martien, 
n'avaient d'autre objet que de rendre manifeste le fait 
brut de l'adaptation de ces trois langues à la création 
de l'idiome nouveau rêvé par M^^® Smith. Il s'agit 
maintenant de savoir ce qu'ils deviennent dans sa 
bouche ou sous sa plume, quand, — ce qui est de beau- 
coup le cas le plus fréquent, — elle les déforme pour 
les déguiser ou les plier aux besoins de l'expression de 
sa pensée. Chacun des procédés qu'elle emploie à cet 
efiEet sera établi à son tour par un ou deux exemples 
seulement, mais autant que possible simples, clairs et 
probants, empruntés de préférence au français; puis, 
une fois acquise par cette voie la preuve que le procédé 
dont s'agit n'est pas étranger à la linguistique sublimi- 
nale de M""* Smith, il deviendra légitime d'en poursuivre 
l'application à tous les autres mots de sou vocabulaire, 



en les comparant, sous le bénéfice des modifications 
que ce procédé comporte et autorise, aux mots des 
divers vocabulaires réels que nous avons reconnus être 
à sa disposition. 

§ l®^ — PHONÉTIQUE 

(11) Il est presque superflu de faire observer que la 
phonétique est une des parties les moins intéressantes 
de l'organisme martien. Sauf la statistique des voyelles, 
déjà dressée par M. Flournoy (p. 225), et celle des 
consonnes, qui ne nous apprendrait sans doute rien de 
nouveau en dehors de la rareté de lyconstatée au n** 8, 
il est presque impossible. d'en extraire aucune donnée 
positive. De lois phonétiques, en effet, il ne saurait 
être question ici : les lois phonétiques supposent un 
langage vivant, évoluant pendant des années et des 
siècles dans la bouche des hommes groupés en commu- 
nauté, les enfants s'éfforçant de reproduire Thabitus 
buccal de leurs parents, n'y parvenant que de façon 
imparfaite, et imposant ainsi à la parole apprise des 
altérations insensibles dont la somme finit par cons- 
tituer la variation phonétique. Mais M'^® Smith est 
Genevoise, elle est notre contemporaine; qu'elle parle 
français, allemand, hongrois ou martien, son habitus 
buccal est toujours celui de M^'® Smith : si donc, elle 
change, par exemple, un d en t, un^en bj ce n'est pas 
qu'elle y soit contrainte par aucune nécessité anato- 
•mique ou physiologique; c'est par un effort de sa 
volonté, — ce mot entendu comnae il doit l'être pour 
exclure toute idée de simulation consciente, — et qui 



dit volonté dit nécessairement, au moins dans l'état 
présent de- nos connaissances psychologiques, arbi- 
traire et caprice. On a déjà comparé son martien à un 
jargon enfantin ou à un argot' professionnel. La seconde 
comparaison est la plus juste : Tenfant qui jargonne ne 
songe qu'à déformer les mots au hasard, car il ne s'in- 
quiète pas d'être compris ni même de se comprendre, 
il ne répétera jamais ce qu'il à dit une fois; dans l'ar- 
got, il faut que les déformations soient réconnaissables 
à une oreille initiée, et qu'un même mot, dès lors, 
n'affecte pas trop de formes différentes; mais, de part 
et d'autre, les altérations sont arbitraires, et ce serait 
perdre son temps que de chercher, par exemple, des 
concordances phonétiques fixes de l'argot français au 
français. Tout au plus sera-t-il permis d'y signaler des 
tendances confuses, souvent traversées et entravées par 

des tendances inverses, et c'est aussi dans cette 
mesure discrète qu'on soumettra à un examen phoné- 
tique le martien de M'^'^ Smith. 

I 

(12) I. Les voyelles, — 1° La substitution vocalique 
est le moyen évidemment le plus aisé qui s'offre à 
l'esprit pour déguiser un mot quelconque : aussi est- 
elle à peu près indéfinie en martien, comme dans tout 
jargon enfantin. Toutefois elle obéit en général à un 
principe fort bien mis en relief par M. Flournoy, 
celui de la transposition du grave à l'aigu : ainsi Vo 
passe volontiers à l'a, Va à Te, Ve à 1'/, et Vu, en tant 
que son mixte, reste de préférence intact. On s'en 
assurera par l'examen du vocabulaire. Peut-être même 
les cas où se produit la mutation inverse (mt. nàmi 



— 30 — 

pour mg. némi, n^ 198) doivent-ils s'expliquer par des 
influences étrangères à la phonétique ; mais ce serait 
outrer les choses et lasser la patience du lecteur, que 
de se livrer à l'investigation de pareilles minuties. 

2° Le caractère fuyant du vocalisme martien est 
d'ailleurs pleinement démontré par les hésitations du 
sujet même qui le crée : ses finales sont parfois incer- 
taines; on relève tarvinê et tarvini « langage » (FI. 12 
et 15), povini et poviné « arriver » (FI. 11 et 27). 
Rien de plus concevable; encore une fois, c'est le 
contraire qui serait surprenant. Mais on ne saurait 
attendre du martien un traitement tant soit peu cons- 
tant des vocalismes étrangers, alors qu'il fait si bon 
marché de son propre vocalisme. 

3"* Les diphtongues étrangères au français se réduisent 
à des voyelles simples : al. çm^'^'e devient -énêsé, 
n** 168; al. haus donne haudan, qui se prononce à la 
française, n® 156. C'est la conséquence naturelle de ce 
que le martien est un idiome partiellement étranger,' 
mais toujours articulé par un organe français. 

4° Par la même raison, une voyelle suivie de nasale 
-j- consonne se nasalise : al. handeln donne mt. andê- 
lù\ qui se prononce avec a nasal et sans consonne n . 

5** La possibilité de l'insertion d'une voyelle épenthé- 
tique dans un groupe de consonnes ou, inversement, 
de la chute d'une voyelle entre consonne et liquide, 
est mise en lumière par le rapport étymologique, au 
moins très probable, des deux mots bérimir et primi, 
n**' .53 et 285. C'est d'ailleurs, dans toutes les langues 
du monde^ un phénomène phonétique élémentaire et 



des plus communs- Voir encore çà et là les mots crisi, 
piri, klrimê, pocrimê, kramâ, etc. 

{13) II. Les consonnes. — 1° L'échange de sourde 
et sonore'{/t' >g,t>d,p>b,oii réciproquement) est, 
. de tous les procédés de déguisement consonnan tique, 
le plus nature! et praticable ; aussi verra-t-on que 
M"' Smith en use très largement. 
8° L'échange entre liquides, entre nasales, et d'ex- 
; plosive à spirante de même ordre {r >l, m > n, b > v, 
' ou réciproquement), est aussi extrêmement aisé : 
M"« Smith connaît le procédé, mais n'en abuse pas. 
3° Sur la mutation conjecturale f > b, voir le n" 8. 
4° En ce qui concerne les sifflantes, il y a lieu d'ad- 
, mettre, outre l'échange de sourde à sonore, — s > j, 
i J > s, d'autant plus courant chez M"" Smith qu'elle 
i prononce à la franijaise. c'est-à-dire comme un ^, l's 
' martien entre deux voyelles, — l'échange de chuin- 
' tante et sifflante, en d'autres termes le zézaiement qui 
change i {— sch al.) en s, ou le phénomène inverse, 
t Les mots martiens qui commencent par 3 semblent 
presque tous des produits variés de ces diverses muta- 
tions capricieusement croisées et combinées entre elles : 
n»" 146-147, 226-227. 
5" En dehors de ces quatre variations, qui relèvent 
I d'une phonétique parfaitement normale et dont on 
trouverait des exemples dans nombre de langues réel- 
lement existantes, le martien semble parfois en accuser 
une autre, tout h. fait argotique celle-là, qui consiste 
à remplacer arbitrairement une consonne par celle qui 
lia précède ou la suit immédiatement dans l'ordre 



— 32 — 

alphabétique : ainsi, / pour m, dans /é, n^ 32, 1**; 
d pour c, dans dodé, n° 33, 2°, etc. On ne perdra pas 
de temps à insister sur le caractère à la fois artificiel 
et ingénu d'un procédé que désavouerait aujourd'hui 
le plus vulgaire des cryptogrammes. 

(14) 111. La métathèse. — Le phénomène dit de 
métathèse, surtout consonnantique, se constate, non 
sans fréquence, dans tous les' idiomes jusqu'à présent 
étudiés. Dans notre parler de tous les jours, c'est à lui 
que remontent la plupart de nos lapsus vocaux, de lui 
que relèvent cent facéties qui courent les rues : sesque 
pour sexe, et similaires. En tant qu'opération réflé- 
chie, faire l'anagramme d'un mot a toujours passé pour 
une façon agréable de le déguiser pour le laisser de- 
viner, et nos journaux illustrés publient encore en der- 
nière page toute sorte de problèmes en ce genre. On 
doit donc a priori supposer qu'un procédé aussi cou- 
rant est familier à M^'« Smith. Pour s'assurer que son 
moi subconscient le pratique en effet, il suflSt de cons- 
tater qu'il opère des changements métathétiques jusque 
dans son propre martien : il a commencé par dire ktné 
« petit », FI. 3, 8 novembre 1896; plus d'un an après 
(28 novembre 1897, FI. 20), il n'a pas oublié son mot, 
que pourtant il n'a jamais prononcé dans Tinter valle; 
mais il en a fait l'anagramme, et il dit niké. Je n'ajou- 
terai rien à un fait qui parle de lui-même; mais on 
verra que la métathèse est, comme on doit s'y attendre, 
une des clefs les plus satisfaisantes et les plus sûres du 
problème martien, et Ton se reportera dès à présent, 



— 33 -^ 

si on le veut bien, aux articles cltiré, diméj tensée 
(chapitre IV)^ ma/2/r (chapitre VI), etc., etc. 

(15) IV, Aphérèse, syncope, apocope, — C'est aussi 
un procédé de démarquage très usité que de retrancher 
à un mot la tète ou la queue ou le milieu^ et Ton doit 
supposer que M"® Smith a parfois eu sous les ^eax un 
logogriphe, peut-être même s'est amusée à en déchiffrer. 
Au surplus, dans la rapidité 'de la prononciation, cer- 
taines syllabes faiblement accentuées tombent d'elles- 
mêmes, sans que la volonté y intervienne. Que Ton 
compare maintenant : mt. chand-êné « délicieux », 
au fr, en-chant- eur, n® 60; mt. kiné « petit », au mg. 
kicsiny.n^ 191; mt. meroé « superbes », au fr. merveil- 
leux, n** 101. Il n'en faut pas davantage, j'imagine, 
pour établir que l'aphérèse, la syncope intérieure et 
l'apocope font partie du bagage phonétique de la créa- 
trice du martien, et pour légitimer l'introduction de 
ces procédés si simples dans la recherche de certaines 
étymologies moins transparentes. 

(16) V. Allitération et assonance, — Toutes les 
langues primitives et tous les jargons enfantins usent 
largement de l'allitération et de l'assonance : survi- 
vance du temps lointain où la parole et le chant ne 
faisaient qu'un, satisfaction vague d'un instinct esthé- 
tique qui est la marque d'outil imprimée par l'homme à 
toutes ses productions, moyen mnémonique aussi effi- 
cace qu'aisé, tout concourt à faire de la répétition des 
sons initiaux ou finaux la b^se de la mélopée accompa- 
gnatrice du langage humain. A plus forte, raison, s'il 

3 



— 34 — 

s'agit de Tœuvre d'un subconscient qui volontiers 
rimaille, ne fût-ce qu'en vers' de mirliton, et à qui il 
arrive de parler même en prose rimée, sans s'en aper- 
cevoir qu'après coup (FI. p. 53-54). Les exemples que 
j'ai relevés de ces phénomènes me paraissent sûrs, et 
je crois même qu'il ne serait pas malaisé de les multi^ 
plier sans invraisemblance. 

Allitération vocalique : durant un an et demi de 
notations martiennes, on n'a pas recueilli un seul mot 
commençant par u\ tout à coup, le 28 novembre 1897, 
un u initial fait son apparition, et voici, coup sur coup, 
en une seule ligne, trois m^ots commençant par w, 
FI. 20; on les retrouvera en temps et lieu. Allitération 
consonnantique : on relève des successions de mots 
telles que mété mode FI. 4, pomnipoénêzé FI. 11, crizi 
capri ...carimi FI. 20, qui ne sauraient toutes être 
fortuites*. Il est même fort possible que la forme 
étrange de certains « petits mots )) (cf. le chapitre III) 

ait été, pour la première fois qu'ils ont été prononcés, 
déterminée par une allitération sensible ou latente : 
ainsi, ché « ton », qui est inexplicable à ma connais- 
sance, viendrait (FI. 3) de la consonnance ché chiré 
(( ton fils », que M'^*' Smith n'a pas prononcée ce jour- 
là, mais qui est apparue dix jours plus tard (FI. 4), ou 
bien d'une assonance plus générale encore, cf. n° 32, 2°. 
Il ne faudrait pas exagérer la portée de ce précieux 
principe. Il m'avait d'abord lancé sur de fausses pistes : 
j'ai cherché dans beaucoup d'initiales martiennes des 

1. Voir aussi, au n° 288, ce qui est dit des débuts manifestement 
ailitérants du langage martien. 



— 35 — 

consonnes prothétiques issues d'allitération ou dé 
fausse euphonie, et en fin de compte j'ai dû abandonner 
cette idée. En lisant une phrase telle que mis méch 
med mirivé a un crayon pour tracer » FI. 17, qui ne 
croirait à une succession allitérante à dessein? Il n'en 
est rien pourtant : de tous ces mots, méch est le seul 
dont la genèse puisse, si Ton veut, mais non pas 
nécessairement doive s'expliquer par une allitéra- 
tion avec mis, Mirivé, qui a tout l'air d'une altération 
de fr. écrives par une prothèse allitérante de m, est 
bien issu d'allitération, il est vrai, mais non pas dans 
cette phrase; car il est apparu trois mois et demi plus 
tôt, dans le texte FI. 12 et la succession machir mirivé 
iche manù\ Enfin, med « pour )), qui est né ce jour- 
là, ne semble pas cependant être né par la vertu de 
Tallitération ; car^ sept mois auparavant (FI. 8), 
M^^® Smith avait dit meta a pourtant », qui ne semble 
pas pouvoir en être séparé; cf. n"* 282. 

Mais, si l'hypothèse allitérative est sujette à caution 
dans l'explication du langage martien, l'assonance, 
poussée même jusqu'à la rime, et jusqu'à la rime riche, 
en constitue un des procédés les plus constants et spon- 
tanés. 11 semble qu'une finale donnée en appelle à sa 
suite, au bout de quelques mots, une autre toute 
pareille. Ainsi, la finale -imé est fort rare en martien; 
mais, dans le texte FI. 8, on la lit deux fois, à une ligne 
d'intervalle : c'est que M^^« Smith, ayant dit misaïmé 
(( fleurs », a été naturellement amenée à dire aussi 
finaïmé « senteurs ». Parfois le rapport d'assonance 
est double, et le balancement antithétique de lapropo- 



— 36 — 

silion est comme un rudiment du procédé des rimes 
croisées: FI. 29, ^é bodri \ né dorimé\\zé pastri \ 
tubvé né tu^é, « Tos est sain, le sang seul est malade ». 
Il serait aussi aisé qu'inutile d'accroître la liste de ces 
cas dont le principe seul est intéressant k constater. 

§ 2. — DÉRIVATION 

r 

(17) La dérivation martienne s'effectue exclusive- 
ment par voie de suffixation; du moins, lorsqu'il s'y 
produit une préfixation analysable, ne trahit-elle mani- 

« 

festement qu'un simple décalque du français; cf. 
n°' 241-242. Mais la suffixation proprement martienne 
est d'une indigence et d'une monotonie qui ne 
s'expliquent que trop bien si Ton prend la peine de réflé- 
chir qu'elle a beaucoup moins pour objet de former des 
mots nouveaux que de déformer des mots déjà tout 
faits. En bref, elle relève de deux principes antago- 
nistes, tous deux étrangers à la morphologie des 
idiomes réels et normaux : celui de la déformation jar- 
gonnante ou argotique (n° 11) tendrait à imposer aux 
mots transportés en martien les finales les plus variées, 
les plus bizarres, comme étant les mieux propres à les 
déguiser; tandis qu'au contraire le procédé de l'asso- 
nance (n® 16) tend à assimiler les finales entre elles et 
à ne les laisser évoluer que dans un cercle restreint. La 
suffixation martienne est le résultat de l'équilibre ins- 
table entre ces deux tendances : tout n'y est qu'arbi- 
traire et confusion, et c'est à peine si l'on y peut 
relever quelques repères fixes. 
1"* Au début de l'apparition du martien, l'imagina- 



— 37 — 

tion du sujet paraît enlièrcment envahie par une finnle 
-s, qui rappelle irrésistiblement les suffixes argotiques 
si communs^ -uche, -anche^ -oche\ dont la connais- 
sance a été plus ou moins propagée dans le grand 
public par les romans d'E. Sue et les Misérables de 
V. Hugo. La première éjaculation se compose de 
quatre mots isolés, tous terminés par -s (n'*=^ 93, 99, 
102 et 104), qui ne sont visiblement que de grossières 
et très arbitraires déformations du français. 

2^ Mais, de ces quatre mots, trois ne reparaîtront 
jamais plus, un seul [métiché) est appelé à une haute 
fortune. La prédilection pour la finale -s s'accuse 
encore, mais beaucoup plus discrètement, par exemple 
par la transformation du français vu en véche au texte 
FI. 2. Elle ne va pas tarder à s'évanouir. Dès le texte 
FI. 4, et définitivement à partir de FL 5, — mais il 
faut bien remarquer qu'il s'est produit entre FI. 1 et 
FI. 5 un travail d'élaboration subconsciente qui a duré 
plus de dix mois, — le système des finales martiennes 
est fixé tel qu'il se développera -dans la suite : prédo- 
minance des voyelles, et surtout des voyelles -é ou -t, 
soit qu'on les ajoute au mot emprunté pour le com- 
pléter (fr. Espagne > mt. Espênié)^ soit qu'on les y 
découvre en laissant tomber la consonne finale qui les 
recouvrait (al. mutter ou anglais mother > mt. mode). 

S"* Ce n'est pas à dire que la finale -s disparaisse sans 
retour. Mais on ne la rencontre guère employée avec 
une préférence marquée que dans les adverbes ou 
mots accessoires du même genre: ttche « bientôt », 

1. Cf. Guieysse et Schwob, in Mùm. Soc, Ling.^YU, p. 40 sq. 



— 38 — 

étécheet itèch « toujours », vétiche « cependant ». On 
n'e^ saurait conclure, d'ailleurs^ que M"® Smith ait 
établi aucun lien entre ce suffixe apparent et sa fonc- 
tion adverbiale; car on verra qu'il s'explique assez bien, 
dans la plupart de ces mots, par des raisons d'emprunt. 

4"* En dehors de ces cas, et de quelques autres où le 
mot emprunté ne subit ni addition ni apocope finale 
[mâche, atèv, pâlir, etc.), la suffixation que nous appe- 
lons martienne, c'est-à-dire essentiellement dépourvue 
de signification précise, indiflEérente même en principe 
entre le substantif, l'adjectif et le verbe, est constituée 
par une voyelle: le plus communément -é, -i, ou -ié; 
parfois -a ou -a, qui presque toujours s'explique 
mieux par des raisons d'emprunt; jamais -o ni -w. 
Lorsqu'elle est plus compliquée, c'est-à-dire disylla- 
bique, c'est généralement une nasale qui en constitue 
la consonne : -imé, très rare; -mé^ -ini, -iniéj très fré-. 
quents; -une, -unie, -ôné, etc.; subsidiairement, -;?/, 
-i^i, assez communs. Pour plus amples informations on 
consultera les vocabulaires. 

5"* La seule finale suffixale significative du martien 
n'apparaît qu'à la fin, FI. 40: c'est un suffixe -nâ, cor- 
respondant au fr. -ment dans les adverbes, 2 fois, mais 
dans une seule et même phrase, et dès lors sans intérêt, 
car il n'a naturellement jamais été répété, et là même 
on ne peut savoir s'il ne relève pas de tout autre chose 
que d'un procédé suffixal; cf. les n**^ 69 et 154. 

§ 3. — GRAMMAIRE 

(18) La grammaire du martien est éminemment 
sommaire, non pas seulement à cause du petit nombre 



— 39 — 

de documents que nous en possédons et qui n'a guère 
permis la répétition fréquente des mêmes mots en di- 
verses situations de relation grammaticale, mais aussi 
et surtout parce que, des différentes formes d'un même 
mot ainsi employé, il est fort difficile d'extraire plus 
de trois ou quatre règles grammaticales précises et sen- 
siblement invariables. Telle qu'elle nous apparaît, tou- 
tefois, cette grammaire n'offre presque pas un seul 
trait qui ne soit exclusivement français, c'est-à-dire 
qui ne s'explique par le transport pur et simple au 
martien d'un trait de la langue la plus familière, la 
seule familière même à M*^' Smith. 

(19) I. Le substantif, — 1"* Le genre du substantif 
martien a pour indice essentiel, comme en français, la 
forme de l'article, qu'Ésenale traduit en mot à mot par 
« le » ou « la » suivant les cas. La conclusion qui se 
dégage constamment de cette traduction, c'est que le 
martien n'a que deux genres, et que les mots qui sont 
masculins ou féminins en français le sont aussi, res- 
pectivement, sans exception, en martien. Qu'une langue 
puisse ne pas connaître la catégorie du genre gramma- 
tical, ou qu'au contraire une langue puisse compter 
plus de deux genres, ou qu'enfin un mot masculin en 
français puisse être féminin ou neutre ailleurs, c'est là 
une idée qui paraît aussi absolument étrangère à la 
créatrice du martien que celle de la lumière à un 
aveugle-né! Tant la grammaire élémentaire du magyar, 
ou même de l'allemand, qu'elle a apprise, demeure 
lettre close à son subconscient linguistique! 

2^ Un seul substantif a une flexion féminine : c'est 



-^ 40 - 

men « ami », qui i^xlmêné « amie » ; remarquons qu'ici 
le féminin est apparu le premier. Le procédé; au sur- 
plus, appartient à la flexion des adjectifs, où nous le 
retrouverons plus largement répandu. 

3** Nous manquons de données sur la façon dont le 
martien formerait des dérivés féminins plus compliqués, 
soit le rapport fr. de maîtresse à maître ou de chan- 
teuse k chanteur. Le cas ne s'est pas présenté : médache 
«madame» a, comme en fr., un radical différent de 
celui de métiche ((monsieur», etbigâ ((enfant», tou- 
jours comme en fr., est des deux genres sans change- 
ment. 

4® Le pluriel des substantifs n'apparaît que dans les 
textes graphiques, parce qu'il consiste, comme dans 
Timmense majorité des mots français, en un signe qui 
ne se prononce pas : c'est un caractère qui ressemble 
assez au $ grec et que M. Flournoy transcrit par cette 

lettre. Je suivrai son exemple. On prendra garde qu'il 
est aussi parfaitement muet que Vs plural fr. ; faute de 
quoi l'on s'exposerait, à fausser les concordances pho- 
nétiques auxquelles sa présence ni son absence ne 
sauraient jamais porter la moindre atteinte. 

b"" Un seul mot martien a un signe de pluriel audible : 
c'est métiche « homme », qui fait métiché (une fois, 
FI. 7). A cette date ancienne, M^^® Smith n'avait pas 
encore inventé l'écriture martienne, ni par conséquent 
son 5 plural : ayant besoin d'un pluriel de substantif, 
elle l'a calqué sur le pluriel probable de ses adjectifs, 
n« 20, 3«. 

6** Les relations casuelles du substantif ne relèvent 



— 41 — 

1 la syntaxe {n" 23), et d'une syntaxe vraiment 
I monstrueuse pour le linguiste même le plus novice, à 
I force de servilité à reproduire celle du français (n" 30). 



(20) II. L'adjectif. — 1" Quand l'adjectif masculin 
[■ est terminé par une voyelle, il se féminise par l'adjonc- 
I tion d'un e muet : dimné a heureux », rficmee « heu- 
f reusea.Fl. SOjcf. nw'rfée «laide yi ,béni;2êe >i retrouvée », 
\ dont malheureusement nous n'avons pas le masculin. 
1 C'est du français tout pur, sans aucun doute. 

3° Quand l'adjectif se termine par une consonne, il 

prend -ê au féminin : cen n beau y fait cêné, mess 

'i grand » fait messe, mis « un » fait misé, etc. Jepense 

^ que cet é ne diffère pas au fond de \'e précédent; c'est 

I toujours \'e muet fr., mais vocalisé ici par une mutation 

[ martienne, pour servir d'indice audible du genre. 

I Cependant il est également permis de songer ici à une 

L-tnÛuence du rapport al. de schôn à sc/iône, d'autant 

ique la flexion apparaît pour la première fois dans un 

i. sûrement emprunté à l'allemand (cénê, FI. 6). 

3' C'est en tout cas certainement à cette dernière 

L langue qu'aurait été pris l'indice martien du pluriel des 

^adjectifs, s'il était permis d'en conjecturer un d'après 

l'analogie de méliché (n" 19, 5°), c'est-à-dire si gudé 

« bons », grêoê « larges » et tant d'autres proviennent 

I d'un singulier *gud, *grêc, etc., que par un fâcheux 

hasard M"" Smith n'a jamais eu l'occasion de nous 

I révéler . 

^H^ 4" Les deux signes inaudibles, l'un du féminin des 
^^^^jectifs, l'autre du pluriel des substantifs (n" td, 4"). 



a 



— 42 — 

se cumulent dans la forme unique tée^ « toutes », 
FI. 28. 

(21) III. Les pronoms . — Les flexions des pronoms, 
ainsi que celles des articles, sont beaucoup trop com- 
pliquées et irrégulières pour qu'on les puisse séparer de 
l'étude des mots eux-mêmes. On les retrouvera au 
chapitre III, n°' 32-33, et cf. FI., p. 232. 

(22) IV. Le verbe, — La conjugaison est de beau- 
coup la partie la plus faible de l'œuvre grammaticale 
de M*^® Smith. Car, pour la flexion pronominale, elle 
peut invoquer l'excuse de l'état chaotique de cette 
flexion en français même. Au contraire, les verbes dits 
irréguliers ne forment dans toutes les langues qu'une 
petite minorité, tandis qu'en martien la règle de la 
conjugaison semble être de n'en pas avoir, à ce point 
que, dans certains verbes {bétiné, n® 243), les formes 
conjuguées ne se distinguent pas de l'infinitif. En 
Tétat, l'on doit se borner à quelques constatations 
éparses et disparates. 

1° Quelquefois la conjugaison est très riche, mais ne 
semble relever que d'un foisonnement arbitraire de 
formes par voie de déformation argotique : c'est le cas 
du verbe vétéche « voir », qui^ remarquons-le, est aussi 
passablement irrégulier en français. 

2** Dans trois cas, le signe de conjugaison est em- 
prunté au français, plus exactement à la graphie fran- 
çaise, par un procédé d'addition tout mécanique : 
n«» 37, 6% 38, 2°, et 164. 

3^ Parfois on discerne un rudiment de conjugaison 



— 43 — 

(umèz a fais » et umêzé « faire »), d'autant plus 
insignifiant que la faible importance en est encore 
infirmée par les observations qui vont suivre. 

4** Le plus souvent, en effet, le verbe ne change pas 
d'une forme à l'autre : pédriné «[il] quitte», FI. 14; 
pérfrmé « quitter», FI. 17. 

5® Ou bien, pis encore, le verbe subit un léger chan- 
gement, alors que la personne reste la même : « [il] 
quitte » se dit pédriné FI. 14, msiis pédr^nié FI. 34. 
Observons pourtant que FI. 14 est purement auditif, 
tandis que FI. 17 et 34 sont graphiques, et par con- 
séquent mieuxétablis. 

6** L'impératif nkle subjonctif n'ont, non plus qu'en 
français, rien qui les caractérise : de ce que M^*e Smith 
dit béttné a [je] regarde» et bétinié «regarde », il serait 
inexact de conclure qu'elle distingue l'impératif de 
l'indicatif, puisqu'on vient de voir le doublet joérfrmé 
pédrinié, et que, d'autre part, elle dit aussi béiiné tout 
court « regarder » . 

7® L'imparfait triménêni (FI. 15) et le passé défini 
sadri « chanta » (FI. 20) sont deux à'Tcaî dont la 
décomposition est impossible. 

8® Le passé se forme généralement au moyen des 
auxiliaires. Les verbes qui en fr. se conjuguent au moyen 
de l'auxiliaire « avoir » ou de Tauxiliaire « être » 
prennent respectivement, sans exception, les mêmes 
auxiliaires en martien: né amé «est venu», FI. 14 
et 20; é nié « a été », FI. 20. Quant à la conjugaison de 
ceux-ci, voir les n^' 37-38. 

9^ Le futur a pour indice une syllabe -/; -, dont le 



- 41 - 

consonnantisme à coup sûr, et peut-être aussi le voca- 
lisme (par nos verbes dits de 2® conjugaison) lui vient 
du français : mâche « peux », machir « pourras». Cette 
catégorie conjugable est de beaucoup la plus ferme. 
'Elle serait même absolument cohérente, si Ton ne 
constatait séïmiré « comprendras » (FI. 8), qui devrait 
être *séïmirii\ puisqu'on a plus tard séïmiré « com- 
prends» et «comprendre» FI. 15 et 37. Mais il faut 
remarquer que séïmiré est la toute première forme de 
futur qui soit apparue; la grammaire de ce temps ne 
devait pas encore être fixée. Ou bien peut-être ^sétmir- 
est-il un futur très régulier d'un radical verbal *séïm-, 

cf. n** 259; et alors, ce serait par- abus et lapsus que 
plus tard cette forme de futur, qui n'est pas revenue 
comme telle, aurait été transportée en fonction de 
présent et d'infinitif. On relèvera encore une légère 
incertitude en sens inverse sur bérimir FI. 15, n® 53. 

10° On ne rencontre qu'une seule forme de condi- 
tionnel, ténassé, cf. n"* 134. 

§ 4. — SYNTAXE 

(23) Ce serait faire tort aux excellentes analyses de 
M. Flournoy que d'essayer de démontrer après lui que 
la syntaxe martienne n'est qu'un décalque, mot pour 
mot, de la syntaxe française. Ses textes sont là, et la 
preuve est faite; voir aussi mes n*'" 22, 8°, et 30. Elle 
ressortira également, a contrario, du relevé, que je 
garantis complet, des très rares cas d'insignifiante 
divergence. 

1® Construction inusitée en français : FI. 35, dabé.\. 



— 45 — 

ié ti takâ « maître. . . tout de pouvoir >>, pour « tout- 
puissant, très puissant». 

. 2^ Construction incorrecte en français: FI. 39, an- 
délir,., é vi a apparaîtra... à toi ». La phrase est par 
ailleurs lourde et embarrassée. On a fait observera 
Léopold que M"^ Smith parle un langage par trop sus- 
pect d'influence française : visiblement elle cherche à 
se corriger, mais s'y emploie d'un zèle un peu gauche. 

3** Ellipse d'un déterminatif t FI. 28, é^iné rabri^ 
ni tibra^ « nies pensées et [mes] besoins» ; sans diffi- 
culté. 

4° Ellipse d'un pronom : FI. 40, med légodanéni 
ankôné (( pour m'aider et réjouir »; mais cf. n**^ 45 
et 82. Il faudrait ranger ici : les cas énigmatiques 
i-lassuné « m'approche » FI. 9, m-taninéa t'enveloppe» 
FI. 14, où le pronom, s'il est exprimé, l'est par un élé- 
ment tout à fait insolite; et le cas ce méï adjgi ilinée 
«je t'ai bien reconnue» FL 15, où il ne semble pas 

l'être du tout, puisqu'on ne peut couper m-éïy la forme 
mé (( as » FI. 2 nous garantissant par contre-coup l'au- 
thenticité de mec « ai ». Ce sont là, selon toute appa- 
rence, de simples lapsus, comme il arrive à tout sujet 
parlant d'en commettre dans sa propre langue. 

§ 5. — SÉMANTIQUE 

(24) I. Phénomènes de sémantique ordinaire, — 
D'après les considérations exposées dans notre intro- 
duction (n° 3), on a dû comprendre que le domaine que 
nous abordons ici est le sujet essentiel de notre livre : 
plus exactement même, le seul sujet; car tout le reste 



— 46 — 

n'est en réalité que travail de déblai, destiné à éliminer 
de notre recherche toutes les particularités du langage 
martien qui ne rentrent pas strictement dans Tétude 
des mots et de leur signification. Cependant je me 
ferais scrupule de consacrer aux généralités de la 
sémantique un plus long développement qu'aux autres 
parties de l'œuvre de M*^® Smith. La raison en est bien 
simple : il ne sied point à la sémantique théorique de 
dominer a priori l'étude du vocabulaire martien; c'est 
au contraire à l'étude détaillée de ce vocabulaire à 
nous prouver, s'il est possible, qu'il satisfait à toutes les 
exigences delà sémantique théorique ; et l'on m'accu- 
serait à bon droit de pétition de principe, si je suivais 
une autre méthode. Le lecteur qui voudra dès à présent 
se rendre compte des procédés sémantiques de la langue 
de M*^' Smith, en trouvera tous les spécimens possibles 
énumérés dans les chapitres IV à IX. Il ne s'agit ici 
que de les classer sous les rubriques familières aux 
linguistes, afin de s'assurer que, quoi qu'on doive 
penser de telle ou telle étymologie martienne en par- 
ticulier, l'ensemble, en tout cas, ne nous otïre rien que 
nous ne soyons accoutumés à rencontrer dans le parler 
usuel des langues les mieux connues. 

1"* Passons rapidement sur les métonymies : — le 
genre pour lespèce, mha « pavillon locomobile », 
n® 108 ; l'espèce pour le genre, alùéa élément », chèke 
« papier », n^^ 42 et 61 ; — l'épithète caractéristique de 
l'objet pour l'objet lui-même, chiré « fils », priant 
(( flot », n*'' 62 et 125; et, inversement, l'objet pour 
son épithète caractéristique, caprH « noir » (cf. fr. un 



— 47 — 

ruban lilas), grevé (( larges, )), n®^58 et 84 ; — Tem- 
blème pour la chose qu'il signifie, :sati « souvenir », 
n° 146, cf. fr. récolter des lauriers, etc. ; — la pro- 
venance pour l'objet en provenu ou la qualité qu'il 
rappelle^ nnê « bleu », n® 147, cf. anglais china « por- 
celaine». — Il n'y a rien là que d'élémentaire et de 
parfaitement concevable. 

2^ Observons toutefois que ce procédé, si simple 
qu'il soit, touche de bien près déjà aux autres qui vont 
suivre et prépare même les paradoxes sémantiques qui 
émaillent la langue de M"' Smith comme toutes les 
langues de l'univers. Ainsi, elle dit chiré « fils » qui 
est évidemment le fr. chéri. Or, il n'est pas moins évi- 
dent que le mot, une fois créé, restera partout et tou- 
jours semblable à lui-même, et que, si elle en avait 
eu par hasard l'occasion, elle eût également dit chiré 
d'un fils dénaturé et maudit de ses parents. C'est ainsi 
que le plus violent contraste de signification est déjà 
implicitement contenu dans la plus inoffensive dévia- 
tion sémantique. 

3° L'association sémantique est un fécond principe 
de contresens qui prennent droit de cité dans une 
langue et l'enrichissent d'autant. On a appelé « tortue » 
une certaine pièce d'artifice, simplement parce qu'elle 
a une carapace bombée. Or, tortue ne signifie en 
aucune façon « qui a une carapace » de n'importe quelle 
forme : tortue seui dire « [la bête] tordue », qui a les 
pieds tors. -Le mot ne saurait donc en aucune façon 
évoquer Tidéede « carapace », mais la chose signifiée 
l'évoque, et cela suffit : une tortue a une carapace, donc 



--48---- 

un objet à carapace peut être dénommé tortue. La rose 
a des épines, raisonne de. même le moi subconscient de 
M*'® Smith : donc tout objet rose peut être dénommé 

* épin, ou quelque chose d'approchant, xf 74. N'est-ce 
pas, des deux parts, la même logique? 

4® La suggestion sémantique, dont j'ai fait un très 
large usage, n'est pas de nature beaucoup plus com- 
pliquée : au lieu de se fonder sur un caractère permanent 
qui accompagne partout un objet donné, elle emprunte 
ses données à une circonstance fortuite et accidentelle, 
mais qui se trouve associée à cet objet, au nom de cet 
objet, dans une phrase usuelle, souvent répétée, passée 
en proverbe. Remarquons que, dans l'exemple pré- 
cédent, Tassociation sémantique se double de suggestion 
verbale, à cause de la phrase connue : « Il n'j^ a pas -de 
l'oses sans épines. » On sait que le sens « tromperie ». 
vient au mot canard àe la phrase vieillie: (( Donner un 
canard à moitié » ; or, dans cette phrase^ c'est à moitié 
qui complète la pensée, et canard sans lui ne signifie 
rien; cependant le mot important a disparu, et le mot 
insignifiant a pris à lui tout seul un sens que rien ne 
justifie. C'est un phénomène de ce genre que j'ai con- 
jecturé dans le type bénèz, n° 52 ; avec un détour plus 
violent et à peine vraisemblable, dans le type arvâ 
n"* 47 ; mais la logique du rêve est plus hardie et plus 
vague que celle d'un sujet éveillé. Il va de soi que, 
partout observable, le fait n'est nulle part plus admis- 
sible que quand le sujet emprunte un mot à une phrase 
d'une langue étrangère dont il ne connaît que le sens 
général et qu'il ne saurait traduire littéralement: bibé, 
V 179. 



— 49 — 

5-11 reste un dernier pas à franchir: les motspeuvent 
s'ordonner dans la mémoire par voie de contraste sé- 
mantique, de telle sorte qu'une idée évoque l'idée 
opposée, et qu'en conséquence le sujet en vienne à ex- 
primer, par exemple, le concept de« plaisir » par un 
mot signifiant « douleur u. Je ne dis pas que le cas soit 
fréquent, et aussi ne l'ai-je guère relevé plus d'une ou 
'deux fois dans le vocabulaire martien ; mais enfin il 
est psychologiquement concevable, et à ce titre seul it 
ne nous est pas permis de l'exclure de notre recherche. 
Que dis-j'e, possible? Il se constate un peu partout. 
iL'allemandyas^ signifie, de par son étymologie, " fer- 
I moment, précisément », et telle a été son acception 
f 'courante jusqu'à une époquefort voisine de nous; au- 
'Jourd'hui. il signifie tout le contraire, « à peu près, 
presque, approximativement ». Par quelle filière sé- 
mantique il a été étiré pour en venir là, c'est ce qu'il 
appartient à son histoire de nous dire ; mais, pour 
l'instant, c'est le fait brut qui seul nous intéresse, en 
tant que possible dans un langage quelconque, partant 
admissible en martien. Or, qui ne voit que, si — comme 
t je le crois — M"° Smith emploie au sens de « peu » 
Kie fr. abondant légèrement altéré (n" 40). elle ne tait 
F autre chose que réaliser instantanément sur le sens de 
ce mot et objectiver à nos yeux, en quelque sorte, par 
une opération mentale de la durée d'un éclair, le 
travail plusieurs fois séculaire qui a changé du tout au 
tout le concept exprimé par l'allemand fast^ tout de 
même que le chimiste obtient en quelques minutes au 
I iond do son creuset une réaction qui aux temps géolo- 
'giques a transformé la face de la terre en s'ëteudanl 



1 



- 50 — 

sur une période d'une incalculable longueur ? Ici moins 
que partout ailleurs le temps ne fait rien à l'affaire : il 
y a parité entre les deux phénomènes, voilà ce qui est 
indéniable, et le processus identique est aussi, de part 
et d'autre, également inconscient. 

6** Hybride et hors cadre se classe la contamination 
sémantique: sémantique, en ce qu'elle consiste à penser 
tout à la fois deux mots de signification semblable, 
qui se suggèrent Tun l'autre; phonétique, en ce qu'elle 
fusionne par voie d'altération réciproque- les sons ou 
les syllabes dont se composent ces mots. Extravagante 
en ses créations, elle n'a point d'influence sur les langues 
littéraires, dont le vocabulaire est graphiquement 
fixé: qu'un plaisantin imagine le werhe ^accumonceler, 
on rira sans doute, mais il n'en sera pas davantage. 
Au contraire, les idiomes sans littérature fourmillent 
de ces fusions bizarres, lapsus ordrnairement involon- 
taires, qui se répandent et s'implantent de par la facilité 
même qui préside à l'éclosion et au pouvoir expressif 
des monstres qu'ils enfantent : récemment encore, 
M. Schuchardt a vivement appelé l'attention des lin- 
guistes sur l'importance qu'il conviendrait d'accorder 
enétymologie à la contamination, et je crois en avoir 
moi-même indiqué d'assez nombreux et probants spé- 
cimens dans mon Lexique Breton, En tout état de 
cause, elle n'est nulle part mieux à sa place, que dans 
ces créations instantanées et fortuites, nées d'un . 
moment d'émotion ou d'embarras, qui ne sont en 
apparence d'aucune langue et que pourtant tout le 
monde comprend. Un jour, à la campagne, je voyais 
une jeune fille qui s'apprêtait à faire une promenade à 



— 51 — 

cheval : elle n'avait jamais monté, elle était fort 
joyeuse, et un peu troublée; lorsqu'elle se sentit bien 
en selle : « Pasâez-moi les rides, » dit-elle avec un 

petit tremblement dans la voix, et on les lui passa, 
tout naturellement. Elle avait contaminé ensemble 
rênes, guides, bride, que sàis-je? et c'est à peine si l'on 
s'en était aperçu. Ce qu'a fait cette jeune fille, étant 
parfaitement éveillée, le moi subconscient de ^J"® Smith 
s'en montre capable, lorqu'il' crée midée (n* 105), 
fouminé (n^* 80), forimé (n° 79), et d'autres peut-être, 
dont la clef est plus difficile à saisir. Qui s'en éton- 
nerait? 

(25) II. Contamination polyglotte. — Les phéno- 
mènes que nous venons d'étudier ne se passent norma- 
lement que dans l'intérieur d'une seule etmôme langue, 
et Ton voit qu'ainsi circonscrits ils ont déjà une fort 
notable portée ; mais ils acquerront une intensité sin- 
gulière s'ils font la navette entre deux vocabulaires, 
c'est-à-dire si le sujet connaît plusieurs langues, et 
surtout s'il ne les sait qu'imparfaitement. D'abord, 
parce que nous avons une vague idée de Tétymologie 
de beaucoup de mots de notre propre langue, aucune 
de celle des mots de l'idiome étranger, dont le vrai sens 
nous échappe dès lors absolument: nous appelons 
square, sans le moindre scrupule, une place triangulaire, 
ronde ou polygonale, pourvu qu'elle soit plantée 
d'arbres; l'Anglais, dans la langue duquel square 
signifie « carré », ne saurait oublier, en prononçant ce 
mot, qu'il implique une idée de forme et exclut toute 
idée de végétation. Ensuite — et ç*est là la raison 



— 52 — 

principale — parce que les mots ont beaucoup plus de 
chances de se brouiller entre eux, et se brouillent bien 
plus capricieusement, lorsque, au lieu de trois ou 
quatre synonymes pour un sens donné, il s'en offre à 
la mémoire dix ou douze : non pas seulement, par 
exemple, courage, vaillance et bravoure, mais encore 
inuth et iapferkeit. et ainsi de suite. Que dire alors, si, 
en plusjde la synonymie courante, Thomonymie mo- 
noglotte ou polyglotte intervient à son tour, par la 
voie si largement ouverte et si fréquentée du calem- 
bour? 

l°De la contamination par simple synonymie relèvent 
quelques modifications phonétiques très élémentaires, 
qui ne dépassent point la limite de celles qu'on a ren- 
contrées au n® 24, G*" : ainsi, le martien a nâmi «beau- 
coup », par fusion probable demg. /zémi étal, mannig^ 

n«198. 

2** Quand la synonymie vient à se compliquer d'ho- 
monymie partielle, l'altération franchit les bornes de 
la phonétique: ce n'est plus la langue qui fourche, c'est 
le style qui gauchit. L'Anglais qui écrivait à Fénelon 
« Vous avez eu pour moi des boyaux de père » était 
absolument dans son droit, en ce que boyaux et en- 
trailles sont synonymes, en ce que bowels et boyaux 
sont homonymes, en ce que bowels s'emploie très bien 
en ce sens en anglais: bref, en tout, sauf en un point, le 
point capital, l'usage du mot en français môme. C'est 
exactement le cas de NP^^ Smith, lorsqu'elle emploie 
le mot sanscrit attama/ia aàme », dans une phrase où 
lefr. dirait dme, mais où au grand jamais lesk. ne dirait 
àtmànam{FL p.299,etcf. mesn°^ 236 et270). Il y a déjà 



I ■ 



— 53 — 

là une sorte de calembourbilingue,mais(iontle résultat 
en définitive ne dépasse pas les limites de la simple 
impropriété de style. 

3*^ Mais le calembour, même monoglotte, aboutit 
très vite à l'insanité; il n'y a qu a lui lâcher la bride. 
Dans ma première enfance, on me mena un jour faire 
une visite à de vieilles âames dont le salon était tendu 
d'une tapisserie à personnages.'' Je l'admirai; elles me 
l'expliquèrent obligeamment, et me montrèrent, entre 
autres, dans un coin, des matelots qui jetaient l'ancre. 
L'ancre ? Je n'en avais jamais entendu parler que dans 
un encrier. On eut beau me dire que c'était pour 
arrêter le bateau, me montrer l'engin et l'accompagner 
d'éclaircissements sans doute un peu confus : plusieurs 
années après encore, je ne parvenais pas à me débar- 
rasser de la vision de matelots qui, pour arrêter leur 
navire^ projetaient sur les flots un liquide noir. Main- 
tenant il est évident que cette confusion mentale ne 
pouvait se faire jour dans mon langage: pensant a^icre 
ou encre, je prononçais toujours de même, et il n'y 
paraissait point extérieurement; mais, si j'eusse été 
bilingue, j'aurais fort bien pu dire une fois die Tinte 
werfen, et mon calembour subconscient éclatait. C'est 
ce qui arrive à M^^® Smith, lorsqu'elle dit nazère pour 
le verbe « trompe » (n" 248) ou tiziné pour « demain » 
(n®260). Qu'on ne dise pas qu'il s'agit ici de monstres 
mort-nés, qui ne méritent aucune attention ; car le|. 
tératologie est une science aussi. Et puis, ces monstres 
ont parfois la vie très dure: ne devons-nous pas notre 
mot baccalauréat à un calembour scolaire sur le latin 



— 54 — 

vulgaire *bacalaris, qui étymologiquement ne contient 
pas la moindre idée de « baie » ni de « laurier » ? 
4** Car, lorsque le jeu de mots se fait polyglotte, il 

devient impossible de prévoir jusqu'à quelles extrémités 
il pourra s'échapper : il faut, tant bien que mal, en 
suivre les détours sinueux, à travers les vocabulaires 
qu'il parcourt avec toute la fantaisie du rêve et la ra- 
pidité de la pensée. Supposons, par exemple, qu'un 
sujet sachant l'allemand, le magyar et le français, 
vienne à songer au cachet d'une lettre: le mot — je ne 
parle ici, bien entendu, que de possibilités, mais de pos- 
sibilités comme nous en avons tous vu se réaliser en nous- 
mêmes, quand nous cessons de conduire nos pensées et 
les laissons errer à Ta venture— évoquera son syno- 
nyme sceau, et celui-ci son homonyme seau, qui se 
traduira eimeren allemand; mais l'ai, eimeî^ désigne 
aussi une mesure de capacité, qui s'appelle en magyar 
akô, en sorte que, si le travail s*àrrête là, — et rien ne 
s'oppose à ce qu'il aille beaucoup plus loin, — il viendra 
un mot akô comme équivalent de « cachet « ou d'un 
concept similaire. Il ne sera pas réalisé dans la vie 
pratique, parce que le sujet, sortant de sa rêverie, 
trouvera dans sa mémoire consciente le vrai mot et 
perdra toute notion du faux équivalent; mais, si sa 
conscience est endormie et son subconscient éveillé, 
aucune inhibition ne s'opposera à ce qu'il substitue 
l'un à l'autre; et, si un entraînement préalable l'a pré- 
disposé à conserver, d'une de ses transes à l'autre, le 
souvenir de ses songes, le chatoiement éphémère de 
sons et de sens qui aura un instant traversé son 
cerveau se fixera en un terme permanent, un mot 



— 55 — 

aura été créé. Dès le chapitre suivant, mais surtout au 
chapitre IX, on trouvera colligées les principales 
créations de M"® Smith que je crois pouvoir assigner 
à ce processus compliqué. On en jugera. Mais la 
question est bien moins de savoir si, dans chaque cas, 
j'en ai donné une description vraisemblable, que de 
décider si en lui-même et théoriquement il est possible; 
et je ne pense pas qu'à aucun point de vue l'affirmative 
puisse faire l'ombre d'un doute. 

5® Tout à fait en dehors de ces manifestations étranges, 
mais encore logiques, de l'aberration psychique, il 
faudrait ranger, st on les admettait, les hypothèses de 
lapsus sémantiques, soit monoglottes comme nubé 
(n** 111)^ soit bilingues comme /cowmé (n** 162). Ici, tout 
en demeurant dans les limites du possible, nous tou- 
chons à celles de Tindémon trahie ; et l'indémontrable 
n'a droit de cité dans aucune science qu'en tant qu^il 
fournit un repère commode et provisoire pour des 
recherches ultérieures. Ce n'est pas le cas de ces menus 
faits sporadiques et partant négligeables. 



— oG 



CHAPITRE II 
Les Noms propres 

(26) Le roman martien met en scène un grand 
nombre de personnages, dont plusieurs portent un 
nom. II y a même une petite fille qui en a deux: Anini 
Nikaïné. Comme rien n'est plus arbitraire qu'un nom 
propre, il semble que ce soit peine perdue que d'en 
scruter l'origine; et aussi ne l'essaiera-t-on pas pour 
les noms des comparses, Eupié, Pouzé^ Sîka, Saziné, 
et tant d'autres. Tout au plus pourrait-on faire observer 
qu' Anini et Zitêni sont des appellations fort bien 
choisies pour des fillettes, et que Mâtômi a tout Tair 
d'un féminin martien du magyar Maté « Mathieu » : 
particularité digne de remarque, en ce que Mathieu 
est précisément, dans nos langues, un des rares noms 
d'homme qui n'ont pas formé de dérivation féminine \ 
Mais il y a quelques protagonistes qui se détachent en 
vigueur sur cette figuration monotone et terne : ils 
jouent un rôle important, sont oa paraissent des réin- 
carnations ou des doublures d'êtres qui ont vécu sur 
terre, et il n'était pas sans intérêt de savoir si leurs 
appellatifs signifient quelque chose, ou si, en parti- 

1. Paniné (FI. 23) doit bien probablement son nom au grand 
grammairien sanscrit Pânini. 



— 57 — 

luiier, leurs nom? martiens ne seraient pas, euxaussi, 
s doublets de leurs noms terrestres. J'ajoute que c'est 

Sette recherche, par laquelle j'ai débuté, qui m'a fait 

pénétrer d'emblée parmi les procédés les plus com- 
plexes delà sémantique raartienQe(cf.n'' 35). J'ai donc 
j:ru qu'il y avait à la fois avantage et loyauté de mé- 

4iode à faire passer le lecteur par les chemins que 
l'avais suivis. Moins je chercherai à pallier mes témé- 
ffités apparentes, plus il se trouvera à l'aise pour y 
pdliérer ou s'insurger contre elles. 

(27) I. Ésenale. — On a vu que la traduction des 
fchrases martiennes en français est censée l'œuvre d'un 
esprit réincarné en Mars, puis désincarné, qui vivait 
fecemment encore sur notre terre. Il y portait le nom 
l'Alexis MIrbel, Mirbel est un pseudonyme (FI. 
b. 140);mais je me suis assuré, par lettre particulière de 
. Flournoy. qu'Alexis n'en est pas un. Le problème 
«i se pose est celui-ci ; y a-t-il un pont à jeter entre 
tes deuxnoms d'Alexis et d'Ésenale, que porte en deux 
mondes différents le même personnage? 
i( Alexis » n'est pas, si l'on veut, un prénom fort 
; mais il n'est pas commun non plus, et il n'y en 
l pas d'autre qui lui ressemble parla finale: il n'est 
donc pas étonnant que cette consonnauce tant soit peu 
insolite ait fait travailler la pensée subconsciente de 
M"" Smith. Remarquons dès l'abord qu'elle a eu pour 
cela tout le temps nécessaire : c'est en novembre 1894 
que nous apprenons l'exislonce d'Alexis dans la pia- 

ièteMars, en octobre 18'J6 seulement qu'on nous révèle 
)n nom piartien d'Ésenale (F!, p. 156). Deu.\ ans: 



— 58 — 

qrandB mortalis aevt spatium, pour une élaboration, 
si compliquée soit-elle, dont le rêve eût pu brûler les 
étapes en moins d'une minute ! 

La consonnance des deux syllabes finales A' Alexis 
rappelle celle du mg. csacsi, surtout si on le prononce 
à la française. Or csacsi signifie « âne » : non pas terme 
générique, notons-le bien; mais espèce de diminutif 
de caresse, comme on en enseigne volontiers aux 
enfants. Le mot a pu jaillir des lèvres de M. Smith, 
dès la première fois qu'il a montré un âne à Hélène à 
peine sevrée. Traduisons maintenant en allemand, et 
nous obtenons Esel, c'est-à-dire presque exactement 
les deux premières syllabes du nom d'Ésenale. Et la 
finale? Eh bien, c'est l'initiale même du nom d'Alexis ; 
car, bien entendu, Ve final est muet. L'opération totale 
peut s'exprimer par une formule d'une rigueur mathé- 
matique, savoir al -\- csacsi = esel -{- al. Les deux 
noms sont identiques. 

Non pas tout à fait cependant : on devrait avoir 
*Eselale; mais je ne pense pas que personne attache la 
moindre importance à cette légère divergence, de 
quelque façon qu'on se l'explique. On peut songer 
tout simplement à une dissimilation d'un des deux / ; 
ou à une formule de retraduction en français, soit 
donc Esel « âne », dont la métathèse (cf. n** 14) donne 
exactement Ésenale ; ou bien à quelque vague inter- 
férence de la liaison de mots mg. éjsen allât « cet ani- 
mal ». Mais, dût-on ne pas se l'expliquer du tout, on 
ne s'aheurtera point, je pense, à un aussi minime 
désaccord, en présence d'une concordance aussi pa;»- 
faite de tout point par ailleurs. 



— 59 — 

Pour concevable qu'elle soit, l'opération est évidem^ 
ment trop complexe, pour qu'on puisse s'attendre à la 
rencontrer souvent dans la formation d'un vocabulaire 
qui n'excède pas 300 mots. Elle serait suspecte néan- 
moins, si elle constituait un cas isolé, et je crois que 
M"e Smith Ta renouvelée au moins une fois, dans éré- 
duté « solitaire », n"* 245. Quant au principe en lui- 
même, c'est-à-dire à la création de formes du langage 
par addition d'éléments juxtaposés, il ne saurait faire 
l'objet d'un doute, puisque l'application en est visible 
à l'œil nu dans la conjugaison, soit ni -\- é, mé -{- i, 
machir -{- i, n** 22, 2^. 

(28) II. Astané, Ramié et consorts . — Dans ses 
pérégrinations à travers tous les cycles qu'elle parcourt, 
M^'® Smith a un guide, un conseiller, un génie tuté- 
laire, qui rarement l'abandonne et intervient à temps 
pour l'éclairer de ses avis et de ses leçons : sur terre 
et à l'époque actuelle, c'est un désincarné nommé 
Léopold ; au siècle dernier, en tant qu'elle revit son 
existence passée de Marie- Antoinette, c'est Cagliostro; 
dans rindé, au XV® siècle, la princesse Simandini 
consulte le fakir Kanga; enfin, transportée dans la pla- 
nète Mars, elle a le bonheur d'y rencontrer deux 
sages, deux savants éminents^ Astané et Ramié, qui 
s'intéressent à ses progrès en martien et, à vrai dire, 
lui promettent beaucoup plus d'informations qu'ils ne 
lui en donnent, mais à qui nous n'en sommes pas moins 
redevables d'une bonne part des textes précieux édités 
par M. Flournoy. Léopold et Cagliostro ne font qu'un; 
cç point est expressément féyélé^ ainsi que la réii;- 



~ 60 — 

carnation du fakir Kanga en Astané; d'autre part, 
celui-ci et Ramië sont distincts entre eux et distincts 
de Léopold; mais Ramié n'est visiblement, en tant 
que fonction, qu'une doublure affaiblie d'Astané ; et 
enfin, — ce qui est l'essentiel, — ces cinq personnages 
répondent tous à un concept unique, celui de directeur 
spirituel. C'en est assez pour que M. Flournoy admette 
à bon droit leur identité virtuelle. Nous le suivrons 
dans cette voio, et nous nous demanderons si leurs 
noms, dès lors, ne seraient pas, comme leurs per- 
sonnes, apparentés entre eux, abstraits ou dérivés Vun 
de l'autre . A priori, l'hypothèse serait fort séduisante ; 
mais, après mûre discussion, je crois qu'il vaut mieux 
y renoncer, ou plutôt la restreindre. 

Léopold est apparu le premier, le 26 août 1892, et ce 
n'est que postérieurement qu'a été révélée son identité 
personnelle avec Cagliostro, mais dans des circons- 
tances telles que M. Flournoy (p. 91) n'exclut nulle- 
ment la possibilité qu'il ait eu la conscience nette d'être 
Cagliostro avant qu'on lui en eût suggéré l'idée. S'il 
en était ainsi, en d'autres termes si Cagliostro avait 
virtuellement précédé Léopold, — le nom de Cagliostro 
étant supposé prononcé à la française, c'est-à-dire le 
g et 1'/ articulés à part, — il y aurait un chemin pour 
passer de l'un à l'autre : détachant la syllabe jnitiale, 
qui servira plus tard à former le nom de Kanga, il 
reste un trisyllabe commençant par -lio-, qui a pu 
fort bien suggérer les deux premières syllabes de 
Léopold, surtout si Ton considère que ce prénom est 
en mg. Lipôt. Certes, cette explication en vaiut une 



— 61 — 

autre, et en tout cas elle l'emporte beaucoup sur Téty- 
mologie illuministe (FI. ibid.), que Léopold n'aurait 
jamais trouvée tout seul et qu'on lui a obligeamment 
souflBiée. 

Mais encore tout cela n'est-il pas probable: la 
genèse du nom de Léopold, datant presque des débuts 
médiumiques de M"® Smith, doit être plus simple. Cet 
esprit a supplanté celui de Victor Hugo dans la direc- 
tion de conscience du sujet, et tout porte à croire 
qu'une circonstance accidentelle a fait la transition de 
l'un des noms à l'autre. M^'® Smith, qui doitêtie fami- 
lière avec les œuvres de V . Hugo pour l'avoir choisi 
comme premier inspirateur, a au moins entrevu un 
jour la dédicace des Voix intérieur es kio^oçh-Léopold- 
Sigisbert comte Hugo, et ce souvenir, si fugace quelle 
en a nécessairement perdu toute conscience, est resté 
empreint dans sa mémoire subliminale, qui, ayant un 
autre jour besoin d'un prénom pour désigner un nou- 
veau personnage, a tout naturellement fourni celui-là. 
Ou bien Ton avait raconté devant M*'® Smith quelque 
anecdote sur V. Htigo, du temps de son exil en Bel- 
gique, où se mêlait le nom du roi Léopold P*"; ou bien 
le prénom du frère de Marie-Antoinette, échappé du 
cycle royal en voie de formation, a prématurément 
pris corps dans le personnage qui domine cet épisode 
des vies imaginaires de M*'® Smith. Que sait-on? 
Chacune de ces conjectures, tout au moins, y compris 
celle de Tétymologie purement verbale, cadre parfai- 
tement avec cette circonstance capitale, que Léopold, 
qui sait tant de choses, ne sait pas du tout d'où lui vient 



— 62 — 

son propre nom : le hasard qui le lui a imposé est un 
fil d'araignée trop ténu pour avoir laissé trace dans le 
réseau de ses souvenirs. 

Poursuivons. Si Cagliostro n'a pas engendré Léopold, 
a-t-il pu engendrer Kanga? Chronologiquement oui : le 
cycle hindou est postérieur au cycle royal, bien que 
plus tard ils évoluent parallèlement. Au point de vue 
verbal, la première syllabe de Cagliostro, moyennant 
une nasalisation et Taddition d'une finale sanscritoïde, 
donne aisément Kanga, ^ Mais ce n'est encore là qu'un 
simple possible, que n'étaie aucune preuve. Il est bien 
plus vraisemblable que le nom de Kanga ait été pris 
tout fait dans le roman pseudo-oriental qu'a dû un 
jour feuilleter M*'® Smith (n°" 2 et 8), et dont elle ne se 
souvient non plus que de la dédicace des Voix inté- 
rieures. Quoi qu'il en soit, jusqu'à ce qu'un biblio- 
graphe nous déterre ce roman, la question demeure 
en suspens. 

Jusqu'ici le terrain a cédé sous nos pas ; mais il va 
s'afïermir. Par quel procédé M^^® Smith a-t-elle extrait 
de cette syllabe Cag- le mot mg. dg, qui signifie 
« branche ))?La simple aphérèse est difficilement con- 
cevable pour un mot aussi court; mais, de quelque 
manière qu'elle s'y soit prise, il est certain qu'elle l'a 
fait. Le grand sage de Mars s'appelle Ast-ané, c'est- 
à-dire, sans difficulté, aL as ^ « branche », suivi d'une 
suffixation martienne (n® 17, 4^). 

Et, si l'on voulait tenir pour fortuite cette coïnci- 
dence si remarquable, je demanderais alors par quelle 
récidive du hasard la doublure diAst-anése nommé 



- . st; 



— 63 — 

Ram-ié, soit exactement le radical du fr. rameau^ qui 
à son tour est la traduction de Tal. ast^ également 
accompagné d'un autre suffixe martien? 

Il y aurait folie à expliquer tous les mots créés par- 
M^^® Smith, puérilité peut-être à le faire alors même 
qu'on le pourrait; mais, sur ce point particulier, je 
crois en avoir dit assez pour emporter la conviction. 



— 64 — 



CHAPITRE ni 
Les petits mots 

(29) Il y a lieu, je pense, de commencer par éliminer 
ce que j'appelle les petits mots, articles, pronoms, 
menus adverbes, verbes auxiliaires, etc., qui ne sont 
d'aucune langue, pour ainsi dire, par la raison que 
dans toutes ils se présentent sous une forme semi- 
atone et de prononciation rapide qui ne permet guère 
à l'esprit d'y attacher son attention, en sorte que le 
sujet parlant qui y cherche des substituts se trouve 
tout naturellement amené à remplacer tel monosyl- 
labe, qu'il estime arbitraire, par un autre monosyl- 
labe également arbitraire, ou dont tout au moins le 
mode de création nous échappe. Ici donc notre étude 
se confinera presque dans la statistique, sans toutefois 
négliger les rapprochements assez clairs pour valoir 
la peine d'être relevés. 

§ 1*^ — LES ARTICLES 

(30) L'initiale de l'article défini est une sifflante, qui 
oscille entre la sourde et la sonore, mais avec une pré- 
férence marquée et définitivement victorieuse pour 
celle-ci: toujours zé « le », 15 fois, plus une fois élidé 



— 65 - 

dans ^ah'^é(( rélément » (cf. n^ 42) ; ci, une fois, et^i, 
3 fois, « la )) ; cée^ une fois,^ée, 2 fois, et :?é, une fois, 
(( les ». On a déjà vu que la répartition des genres est 
exactement celle du français. La syntaxe de l'article 
partitif n'est pas moins calquée sur la construction 
très spéciale de cette langue : ti mmé tensée (FI . 30) 
(( de meilleurs moments » ; et jusqu'à ti ^i ma^êtô 
(FI. 27) (( de la peine ». En présence de pareils faits, 
il est superflu de se demander où M"® Smith a pris 
son article : c'est une déformatian quelconque et de 
pur caprice des monosyllabes français à ce affectés. 

(31) L'article indéfini est beaucoup plus intéressant, 
parce qu'il a une forme bien mieux caractérisée ; il en 
a même deux. La première fois que M}^^ Smith l'a 
employé, elle a dit tivé (FI. 8) « d'un » : liaison où l'on 
ne peut savoir si « un » est vé ou ivé, puisque « de » 
se dit ti et pourrait être élidé. J'incline à croire qu'il 
fauj; suivre la seconde alternative, et couper t'ivé, où 
ivé représenterait mg. egyiloé, « en un, ensemble », 
cas factitif du numéral mg. egy « un », entendu jadis 
par le sujet dans quelque phrase usuelle et retenu 
comme tel sans aucun soupçon de sa valeur gramma- 
ticale. 

Quoi qu'il en soit, ce mot mort-né n'a paru qu'une 
seule fois, et a été aussitôt remplacé par mis 
« un », 9 fois, auquel il faut joindre misé « une », 
3 fois. J'ai suivi bien des pistes pour retrouver la filia- 
tion de ce monosyllabe, qui ferait penser au grec (xia 
(( une », s'ilnous était permis de supposer (jue NP^*" Smith 
sût un peu de grec. Aucune n'étant satisfaisante, j'in-. 



;> 



— 66 — 

dîque en passant la moins invraisemblable. Une fois 
créé le mot tivé, il a pu être coupé et compris ti vé 
et la syllabe vé a évoqué l'idée de l'ai, toeh « mal J>, 
lequel à son tour a évoqué Tidée du préfixe al. miss-, 
si souvent traduit par « mal », par exemple dans des 
juxtapositions telles que miss -handeln « mal-traiter ». 
Le chemin paraît bien détourné; mais j'ai déjà dit 
(n'*25, 4^), et Ton verra par la suite, que la genèse 
des mots par voie de calembour est un procédé familier 
à notre sujet et justifié par le flottement de toutes les 
images dans le rêve ou même dans la rêverie, 

§ 2. — PRONOMS PERSONNELS ET POSSESSIFS 

(32) Nulle part plus qu'en ce domaine ne règne dans 
la grammaire de nos langues un beau désordre appa- 
rent. Le radical de chaque pronom varie au hasard: 
Je y moi, mon, notre; il, le, son, leur, etc. ; sans qu'au- 
cune loi semble régir ces caprices. M"' Smith ne 
manque pas de transporter ce chaos dans la planète 
Mars, et même de l'y compliquer. 

V^ personne. — Cas-sujet: ce « je », 16 fois. — Cas- 
régime, sans distinction, non plus qu'en français, entre 
l'accusatif et le datif: si « moi », 6 fois; lé « me », 
8 fois. — Pluriel, sans distinction, non plus qu'en 
français, entre sujet et régime, nini « nous », 6 fois. 
— Possessifs : ê:;i « mon », 14 fois ; é^é « ma », 3 fois ; 
éjsiné (( mes » 4 fois ; vtche, une fois, et icfie, 6 fois, 
« notre ». — Le fr. je zézayé a suggéré ^é, qui 
apparaît à l'état pur dans le possessif, mais s'est 



— 67 -- 

assourdi en se (écrit ce) dans le pronom, ainsi. que le 
prouverait au besoih, de surcroît, Télision de la voyelle 
dans saline F\, 11, qu'il faut lire s'aliné « j'oublie ». 
L'initiale de nous se reconnaît sans peine dans nini, 
La forme lé semble tirée de me par simple substitu- 
tion à la consonne de la consonne immédiatement pré- 
cédente dans l'alphabet (cf. n® 13, 5^). Les autres 
types sont peu clairs : iche rappelle l'ai, ich par la 
forme et l'ai, uns par le sens; son doublet viche est 
considéré par M. Flournoy comme un simple lapsus ; 
quant à si, il se rattache sans doute à se = ce « je ». 

2' personne. — Cas-sujet : dé « tu », 10 fois. — 
Cas-régime, comme plus haut: vi « toi », 14 fois; 
di (( te », 19 fois. — Pluriel : sini a vous », une fois. 
— Possessif : ché « ton », 13 fois; chée « ta », 5 fois ; 
chi (( tes », une fois; a votre » est inconnu. — Le 
changement de dentale dans dé et di a été suggéré, 
soit par l'ai, du et dich, soit aussi et principalement 
par la métathèse de sonore et sourde qui s'est produite 
dans la juxtaposition fr. de te (FI. 7) devenue mt. ti 
di, La forme. i?/ emprunte assez étrangeriient son ini- 
tiale au fr. vous, de politesse sans doute, tandis que 
sini paraît être l'ai, sie « vous » de politesse, affublé 
d'une finale venue de nini, La chuintante du possessif 
est apparue tout au début du martien, à une époque 
où W^^ Smith manifestait une prédilection marquée 
pour cette consonne, et elle n'a probablement pas 
d'autre raison d'être (n°« 16 et 17, 1"). 

3^ personne. — Sujet : lied « il » et « ils », 7 fois ; 
le féminin n'apparaît pas. — Régime : -jc « le », 4 fois; 



— 68- 

pi a lui )), une fois; le féminin n'apparaît pas. — Pos- 
sessif : bi « son », 2 fois; bé a sa », et bée « ses », 
chacun une fois. — Ici le désordre est à son comble : la 
rareté en martfen de la consonne h accentue le carac- 
tère énigmatique de la forme hed^ qui ne rappelle que 
l'anglais Ae, alors pourtant que l'auteur du martien ne 
parait pas savoir l'anglais ; la labiale, sourde dans pi, 
sonore dans bé, etc., n'est pas moins déconcertante; 
en somme, il n'y a de clair que ^é « le », reproduction 
pure et simple de l'article défini, comme en français. 
4P Réfléchi : r^ès a se », 3 fois. — La première fois 
que le mot est apparu, c'est dans la juxtaposition 7*ès 
pa^é FI. 23, traduite « se retire » : l'initiale de ce 
dernier groupe est ser^ dont la métathèse (n*^ 14) est 
/*es. Une fois ce monosyllabe admis au sens de « se », 
il a été reproduit tel quel deux fois ailleurs. Cf. n° 118. 

§ 3. — DÉMONSTRATIFS ET RELATIFS 

(33) Cette catégorie est très pauvre. 

1^ Tés (( ce », et aussi « cette », en tout neuf fois ; 
tésée (( cette », une fois; tésé « ces », 2 fois; il ne faut 
pas être grand clerc pour dénoncer l'influence de 
l'ai. dies-ei\ etc. 

2^ Dodé (( ceci », 2 fois : imitation allitérante du 
fr. ceci, rappelle le grec toOto, ou a pris sa consonne 
à l'ai, dies, ou bien a simplement remplacé une lettre 
française par sa voisine dans l'alphabet. Cf. n° 13, 5**. 

3^ Kâ <( qui », 4 fois, et ké « que », 6 fois, pour tous 
les genres et nombres, comme en français, ne dissi- 
mulent pas leur origine. 



— 69 — 



§ 4. — MENUS ADVERBES 

(34) 1"* Ci « là », une fois, n'est pas sûr (FI. 4), mais 
probable, puisqu'on a aussi ^^ et :si « là », chacun 
une fois. En tout cas, le fr, ci {ici) et l'homophonie 
avec l'article les expliquent suffisamment. 

2® Le même élément se laisse discerner, joint à 
d'autres plus obscurs, dans : azini a alors », plus exac- 
tement (( ensuite », FI. 17; et atrizi « là-bas », dont 
on rapprocherait le sk. dira n ici », si l'on pouvait 
croire que M^^® Smith en eût connaissance. 

3° Par contre, va « où » (4 fois) se réclamerait du 
sk. teà((où?», qu'elle semble connaître et précisément 
altérer en va (FI. p. 295), si l'ai, wo ne fournissait un 
répondant moins éloigné et presque aussi exact. Peut- 
être est-ce une contamination de l'un et de l'autre, 

4** Éni (( ici » (3 fois) et anâ (5 fois) « maintenant » 
ne répondent à rien de précis et ne sont que des 
créations démonstratives relevant du langage enfantin. 

§ 5. — MENUES PRÉPOSITIONS 

(35) V (( De » se dit ti, cf. n° 32, 2**, mot qui revient 
41 fois. Comme en français, il se combine avec l'article 
défini masculin ou pluriel : té « du », 6 fois ; tiê « des », 
3 fois; mais non avec l'article féminin^ cf. n® 30. Ce 
décalque du français est la naïveté même ! 

2^ (( A » se dit é, 14 fois, dont une fois traduit par 
c( vers », FI. 11 : simple changement de voyelle. Com- 



— 70 — 

biné avec Tarticle défini, il devient assez étrangement 
ine « au », 2 fois, pour lequel Tal. in ne fournit qu'une 
analogie trop lointaine. 

3** (( Par )) s'est dit une fois U (FI. 28) et une fois 
uni (FI. 31). Il est oiseux d'insister sur un petit mot 
aussi rare et aussi peu fixé. 

4° Med (( pour » (5 fois) a pu naître sous l'influence 
de l'ai, mit « avec ». Je ne vois pas autre chose à en 
dire. On trouvera encore d'autres prépositions à leur 
fang alphabétique, 

§ 6. — MENUES CONJONCTIONS 

(36) 1« (( Et » s'est dit une fois se (FI. 12), qui est à 
peu près la métathèse du mg. es (n** 14). Partout ail- 
leurs il se dit ni (17 fois) : on en peut rapprocher le 
fr. m, qui est un (( et » négatif, ou l'exclamation 
mg. ni « vois donc », ou enfin, à raison de l'homophonie 
en français, les formes du verbe (( être » (n° 37). 

2^ La négation, calquée sur le fr. ne.,, pas, com- 
porte deux mots : à « ne » répond ké ou kié, respecti- 
vement 5 et 3 fois; à « pas », ani, 3 fois. Phonétique- 
ment, l'un rappelle l'ai, kein n aucun », et l'autre le 
fr. ne, le tout beaucoup trop vaguement pour qu'il y 
ait le moindre intérêt à s'y arrêter. 

3** La combinaison de « et » et de la négation res- 
semble aussi peu que possible à l'un ou à l'autre : 
c'est un mot béjs « ni », qui au surplus n'apparaît qu'une 
seule fois. En vertu de la concordance / > b, conjec- 
turée au n® 8, on en pourrait rapprocher, par voie de 



— 71 — 

calembour, le mg. féssek, qui précisément signifie 
« nid )). 

4** L'exclamation ké « que », soit au sens de 
« comme » ou « combien », soit en tant qu'indice du 
subjonctif (en tout 5 fois), ne diffère pas plus qu'en 
français du pronom relatif. 

5°/i « si [fait] », une fois, est l'aLya « oui » avec 
transposition vocalique à l'aigu. 

6** C'est ici enfin, faute d'une meilleure place, qu'on 
rangera l'exclamation i « ô » (7 fois), qui est, comme 
l'a fait remarquer M. Flournoy, un bon exemple de la 
transposition à l'aigu que subit le vocalisme européen 
pour passer au vocalisme martien. 

D'autres conjonctions plus importantes viendront à 
leur rang alphabétique. 

§ 7. — LE VERBE (( ÊTRE » 

(37) Cette conjugaison est, comme on s'y doit atten- 
dre, formidable de complication, surtout eu égard au 
peu de formes qu'on en possède. Le mieux est de com- 
mencer par les plus simples : il en est une, mais fort 
peu usitée, qui reproduit exactement le fr., à savoir é 
« est » FI. 27 (une seule fois). 

V Mais cet «i^aî n'est probablement qu'un lap- 
sus ; car, partout ailleurs, « est » se dit né, soit par 
homophonie partielle avec « et » (n" 36, 1^), soit sur- 
tout par influence de l'exclamation mg. ne « tiens » . 
Le mot revient 21 fois, auxquelles il en faut ajouter 
deux pour anéa c'est », qui recèle en outre une forme 



— 72 — 

dédémonstratif a ou an- qu'on rapprochera des types 
ci-dessus du n® 33. 

2^ Le même consonnantisme apparaît au pi. oné 
(( sont ))(2 fois), avec une sorte de préfîxation dont la 
genèse est obscure. 

3® Mais, à la l"*^ personne, on constate un radical êv-, 
dont on ne saurait guère que dire, sinon que sa con- 
sonne peut avoir été suggérée par le magyar: la 
forme est (?ré « suis » et revient 4 fois. 

4" Bien que le même mot soit traduit différemment, 
et conjugué pronominalement, il est reconnaissable 
dans êvé de la phrase répétée deux fois identiquement, 
FI. 5 et 6, ké di êvé dé w ne te tiens-tu » ; car le sens 
revient à « n'es-tu ». Il n'en est pas moins remarquable, 
en tant que tout à fait contraire aux habitudes du 
sujet, que deux mots aussi différents que « suis » et 
(( es » aient le même répondant martien. 

5^ En tout cas, le radical êv- est répété à satiété 
sous la forme de l'impératif: évaï ix sois », 11 foi». 

6° Enfin, on a une fois le participe nié « été », naïve- 
ment formé, comme le fr. ét-é, par l'adjonction d'un é 
au mt. ni « et » (observation déjà faite par M. FI.). 

§ 8 . — LE VERBE (( AVOIR » 

(38) La conjugaison n'est pas moins étrange que 
celle du verbe « être » ; mais nous en possédons bien 
moins de formes. 

1^ La plus usuelle est é « [il] a », 5 fois dont 2 
comme verbe auxiliaire : homophone évident de é « à » ' 
(n« 35, 2°), comme en français a et à. 



— 73 — 

2^ En tant qu'auxiliaire, on a>ane fois mé « [tu] 
as », dont la nasale initiale m'est un mystère. Comme 
fr. ai^=^a-\- i graphiquement, M^^® Smith a tiré de ce 
mé, par le même procédé d'addition tout extérieure, 
une l'^' personne méi « [j'] ai », qui n'apparaît également 
qu'une fois. 

3® Est-ce l'homophonie de éa est » et é « a », est-ce 
le rapprochement sémantique des deux verbes, ou 
toute autre cause, qui a introduit dans le verbe « avoir » 
le radical év-m être » ci-dessus? Quoi qu'il en soit, il 
semble bien émerger dans évênir « [tu] posséderas » 
(une fois), qui pourtant est susceptible d'une autre ex- 
plication (n« 274). 



74 — 



CHAPITRE IV 
Le Vocabulaire irançais 

(39) He travail de déblai terminé, il ne reste plus 
qu'à suivre Tordre alphabétique, en rangeant chaque 
mot martien sous le vocabulaire auquel il paraît le 
plus vraisemblablement emprunté. Je répète ici que 
je ne me dissimule nullement le caractère hypothéti- 
que de beaucoup de mes rapprochements; mais, pour 
plus de sûreté, je les qualifierai moi-même, à Toeca- 
sion, de « douteux » et « très douteux ». Il en est que 
je n'indique que par acquit de conscience, pour si- 
gnaler une piste et permettre à d'autres chercheurs de 
trouver mieux. 

(40) 1^ Abadâ « peu », une seule fois, dans la locu- 
tion mis abadâ « un peu » : suggère, avec jargonne- 
ment enfantin, le fr. abondant, d'où il a pu en effet 
sortir par voie de contraste sémantique . Douteux . 

(41) 2** Acâmi « astronome », une fois: l'idée 
d' « astronome » suggère celle de « savant », et celle-ci 
celle d' « académie » ; on observera la longue médiale, 
qui semble compensatoire de la chute de la pénultième. 

(42) 3** Alizé « élément », 2 fois: il s'agit d'un élé- 
ment subtil, dans le genre du fluide des spirites : cette 



-- 75 -^ 

idée suggère celle de « vent », et celle-ci le mot alizé 
qui, en sa qualité de mot non usuel et savant, demeure 
intact. 

(43) 4^ Animinâ « existence », 2 fois: c'est le fr. 
animé « vivant », avec suffixation arbitraire. 

(44) 5** Anizié « envoie », une fois: pourrait être 
une métathèse avec changement de sourde en sonore, 
du fr. assigner, lequel aurait été suggéré par consi- 
gner, terme qui en technique commerciale revêt 
couramment le sens d' a envoyer » ; or M^^® Smith a 
suivi la carrière commerciale et entend ce terme vingt 
fois par jour. Douteux poi^rtant ; cf. n® 65. 

(45) 6^ Ankôni « réjouir » une seule fois, tout à la 
fin, FI. 40. Le texte porte lé godané ni ankôné « me 
aider et réjouir », et Fon est amené à se demander s'il 
n'y a pas eu interversion de sens entre les deux verbes, 
d'autant que, suivant les habitudes à peu près inva- 
riables de M}^^ Smith, le mot fr. aider commençant par 
une voyelle, le mot mt, corrélatif devrait aussi com- 
mencer par une voyelle et causer élision du pronom- 
régime. Cela posé, si goddné signifiait « réjouir » et 
ankôné a aider • », on reconnaîtrait dans ce dernier les 
deux premières syllabes du fr. encourager, avec suf- 
fixation arbitraire. Très douteux, mais sans aucune 
importance, vu l'isolement et la date tardive du mot. 
Cf. n«« 4 et 82. 

(46) 7^ Antéch « hier », 2 fois : c'est le fr. antique, 
ou plutôt les deux premières syllabes du fr. antérieur, 
avec suffixation du type adverbial, n® 17, 3^. 



- 76 - 

* 

(47) 8^ Arvâ « soleil », 4 foisi A sa première appa- 
rition, le mot a été traduit comme nom propre, FI. 14; 
mais, là aussi sans doute, il doit déjà désigner le soleil, 
car autrement la phrase n'aurait guère de . sens : 
« Arvâ nous quitte, sois heureux jusqu'au retour du 
jour». L'idée de « quitter» a suggéré la salutation 
à i^evoir, usuelle entre gens qui se quittent (à ce point 
de vue il serait intéressant dé savoir si à Genève on dit 
à revoir ou au revoir), et celle-ci, légèrement altérée, 
ayant pris le sens de « soleil » dans cette phrase inau- 
gurale, l'a conservé ailleurs. Douteux. 

(48) 9® Assilé a immense.», 3 fois: semble une 
simple métathèse altérée de ali;sé, n^42; l'idée d'(( élé- 
ment » peut aisément suggérer cell^ d'(( immense». 

(4Sf) 10® Badêni « vent », une fois, dans une scène 
maritime ou fluviale, FI. 27. On dit « le vent bat les 
flots », en sorte que, dans un langage métaphorique 
et enfantin, où l'éfjithète devient le nom commun, le 
vent peut fort bien être appelé (de battant ». Au ra- 
dical de ce participe présent s'ajoute ensuite une 
suflBxation quelconque. Très douteux, et toutefois là 
supposition trouve un appui dans l'emploi parallèle 
dejonam au sens de « flot », à une ligne de distance. 

(50) IV Bana « trois », 4 fois. Mot bien diflScile : 
peut-être un vague ressouvenir d'une leçon de géo- 
graphie sur les Confins Militaires Hongrois, où il 
était dit qu'ils sont divisés en trois parties, Croatie, 
Slavonie et Banat. 

(51) 12° Ba^ée « courte », une fois: fr. basse. Les 



— 77 - 

deux concepts de « court )) et de « bas » sont facile- 
ment associables, au point de vue tout à la fois ma- 
tériel et moral. 

(52) 13^ Bénèz « retrouver », une fois, et hénézée « re- 
trouvée », 2 fois, tout au début. Il y a un mot mg. 
henézni qui signifie « jeter un coup d'œil sur » ; mais 
le sens concorde trop peu. Il ne faut sans doute pas 
chercher si loin : une phrase française telle que « béni 
soit le jour où je te retrouva ! » — - tout à fait dans le 
ton des phrases où apparaît bénez-, — suffit ample- 
ment à expliquer l'emploi d'un de ces radicaux au 
sens de l'autre. Douteux pourtant. 

(53) 14^ Bérnmù^ a reviendra », une fois. Ce mot a 
comme un faux air de fr. revenir, et en fait il en est 
l'aniagramme moyennant les substitutions très admis- 
sibles v'> b et n> m. Il est vrai que, normalement, 
'ir étant finale de futur, le radical serait bérim- tout 
court ; mais on sait que M^^^ Smith n'est pas fort con- 
séquente dans sa grammaire (n® 22, x9®). La question 
serait sans importance, ce bêritair étant un aira^, si 
primi (n® 285) n'en paraissait une répétition altérée. 
De toute façon, très douteux. 

(54) 15® Bisti ((habitant», une fois: semble une 
simple altération jargonnante de habitant, 

(55) 16® Brimai (( paroles » une fois. En comparant 
ce mot à brimi (( sagesse » , brid (( sagesse » , ébrinié 
(( pense», rabri\ (( pensées», qu'on retrouvera à leur 
rang alphabétique, il est impossible de ne pas songer 



— 78 — 

à un radical -6n-, qui signifierait « penser, parler », 
et s'accompagnerait de suffixations et préfixations 
diverses. Or ce radical pourrait fort bien être abstrait 
du mot fr. esprit, soit au sens spirite, soit au sens 
d' (( intelligence » ; il n'y faut qu'un passage de sourde 
à sonore. De plus^ comme dans la phrase FI. 17 il 
s'agit d'(( écrire » des «paroles », l'm suffixal de bri- 
mai peut avoir été suggéré par celui du fr. imprimer. 
Le tout bien indécis. 

(56) 17« Brimi (une fois, FI. 22) et 18« bri::i (une fois, 
FI. 28) « sagesse » : sans importance; voir le n® 55. 

(57) 19^ Bun (( moyen )), une fois. Le « moyen » 
suggère r(( issue »,et, s'il est bon, la suppose « bonne »: 
soit donc, métathèse de issue, avec changement de 
sourde en. sonore, et préfixation de l'initiale de bonne. 
Très douteux, et cf. n'^ 287, 5«. 

(58) 20^ Capin « noir », une fois. La première fois 
qu'enfant W^^ Smith a vu des (( câpres », elle a pu être 
frappée de la « noirceur » de ce condiment dans la sauce 
blanche, et associer les deux idées. Possible, mais 
douteux; d'ailleurs insignifiant. 

(59) 21« Carimi « fenêtre », une fois : fr. caireau^ 
avec suffixation arbitraire. 

(60; 22^ Chandéné « délicieux », une fois : suggéré 
par le radical du fr. en-chant-eur, avec passage de la 
sourde à la sonore et suffixation martienne. 

(61; 23** Chèke « papier », mot isolé : emploi arbi- 



— 79 — 

traire du mot chèque, suggéré par Tidéede « papier 
[commercial] ». 

» 

(62) 24^ Chiré « fils » , 5 fois : métathèse évidente du 
fr. chéri \ le mot n'apparaît que dans des phrases de 
vive tendresse. 

(63) 25® Chodé, mot non traduit, une fois. La scène 
est aquatique, FI. 27 : le mot pourrait donc signifier 
« jet d'eau », dont il serait la métathèse vocalique^ 
avec changement en sourde de la sonore initiale. 

(64) 26° Dabé « maître », 2 fois. L'argot français a 
un mot dab, « père, patron » : la présence d'un terme 
d'argot dans le vocabulaire de W^^ Smith n'a rien en 
soi de surprenant, en tant que résidu fortuit d'une 
lecture quelconque; cf. n** 138. 

(65) 27® Dassinié indicatif et da;siné subjonctif « [il] 
garde », chacun une fois : extension de sens du verbe 
fr. assigner. Cf. n® 44. 

(66) 28® Départir « répondra », une fois : futur mar- 
tien, formé sur un radical abstrait du verbe fr. dire, 
plus exactement du participe disant, cf. n®» 49 et 125. 

(67) 29'' Dimé a semblable », une fois : métathèse 
probable du fr. demi, puisque rien ne se ressemble 
plus que les deux moitiés d'un même objet. 

(68) 30® Divine « heureux », et féminin divinée, en 
tout 10 fois : dérivation manifeste dé fr. divin, sug- 
gérée par.une locution telle que « [félicité] divine ». 



— 80 — 

(69) 31® Dùênd « profondément ))^ au sens de « re- 
cherche profonde », une fois, tout à la fin, FI. 40 : 
vague influence du verbe fr. discerner. Bien douteux, 
car la finale -ênâ parait suffixale ; cf. n® 17, 5"*. 

(70) 32« Dorimé (( sain », une fois : métathèse pos- 
sible du fr. modéré, dont Tidée est connexe de celle 
de a bien portant ». 

(71) 33*^ Duméïné <( ancienne », une fois, FI. 11. 
Alexis a dit à sa mère terrestre mode (( mère » ; puis 
il se reprend, — car elle n'est plus sa mère, puisqu'il 
en a une autre, étant réincarné dans Mars, — et il lui 
dit duméïné mode. Cette correction a pu amener Tidée 
de la conjonction du moins, qui raccompagnerait 
presque inévitablement en français, et c'est celle-ci 
qui, avec une suffixation martienne, a assumé la fonc- 
tion de l'adjectif « ancienne ». 

{72) 3^"" Durée a terre », 2 fois. Une métathèse de 
l'ai, erde n'explique pas le vocalisme; cf. n® 245. 
Beaucoup plus probable est l'influence d'une locution 
fr. telle que « [la] dure [terre] » ou « [coucher sur la] 
dure », d'autant que, la première fois au moins que le 
mot a été prononcé (FI. 7), c'est par un habitant de 
Mars, avec un sentiment de profond mépris pour notre 
infortunée planète. 

(73) 35® Ébrinié « [il] pense », une fois, cf. n® 55. 
Comme la pensée ici est passionnément tendre, on 
peut aussi songer au fr. épris, qui expliquerait l'ini- 
tiale. 



— 81 — 

(74) 36^ Épùi (( rose », adjectif, une fois : suggéré 
par rassociation des mots rose et épine dans mainte 
phrase usuelle; puis apocope et suffixation arbitraire. 

(75) dfT Espênié, nom propre qui désigne le paradis 
martien, 2 fois : suggéré par les peintures enchante- 
resses de Y Espagne des romans et des romances. 

(76) SS** Éssat « vivant », une fois, et éssaté « vivre )), 
deux fois : contient visiblement le radical du verbe 
« être » ; comme ce radical n'apparaît nettement en 
fr. que dans le mot savant essence, peut-être vaut-il 
mieux recourir à Tital. essere, qu'on peut connaître 
sans être polyglotte. 

(77) SQ"" Fimès « [je] meurs », une fois : l'initiale 
rappelle fr. Jin, et la médiale fr. mort. Douteux, 
mais sans importance : la phrase FI. 13, proférée en 
pleine extase, n'est qu'exclamations entrecoupées. 

(78) 40^ Finaïmê « senteurs », une fois : suggéré 
par le fr. « [odeur] fine », avec une finale de suffixation 
assenante, cf. n*'^ 16 et 239. 

(79) 41® Forimé « marques [d'écriture] », une fois : 
le ir, forme est bien voisin ; mais le terme commercial 
firme, en tant que « marque commerciale », convient 
mieux au sens, et M^^® Smith, employée de commerce, 
doit le posséder familièrement ; peut-être y a-t-il eu 
contamination de l'un et de l'autre. 

(80)42® Fouminé « puissant », 3 fois : contamination 
possible des deux mots fr. fougueux et formidable. 
Douteux, quoique, dans la première phrase où le mot 

6 



— 82 — 

est apparu (FI. 27), l'une et Tautre épithète soient 
parfaitement à leur place. 

(81) 43^ Garnie a il pleure », une fois : peut sortir 
d'une métaphore facétieuse telle que « [chanter la] 
gamme ». Peu importe : le mot appartient à la phrase 
inintelligible FI. 33, où il y a presque autant d'énigmes 
que de mots, et dont le sens a été violemment brouillé 
par la volonté subliminale du sujet. 

(82) 44"* Godané « aider », une fois, mais cf. n° 45 : 
le sens « réjouir » s'apparierait à merveille au fr. [se] 
gaudir ou à l'ital. godere. Si l'on veut s'en tenir au 
sens « aider », je ne vois de ressource, bien détournée, 
que dans la locution anglaise God [help] « Dieu aide », 
dont le second mot aurait suggéré le premier. Douteux 
en tout cas. 

(83) 45^ Grani « corps », une fois, dans la même 
phrase que valini a visage », FI. 18 : dérivation àsso- 
nante, sur un radical gran-, qui paraît abstrait du 
fr. grand. La personne dont il s'agit est « maigre » : 
par conséquent, elle doit être ou paraître « grande ». 
L'absence du d final, que le fr. ne prononce pas, ne 
fait guère difficulté, cf. n°« 49, 66, 125, etc. 

(84) 46^ Grê\^é « larges», une fois: dérivé du fr. 
grève. L'idée de « largeur » peut suggérer naturelle- 
tnent celle de « grève », et l'on peut avoir vu des grèves 
très larges sans même avoir jamais quitté les rives 
du lac de Genève. Peu sûr. 

• 

(85) 47*' Hantiné « fidèle », 4 fois. L'/i est fort rare 



-83- 

enmt., et, comme le fr. ne le prononce pas, on se 
trouve amené à l'assigner de préférence à un emprunt 
al. ou mg. : c'est pourquoi ma première pensée avait 
été pour Tal. hund « chien », emblème de la fidélité; 
mais le vocalisme est en défaut. Toute réflexion faite, 
le verbe fr. hanter est plus proche, et la seule objec- 
tion qu'on y voie, c'est son caractère peu usuel ; mais 
il est fort littéraire, et les phrases qui contiennent 
/mn^/né ont précisément aussi un cachet de style un peu 
recherché. La suffixation -iné est des plus communes 
en martien . 

(86) 4SP Idé « on », 3 fois, a On », par contraste avec 
(( il », etc., est un personnage qui ne se laisse pas voit* 
en chair et en os, mais dont on a simplement Vidée. 
Je me hâte d'ajouter que cette explication idéologique 
me paraît à peu près désespérée. 

(87) 49^ Iminê « mince », une fois : soit une filière 
d'idées telle que « mince > aminci > diminué », et la 
contamination de ces divers mots, ou d'autres encore. 

(88) 50^ Iné et inée, « adorée, bien-aimée,», 4 fois : 
l'ai.' innig a intime » convient peu ; plutôt terme dé 
caresse enfantin, cf. fr. mignon, minet , etc., avec 
aphérèse. 

(89) 51^ //»/• (ô'^buv>ent »^ une fois: suggère le fr. 
réitéré, qui a dû nécessairement s'écourter beaucoup 
pour traduire un si petit adverbe. 

. (90) 52^ Malâmé '« accomplir » [un désir], une fois, 
tout à la fin, FL 40: accomplir un désir, c'est l'apaiser, 
le calmer. Douteux^ niais sans réelle importance* 



— 84 — 

■ 

(91) 53® Kavivé « étranges », une fois : étant donné 
que kâ signifie « qui », ka-vivé pourrait se décom- 
poser en « qui vive ! » exclamation qu'on pousse lors- 
qu'on entend ou voit un objet insolite. 

(92) 54® Kêmâ « mâle », une fois : métathèse sylla- 
bique du fr. mâle, où la lettre /a été remplacée par 
sa voisine immédiate dans l'alphabet. Très douteux. 

(93) 55® Ktn'fche « quatre », une fois à la toute 
première apparition du martien encore informe : alté- 
ration arbitraire et jargonnante du fr. quatre. 

(94) 56® Léziré « souffrance » , une fois : dérivé évi- 
dent du fr. léser ou lésion. 

(95) 57® Luné « jour », 6 fois. Ici l'on a beaucoup de 
choix : ou fr. lune, astre de nuit, par contraste sé- 
mantique ; ou fr. lundi, ital. lunedï, par lequel com- 
mence l'énumération des jours de la semaine ; ou, plus 
simplement, un radical lu-, abstrait de luire, lumière, 
etc. , sur lequel s'applique une suffixation martienne. 

(96) 58® Mabûré a grossier »^ une fois. L'idée sug- 
gère celle de « bure »^ ou même de « [vêtement] en 
bure », juxtaposition qui pourrait aussi s'orthographier 
ambure, dont mabûré est la métathèse exacte. 

(97) 59® Maprinié « entré » , une fois : contamination 
grossière de eni/'éetjo^né^ré, avec la syllabe en- écrite 
am- puis métathésée comme ci-dessus ; le mot appar- 
tient à la phrase inintelligible FI. 33, ce qui pourrait 
légitimer cette explication contournée et bizarre, mais 
en même temps la rend inutile. 



— 85 — 

(98) 60"* Mazêté « peine », 2 fois : le mot suggère 
ridée d'une « masse » difficile à mouvoir ; suffixation 
arbitraire. 

(99) 61^ Médache « madame », une fois : jargon du 
début du martien, où la chuintante joue un rôle pré- 
pondérant. Cf. n"' 93, 102 et 104. 

(100) 62® Médinié « entourent », une fois : les deux 
premières syllabes viennent de médi-terranée , que 
toutes les géographies enfantines définissent (( mer 
entourée de tous côtés par les terres ». 

(101) 63** Mervé « superbes », une fois : fr. merveille y 
ou les deux premières syllabes de merveilleux, 

(102) 64P Métaganiche « mademoiselle », une fois, 
le même jour que médache. 

(103) 65** Mété « tendre », une fois, dans la juxta- 
position allitérante mété mode « tendre mère ». L'idée 
de « mère » a suggéré « maternel » , qui a été écourté 
et jargonné. 

(104) 66® Métiche, « monsieur, homme », 5 fois, et 
métiché « hommes», une fois : seul mot du jargon de 
l'extrême début (cf. n^^ 17, lo, et 99) qui ait survécu, 
grâce à son adaptation postérieure au sens général 
d' «homme )), phénomène que M. Flournoy a expliqué 
avec une élégance que je lui envie (p. 241). 

(105) 67® Midée « laide », une fois: contamination 
probable des deux mots misère et hideux. 



— 86 — 

(106) 68« Afï7é, mot non traduit, une fois, FI. 19; 
mais, vu Thabitude de M^^® Smith démultiplier numé- 
ralement ses adieux, la phrase miléptri mira ne peut 
guère signifier que « mille fois adieu ». On a donc ici 
le fr. mille. La raison pour laquelle on n'a jamais pu. 
obtenir d'Esenalela traduction de milépirij est peut- 
être précisément que mile, venu par lapsus, ressem- 
blait trop à son prototype français et aurait rendu le 
martien suspect. Par le même motifs quand M^^® Smith 
a voulu employer encore le mot « fois » , elle n'a plus 
dit piri, et Ta remplacé par un zézaiement enfantin et 
jargonnant, ^i^a^i, visiblement fabriqué pour la cir- 
constance : cf. n<>« 120 et 228. 

(107) 69® Mima « parents », une fois : réduplication 
enfantine et caressante du radical ma-, suggéré par 
fr. maman. 

(108)70^ Mi;saj une fois /désigne une sorte de kiosque 
ou de pavillon roulant dans le rêve incohérent FI. 23: 
je suppose que c'est le fr. maison, avec transposi- 
tion vocalique enfantine ou martienne. 

(109) 71^ Mûné « moment, instants », trois fois : 
déformation vocalique du fr. minute, avec chute de 
la finale. 

(110) 72"" Nipuné « crains », 2 fois, et nipunêzê 
« craindre », une fois : l'association de l'idée de 
(( crainte » et de celle de « punition » est tout à fait 
conforme à la psychologie infantile ; quant à la forma- 
tion du mot, j'inclinerais à croire que nipu est la 



— 87 — 

métathèse exacte du fr. puni, et que la ou les syllabes 
finales sont de suffixation. 

(111) 73« Nubê « curieux », une fois, FI. 35. Le 
jour où Ton montre à M"® Smith ce tableau a curieux », 
elle ne le voit pas. Est-ce aller trop loin que de con- 
jecturer qu'en cet instant le mot nébuleux est venu 
interférer dans sa mémoire et a fourni par métathèse 
syllabique initiale la traduction de Tépithète ? 

(112) 74"* Orié « frapper », au sens de « heurter », 
une fois: malgré la divergence apparente et purement 
graphique, c'est le fr. heurter, à peine altéré en pro- 
nonciation. 

(113) 1^^ Palette a calme » impératif, une fois, tout 
au début, FI. 4: abstrait du fr. palliatif i( calmant », 
mot savant il est vrai, mais compris de toutes les per- 
sonnes instruites. Douteux pourtant. 

(114) 76° Pâlir « temps », une fois. Si Ton avait 
^padir, la métathèse du fr. rapide, naturellement 
suggéré par l'idée de « temps », sauterait, je pense, 
aux yeux. En l'état, 1'/ est embarrassant, quoique son 
échange avec le d soit phonétiquement facile. Très dou- 
teux, mais sans aucune importance, d'autant que VI 
peut venir de l'association du mg. repïd « il vole », 

également naturelle. 

« 

(115) 77° Parenté « [il] laisse », une fois: l'idée de 
(( laisser » suggère aisément celle de « négligence », 
et par suite le mot fr. paresse, 

(116) 78° Pastri « san^ », une fois : que l'idée de 



- 88 - 

(( sang», dans une scène médicale, où figure un ins- 
trument à trois tubes, amène sur les lèvres du sujet 
le nom de Pasteur, c'est la vraisemblance même ; la 
finale est martienne, assenante à bodri, cf. n®^ 16 
et 251. 

(117) 79® Pavi « joie », 3 fois; pavi a heureux »^ 
une fois, et pavinée « joyeuse », une fois : paraissent 
abstraits ou dérivés des mots fr. pavillon, paoier, 
pavoiser, etc , qui s'associent bien à une idée de 
(( joie ». 

(118) 8(yPa^é (( retire ». une fois, FI. 23: il s'agit 
de la main de Paniné, qui doit « se retirer », et par 
conséquent « repasser » par l'ouverture par laquelle 
elle est sortie ; les deux locutions susdites se conta- 
minent en (( se repasser », dont la métathèse absolu- 
ment exacte est rès pa^é, cf. n** 32, 4"*. 

(119) 81*" Pi « très », une fois : paraît n'être que 
l'initiale altérée du fr. bien (superlatif). 

(120) 82« Piri, mot non traduit, cf. n® 106 : si l'on 
admet le sens « fois », on peut songer au fr. « [à mille] 
reprises », avec semi-métathèse ou épenthèse voca- 
lique. 

(121) SS^'Pit (( sans », 2 fois : petit mot bizarre qui 
semble une déformation violente du fr. vide, dont 
ridée est connexe. 

(122)84^ Plêva « chagrin » (adjectif), une fois. Mot 
difficile, à cause depéliché et pélésse (n° 249), auxquels 
il ressemble à laj fois trop et trop peu. Pour moi, je 



-^ 89 — 

Ten séparerais plutôt, pour le rattacher au iv. pleurer. 
Le V peut venir du fr* pleuvoir, suggéré par la quasi- 
homonymie et Taïialogie de sens. 

(123) 85** Polluni « question », une fois : contami- 
nation possible des deux mots fr. problème et solution. 

(124) 86^ P ovine et povini « arriver », chacun une 
fois : à rapprocher de vinâ^ n^ 143; c'est le îr. parvenir, 
à peine altéré par un adoucissement qui rappelle les 
inflexions créoles. 

(125) 87* Priâni « flot », une fois : cf. fr. brillant. 
Dans un vocabulaire par épithètes, où a le vent » est 
« le battant » (n** 49), il est fort admissible que « le flot» 
soit dit « le brillant »; la finale est assonancée avec 
badêni. Mais tout cela est cruellement hypothétique. 

(126) 88* Rabri^ « pensées », une fois: voir n^ 55; 
mais je ne m'explique pas la préfixation, à moins de 
quelque contamination des mots raison, réfléchir, etc. 

(127) 89* Ris « sur », 3 fois : fr. sur, avec méta- 
thèse et changement vocalique. 

(128) 90* Sandiné «longtemps», 2 fois: Tidée, en 
se précisant, peut se fixer à « cent ans », soit donc 
peut-être une adaptation martienne du fr. centenaire. 
Cf. un procédé similaire n* 189 . 

(129) 91^ Suî'ès « [tu] crois », une fois : ce que Ton 
« croit », on en est volontiers « sûr »; dérivation évi- 
dente du fr. sûr, assurer, etc. 

(130) 92* Taméche, une fois, non traduit; mais, 



comme il est question d'un arbuste en buisson, il est 
assez naturel de penser à l'initiale du fr. tamarix avec 
finale martienne. 

(131) 93« Taniré « prends » (impératif), une fois : 
transport pur et simple du verbe tenir y suggéré par 
l'exclamation française « tiens, prends » ; rien de plus 
naïf. 

(132) 94"* Tapie, une fois, non traduit, désigne une 
vision étrange, qui se déroule sans doute comme un 
« tableau» ou une « tapisserie », FI. 32; contamination 
de ces deux mots. 

(133) 95** Ten a près », 12 fois : abstrait du radical du 
fr. at'ten-ant.at'ten-iî^ etc, ; ces mots sont peu usuels, 
mais « tenir à » exprime la même idée; cf. le suivant. 

(134) 96* Ténassé a [je] voudrais », une fois: c'est 
lé radical du verbe tenir [à] au sens de « vouloir » ; si 
la finale est empruntée à l'imparfait du subjonctif fr. 
de 1'® conjugaison en vue d'exprimer le conditionnel^ 
pe cas est un des très rares où le sujet accuse quelques 
traces de sens grammatical. 

(135) 97"* Tensée «instant », 3 fois : c'est l'anagramme 
exact du fr. instant, où la voyelle nasale initiale est 
remplacée par une voyelle simple de finale martienne. 

(136) 98^ Tou^é « même »,une fois:. soit la locution 
f r. tout ainsi, avec syncope intérieure et finale altérée ; 
ou la première syllabe de tout de même^ avec suflBxa- 
tion arbitraire. Rien de tout cela n'est bien satisfaisant. 

(137) W'Tranéi « passage », une fois ; il est aisé de 



— 91 — 

reconnaître la syllabe ^ra-, abstraite de tra-jetet autres 
mots; mais peut-être bien ^e complique-t-elle d'une 
contamination du fr. traînée, dont tranéi est la méta- 
thèse gj;uphique lettre pour lettre . On observera que 
précisément ce texte est graphique. La connexité des 
idées est fort suffisante. 

(138)100** Trimait « force », 2 fois: dérivé du verbe 
d'argot fr. trimer. C'est, avec dabé, le seul mot d'argot 
que paraisse connaître M^^® Smith : cette proportion 
n'a rien d'excessif, d'autant que trimer a passé dans 
la langue familière. Le suflSxe vient, par assonance, 
de ma^i qui précède. 

(139) 101** Tîiné « parler », 4 fois, et trinir « par- 
lera » , 2 fois : comme tous les gens qui « parlent » 
martien parlent pour « enseigner » quelque chose à 
W^^ Smith^ la seconde syllabp du mot fr. doctrine se 
présente invinciblement à l'esprit ; mais, d'autre part, 
il semble difficile de séparer tout à fait triné de tor- 
viné (( langage », n° 210. Douteux. 

(140) 102<> Tmé « malade », 2 fois. Mot bien diffi- 
cile: le mg. dûhôsség « rage [du chien] » est bien 
éloigné à tous égards, et le fr. usé peu satisfaisant ; 
si l'on se décide pour ce dernier, le t initial peut pro- 
venir d'une liaison naive, résultant de ce que le mot 
précédent est néj équivalent du fr. « est », dans la 
phrase FI. 29, où tu^é fait sa première apparition; il 
n'a été répété que dans la phrase inintelligible FI. 33. 

(141) 103® Uri (( soir », une fois: l'idée de « soir », 



— 92 — 

implique ôbsc-uri-té, mot trop long, par rapport à 
celui qu'il devait traduire, pour ne pas subir un violent 
écourtement. 

(142) 104* Véche « vu », véchêsia voyons »,' véchi 
« [tu] vois », véchir « verras », vétéche « voir », cha- 
cun une fois : altérations diverses d'un radical imité 
du verbe voir. Le mot est né au début du martien, 
dans la période de prépondérance de la chuintante. 

(143)105^ Vinâ « retour », 2 fois, ct.pootné, nn24: 
constructions élémentaires sur la base du radical du 
verbe fr. venir. 

(144) 106** Vizêné « distinguer », une fois : dériva- 
tion martienne du fr. vision, qui, en tant que mot 
savant, a pour M^^® Smith un sens plus technique que 
le simple sens de « voir » ; peut-être aussi viser. '^ 

(145) 107" Zabiné « arriéré », une fois, FI. 35: 
peut-être, avec métathèse et suffixation martienne, 
fr. bas au sens de « dégradé » qui se dit des races 
sauvages. Très douteux : tous les mots commençant 
par J sont des àîraî presque indéchiffrables ; heureu- 
sement il n'y en a pas beaucoup. 

(146) 108** Zati « souvenir », une fois : suggestion 
des deux dernières syllabes de myosotis (vergissmein- 
nicht), fleur du souvenir. 

(147) 109** Ziné « bleu », une fois : peut-être altéré 
et dérivé de Chine, à cause de la belle couleur bleue de 
certains vases chinois : au surplus, le mot fait partie 
de la phrase inintelligible FI. 33. 



— 93 — 

(148) En somme, déduisant même tous les cas dou- 
teux,, il semble qu'un bon tiers du vocabulaire mar- 
tien vienne, par voie plus ou moins détournée, du 
français seul. 



94 — 



CHAPITRE V 
Le Vocabulaire allemand 

(149) 1° Andélir « apparaîtra », une fois, FI. 39. 
Le mot a ici le sens tîe « être en relation, avoir com- 
merce fréquent avec » : soit donc, avec semi-calem- 
bour, adaptation de Tal. handeln « traiter, com- 
mercer », que M^^*' Smith doit bien connaître. 

(150) 2^ Bindié « [il] trouve », une fois : conjugué 
sur le radical de TaL Jinden « trouver », cf. n** 8. 
Presque sûr. 

(151) 3** Bounié « chercher, [il] cherche », chacun 
une fois : malgré ce qu'il peut y avoir de forcé à tirer 
deux mots martiens d'un seul mot allemand, le rapport 
étroit de signification des mots « trouver » et « cher- 
cher » ramène irrésistiblement la pensée au même 
\evhe Jinden, mais cette fois sous sa forme de parti- 
cipe passé gefunden, ou au substantif qui en est issu, 

fund (( trouvaille ». 

(152)4® Cen « beau » et céné « belle », chacun une 
fois : al. schôn « beau ». Si Ton croyait nécessaire 
d'expliquer la mutation de la chuintante initiale en 
sifïlante, la contamination par le mg. s^ép a beau » ne 
souffrirait aucune difficulté. Sûr. 



■K-lo. 



— 95 — 

(153) 5° Chinit « bague », mot isolé : al. schniU 
(( taille, coupure », soit parce qu'une bague semble 
(( couper » le doigt, soit à cause de la « taille » des 
pierres dont elle est ornée, etc. Douteux, mais sans 
aucune importance. 

(154) 6° Ébanâ « lentement », une fois, tout à la fin 
(FI. 40), sans importance : le sujet doit avoir songé à 
Tal. eben « uni », qui ne concorde point exactement 
pour le sens; toutefois un pas « égal » est un pas 
plutôt « lent ». 

(155) 7° Gudé « bons », une fois : malgré le cî, il y a 
plus de probabilité pour Tal. gut que pour l'anglais 
good, parce que la première de ces langues doit être de 
beaucoup la mieux présente à l'esprit du sujets 
cf. n'* 166; en tout cas, l'étiiprunt est manifeste* 

(156) 8^ Haudan « maison », une fois, tout au début. 
M.Flournoy fait observer avec beaucoup de finesse que 
haudan est calqué, consonne pour consonne et voyelle 
pour voyelle, sur maison. Mais cela ne nous empê- 
chera pas de reconnaître dans la première syllabe 
l'ai. haus. Quant au d médial, il demeure énigmatique. 

(157) 9° Hêné « s'élever », une fois : al. hôhe 
(( hauteur » et [sich er^]hôhen a s'élever »; il est 
assez curieux qu'ici, contrairement aux habitudes de 
M^^® Smith, le pronom « se » soit sans équivalent. 

(158) 10« lé et iée a tout, toute », 3 fois; iée^ 
(( toutes », une fois : ce mot, qui a de bonne heure 
remplacé is (n° 188), a pu être abstrait de locutions 
al. très usuelles telles que werje « tous ceux, qiii », 



— 96 — 

wasje (( tout ce qui », etc., oh je prend en effet le sens 
de « tout )). A peine douteux. 

(159) 11"* Ilinée « reconnue », uue fois, a remplacé 
cévouitche (n° 182) : c/est Tal. [sich] evinnern « se 
rappeler », très peu altéré ; car /• > / est de phonétique 
courante. 

(160) 12** Iinâ (( ciel », une fois : il est impossible de 
méconnaître Tal. himmel. 

(161) 13"* Kirimé « prudent », une fois, et ct.pocrimé 
« science », n<* 167 : les deux sens se concilieraient 
admirablement par un rapport avec Tal, hirn « cer- 
veau » ; mais le phonétisme serait ici trop altéré. 

(162) 14<* Koumé « fondre », une fois. Il y a homo- 
phonie parfaite de Tal. kuinmer « chagrin »; or, préci- 
sément, la phrase (FI. 8) est « fondre tout ton chagrin » : 
la coïncidence est-elle fortuite? Il se* peut que kummer, 
suggéré par Tidée de « chagrin », soit, si je puis ainsi 
m'exprimer, parti trop tôt à la manière d'un ressort 
qui s'affole, et que dès lors, utilisé pour exprimer 
(( fondre », il n'ait pu Tétre pour « chagrin». Douteux» 

(163) 15° Lassuné et lassunié « approche » (impé- 
ratif); lassuné « [il] approche »; ilassuné « [je] m'ap- 
proche » : chacun une fois. Ce mot est - cruellement 
embarrassant. On voit, d'abord, que la conjugaison 
n'obéit à aucune règle : cela est vrai surtout de la» 
forme ilassuné, qui devrait être Hé-lassunè, n"* 32, 1**; 
mais, à l'époque dû elle est apparue (FI. 9), la gram- 
maire de ]M"® Smith était encore tout à fait chaotique. 
Quoi qu'il en soit, prenant lass- comme radical du 



— 97 — 

verbe, on ne sait vraiment à quoi le rattacher. En 
désespoir de cause, j'ai songé à une image de piété, 
comme il en existe beaucoup, représentant la scène 
(( laissez les enfants s'approcher de moi » : si Tinscrip- 
tion de celle que M"® Smith a eue quelque jour sous 
les yeux était rédigée en allemand, elle commençait 
par lass-et [die kinder...], et ce radical a pu ainsi 
s'associer à Tidée de s'approcher ; mais, bien entendu, 
je ne donne la conjecture que pour ce qu'elle vaut. 

(164) 16° Moche a [je] peux », 4 fois; machir « pour- 
ras » et machiri « pourrai » (pour Yi final, cf. le n'* 38, 
2**), chacun une fois. Le premier de ces mots est sûre- 
ment l'ai, [ich] mag, peut-être contaminé de [ich] 
mâche, parce que « pouvoir » c'est généralement 
« pouvpir faire ». Les deux autres sont des formes 
conjuguées', d'allure martienne très régulière. 

(165) 17° Mané « père », une fois : c'est l'ai, mann 
« homme, époux », peut-être avec une confusion par- 
tielle du radical de mima, n° 107. 

(166) 18° Mode « mère », 14 fois : toute la question 
n'est qu'entre l'ai, mutter et l'anglais mother, celui-ci 
mieux concordant au point de vue du phonétisme, 
celui-là sûrement mieux connu du sujet ; cf. n° 155. 
On observera que les mots qui reviennent le plus sou- 
vent sont aussi, en principe, les mieux explicables par 
un emprunt manifeste. 

(167) 19° Pocrimé « savoir », une fois : cf. kirimé, 
n° 161 ; mais, en tout cas, je ne vois absolument aucune 
donnée qui rende compte de la préfixation apparente. 

7 



— 98 — 

(168) 20<» Poénêzé « quelques », une fois. Ici, la pré- 
fixation po~ pourrait relever du procédé de Tallitéra- 
tiori, n*^ 16; car le mot (FI. 11) est immédiatement 
précédé du mot povini, cf. n<* 124. Cette quantité 
déduite, il reste -énèzé, qui s'applique presque lettre 
pour lettre sur Tal. einige « quelques ». 

(169) 21"* Radziré « prononcer », une fois, FI. 15, 
dans une phrase où en fait l'emploi du verbe « parler » 
conviendrait beaucoup mieux : al. reden « parler », 
avec léger jargonnement et terminaison martienne; 
presque sûr. ^ 

(170) 22^ Rénir « portera », une fois, FI. 18, dans 
une phrase où le vrai sens est « apportera » : futur mar- 
tien sur un radical rén-, qui, sauf aphérèse initiale, 
rappelle de bien près celui deTaLôrm^r-en «apporter». 

(171) 23° Tihra\ « besoins », une fois : cf. Tal. trieb 
a instinct ». Les deux idées sont connexes, et la pho- 
nétique concorde à. merveille, sauf une métathèse des 
plus simples. Douteux pourtant : le terme al. n'est pas 
de ceux que M"® Smith a pu aisément connaître et 
familièrement retenir. 

. (172) 24** Tourna^ « charmes », une fois: cf. al. tau- 
mel (( vertige, ivresse, paroxysme de joie ». Le pho- 
nétisme va bien, comme le montre imâ venu de himmel^ 
n*» 160. Douteux pourtant : il est difficile que M"® Smith 
connaisse ce mot peu usuel. 



— 99 



CHAPITRE VI 
Le Vocabulaire magyar 

(173) Avant d'énumérer les mots martiens qui peu- 
vent être ramenés immédiatement aux vagues sou- 
venirs de magyar que le subconscient de M"* Smith 
a dû retenir de propos tenus en sa présence par son 
père, il convient de rappeler brièvement les règles de 
prononciation, d'ailleurs très aisées, de cette langue 
souple, sonore et mélodieuse. 

Les voyelles se prononcent à peu de chose près 
comme en fr. ou en al. : Vu, comme al. m, et Vit comme 
fr. u ; les voyelles accentuées sont les longues ; mais 
Ta non accentué, bref par conséquent, prend un timbre 
plus sombre, à peu près intermédiaire entre a et o 
ouvert. Enfin, il faut noter tjue, dans certains dialectes, 
les voyelles longues subissent, du fait seul de leur lon- 
gueur, une légère modification de timbre qui les fait 
presque confondre, savoir respectivement : Va avec la 
diphtongue ua (fr. oua ou oi), et Vé, avec un i long. 
Naturellement, je ne suis pas en mesure de décider 
si et dans quelle mesure la prononciation mg. de 
M^^® Smith a subi, de par Torigine de son père, Tin- 
fluence de ces dialectes ; mais certains indices ten- 
draient à le faire supposer, cf. n**^ 181, 210 et 223. 

Parmi les consonnes, il n'y a de vraiment remar- 
quable que les consonnes mouillées, c'est-à-dire suivies 



- 100 - 

d'un y y ôemi-voyelle qui a la valeur générale de Vy du 
mot fr. yeiix ou du^ al. ; et, parmi celles-ci, il faut 
noter spécialement les deux groupes dj et gy, qui 
sont absolument équivalents : la consonne qu'ils repré- 
sentent est une palatale mouillée, c'est-à-dire une ar- 
ticulation qui n'est exactement ni un g ni im rf, mais 
tient de l'un et de l'autre, et confine un peu, quoique 
plus fuyante, au g italien de oggi. Lorsqu'elle s'eflEace 
davantage encore, ce qui. n'est pas rare en pronon- 
ciation rapide, elle se réduit presque à un simple y, et 
les deux syllabes qu'elle sépare semblent n'en plus 
faire qu'une, un peu allongée, en sorte que des liaisons 
telles que igy et même egy ont pu fort bien ne 
laisser à l'oreille et surtout à la mémoire auditive de 
W^^ Smith que l'impression d'un simple i, A plus forte 
raison en faut-il dire autant de ly et lj\ c'est-à-dire de 
1'/ mouillé, qui en fr. courant même ne se distingue 
plus de la semi- voyelle y. 

Les sifflantes et chuintantes sont nombreuses et va- 
riées ; mais la distinction n'en a guère d'importance 
pour le parler de W^^ Smith, dont Toreille, la mémoire 
ou l'organe paraît les confondre entièrement entre 
elles, soit par zézaiement enfantin, soit par changement 
de sourde en sonore, où- réciproquement, ainsi qu'on 
va le voir. J'en rappelle toutefois la valeur aux lecteurs 
qui seraient désireux de prononcer correctement les 
motsmg. cités: s, comme cAfr. ou sc/ial.;s^, comme 
s fr., toujours sourd en toute position; :Sy comme z fr., 
sonore de l'articulation précédente ; ss, comme combi- 
naison de ^ et s mg. , c'est-à-dire avec la sonorité du 



a di o 



- 101 - 



• « 



•'• 



.• • • 



premier et le chuintement du second, soit d^nc comme 
j fr. ; c, comme ts fr. ou -s' al., en toute posttibn; es 
enfin, comme combinaison de c et 5 mg., c'es^àr^dire 
à peu près comme tek fr. dans les transcription^ "de 
mots slaves. 

Ces notions sommaires suffiront amplement pour seT.-;*: 
rendre compte des équivalences phonétiques admises •.•.•/ 

par la linguistique subliminale de M^^® Smith. '•*,•: 

« 

(174) 1^ Adi et adjsi « bien » (adverbe), chacun une 
fois : abstrait de locutions mg. très usuelles, telles que 
adja Isten a plaise à Dieu », adjon Isten « bonne 
chance » (souhait), qui contiennent le verbe adni 
(( donner » ; le groupe mg. dj explique très bien l'alter- 
nance de d^ et d tout court dans le mot emprunté; 
la locution ne faisant par sa fréquente qu'un mot 
pour ainsi dire, Isten « Dieu » est tombé, comme 
seraient tombées les deux dernières syllabes d'un 
tétrasyllabe quelconque. Me parait sûr. 

(175) 2^ Amé « venu », 2 fois; améir « viendras »j 
une fois; amès « viens » (impératif), 8 fois; amès « [je] 
viens », 2 fois; ami « [il] va' », une fois: en tout 14 
fois. Ce mot, des plus uçuels, se recouvre, par le radical, 
et même par certaines de ses formes, avec le mg., 
menni « aller » : il suffit de comparer ami avec mg. 
megy « il va », et amès avec mg. megyesz ou mésjs 
« tu vas », en tenant compte de ce qui a été dit de 
la pronopciation du groupe egy, n** 173. Quant à 
améir, c'est une forme normale de futur martien. Le 
préfixe peut n'être qu'une addition arbitraire; mais, 



•• 



« u 

» » 



• 



' • • . 

m * '' 



102 — 



• '» 



plus pKoWblement, il y faut voir un souvenir du verbe 
mg. /à^'p/éfixe àtmenni a passer, traverser », ce qui 
explique l'emploi du verbe mt. à la fois dans le double 

4 

sens. d' « aller » et de « venir ». - 



• * 






*/%V/(176) 3** Asnète, mot isolé, désigne une espèce de 
^ ''V^aravent: peut se rattacher à un vague souvenir du 
' *' mg. hàznemû [û long) « mobilier »; au surplus, sans 
aucune importance. 

(177) 4** Avé « vieil », 2 fois: à la rigueur, ce pourrait 
être le mot fr. déformé; mais il ressemble davantage 
au mg. vén « vieux »; quant à l'initiale a-, on peut 
songer, si l'on veut, à une contamination par l'ai. 
ait. 

(178) 5** Amni « mal » (adverbe), une fois: le mg. 
a alacsony « de mauvaise qualité, bas », etc. Rappro- 
chement douteux; mais le mot n'apparaît que dans la 
phrase FI. 33. 

< 

(179) 6° Bibé « capable », une fois. Mot très cu- 
rieux: le mg. a bibe m petite blessure, bobo, point dé- 
licat », qu'il emploie dans des locutions telles que 
eltalàltad a bibeje « tu as mis le doigt dessus », donc 
« tu es très malin» ou « très débrouillarde », etc.; 
c'est une phrase de ce genre, happée par M^^® Smith, 
peut-être dans un petit compliment que lui adressait 
son père à la suite de quelque preuve précoce d'intelli- 
gence enfantine,* qui lui a fourni très naturellement la 
traduction du mot « capable ». 

(180) 7* Bigd « enfant » de l'un et de l'autre sexe. 



- 103 — 

5 fois, Lemg, zjia « son fils, son petit », mot extrême- 
ment usuel, par exemple dans des locutions comme 
toron-y fia « l'enfant du clocher », désignant « un 
petit clocher » par opposition à son jumeau plus grand. 
Le g médial, assez surprenant, peut procéder de la 
contamination du 3 initial de mg. gyermekn enfant ». 
Quant au b initial, voir n°8 in fine. Douteux pourtant; 
mais je ne vois pas mieux. 

{181} 8" Boaa « frère », une fois: c'est l'initiale du 
mg. bàtya « frèro aîné n.avec la prononciation signalée 
au n" 173, qui se développe plus aisément après con- 
sonne labiale que partout ailleurs ; toutefois le timbre 
vocalique fait aussi songer à l'ai, bruder k frère», et 
peut-être y a-t-il eu contamination légère du fait de 
ce dernier. 

{182) 9° Cécouitche « [je] reconnais », au sens de 
H reconnaître avec affection, vive tendresse » (d'un fils 
à sa mèrej. Ce mot n'est apparu qu'une fois, tout au 
début ; puis il a été remplacé par ilinée, cf. n" 159: il 
faut donc qu'il ait été formé asse/, artificiellement et 
n'ait occupé qu'une place d'arrière-plan dans te sub- 
conscient de M"" Smith. Par toutes ces raisons, la 
pensée se reporte à quelque mot mg. qui, sans être 
inusité, n'appartienne pas cependant au langage de tous 
les instants, à un dérivé du mg. sriv h cœur », et plus 
particulièrement à n^ioesség n tendresse de cœur » , 
dont le consonnantisme serait assez fidèlement repro- 
duit. Cf. n"362. 



(183) 10" Cr 




— 104 — 

signe une sorte d'hirondelle de mer: le mot n'est pas 
fort répandu, et il est douteux que M^^® Smith ait eu 
occasion de Tentendre ; toutefois son père a pu lui dé- 
signer une fois sous ce nom un oiseau fluviatile ren- 
contré au long des berges du Léman. 

(184) lt<* Danda « silence », une fois: dans le mg. 
csendes « silencieux », la vraie initiale, ne Toublions 
pas, est un t, n*» 173 ; soit donc changement initial de 
sourde en sonore, par assimilation de l'initiale à la 
médiale, mais le rejet deVs suivant est embarrassant. 
Douteux, mais c'est un à'Tra?. 

(185) 12° Érié « âme », 2 fois: parait construit, par 
changement de liquide (cf. n" 13, 2*", et 159), sur le ra- 
dical du verbe mg. él-ni « vivre », mais plus précisé- 
ment sur la forme de beaucoup la plus usuelle de ce 
verbe à savoir l'exclamation éljen. . . « vive ... ! » qui 
apparaît surtout avec netteté dans le suivant. 

(186) 13** Ériné « satisfait », une fois: soit une déri- 
vation martienne sur éljen\ cf. le précédent et le verbe 
éljenej^ni « pousser des vivats ». 

[Etéche (( toujours » : voir n** 189.) 

(187) 14'' li (( si » devant un adjectif (lat. tam), 3 fois. 
Le mg. a igy, igy^i^y « ainsi, de cette manière », et 
ilyen « tel » : de part et d'autre le phonétisme est irré- 
prochable, cf. n° 173. L'origine mg. parait donc infini- 
ment plus probable qu'un rattachement à ii « si fait », 
que nous avons ramené à l'ai, ya, n** 36, 5*". Maisiln'est 
pas douteux que l'homophonie des deux si en fr., déjà 



— 105 — 

observée par M. Flournoy, n'en ait entraîné Thomo- 
phonie en martien, par contamination réciproque des 
mots mg. et al. qui leur ont servi de base. 

(188) IS'^/s « tout », une fois. Fi. 4. Ce mot n'a pas 
vécu : il a été remplacé par té, n° 158; mais, bien que 
mort-né, il paraît avoir déposé en martien le germe 
d'une postérité adverbiale, cf. n®» 276-277. Il se ramène 
sans peine au mg. egés;s, dont le sens répond, non à 
celui de l'ai, ail, mais à celui de l'ai. gan;s; or on re- 
marquera que c'est plutôt dans le sens de garijs qu'il 
a été employé. 

(189 le** Itèche et étéche « toujours », chacun deux 
fois : il n'y a donc aucune raison extérieure de préférer 
l'une des deux formes à l'autre, en tant que correcte- 
ment martienne ; il n'y en a pas non plus de raison in- 
trinsèque, bien que étéche soit apparu le premier ; car, 
évidemment, itèche peut tout aussi bien être une cor- 
rection qu'une corruption de étéche. Je crois que la 
première de ces deux hypothèses est la bonne, et que 
itèche reproduit plus fidèlement le vocalisme de l'em- 
prunt au mg. idôs « âgé » ; le phonétisme final est bien 
concordant, et le changement médial de sonore en 
sourde ne fait pas diflBculté. Quant au passage d'un ad- 
jectif d'âge au sens d'un adverbe de temps, on com- 
parera sandiné, n° 128; et l'on prendra garde, en outre, 
que le mg. idô signifie « temps », et a pu à lui seul 
suggérer le sens « longtemps », qui est tout connexe 
à celui de « toujours ». 

(190) 17° Ivre « sacré », une fois. Ce mot, en tant 



— 106 — 

qu'il ne figure que dans la phrase inintelligible FI. 33, 
pourrait fort bien se passer d'explication. Mais la con- 
cordance phonétique avec le mg. iorét « in-folio » est 
trop parfaite pour qu'il jsoit permis de l'omettre. On 
remarquera que les livres « sacrés » affectent de préfé- 
rence un format élevé. Douteux pourtant: où M"' Smith 
aurait-elle appris le nom magyar d'un in-folio? 

(191) 18° Kiné a petit », une fois, tout au début : 
mg. kicsiny « petit », avec syncope de la médiale, 
peut-être par une contamination du mg. kônnyû 
« léger », et sous une vague influence de l'ai, klein 
(( petit ». Voir aussi niké, n** 200. 

(192) 19** Kramâ (( panier », une fois. Le mg. garabô 
« panier » n'est que dialectal et d'ailleurs diffère sen- 
siblement. On ne le cite que pour être complet; car le 
mot fait partie de la phrase inintelligible FI. 33. 

(193) 2Qf^ Lâmi a voici », 3 fois: transport presque 
pur et simple de l'exclamation mg. lâm<{ vois donc » ; 
c'est l'évidence même. 

(194)21** Maniké «attentive » [à regarder], une fois: 
transport, avec légères altérations vocaliques, du mg. 
megné^-nr\ ou peut-être, à cause de la gutturale de la 
syllabe finale, megné:^gél-nij « considérer, examiner », 
entendu un jour sous la forme de l'impératif. 

(195) 22^ Manir a écriture», une fois:mg. iromâny 
(( écriture »; en métathèse, l'articulation ny s'est con- 
tractée avec Vi initial ; il ne manque à l'appel que l'o 
médial^ dont l'accentuation est très faible. Nous avons 



— 107 - 

. ' • . ' ,. - 

ici un exemple frappant de la manière toute mécanique 

dont M^^® Smith forme ses mots: mg. -inàny, qui n'est 
qu'un suffixe sans signification, occupe ici la place 
d'honneur, et l'élément significatif ir- est presque dis- 
simulé. Cf. aussi le n** 255. 

(196) 23® Ma;2i « avec », 2 fois: l'idée de « avec 
[quelqu'un] » évoque naturell^ement cellede « un autre»; 
mg. mas « autre » ou même mâsik « autre », avec 
changement de chuintante sourde en sifflante sonore. 

(197) 24** Mess « grand », 4 fois, et messe « grande», 
une fois. Un radical commençant par un m et signifiant 
« grand » ne peut que satisfaire un indogermaniste; 
mais, comme il est peu probable que M^^' Smith con- 
naisse le sk. mahàt, ou le gr. fiéYa;, ou l'ai, michel, 
ou même le lat. magnus, mieux vaut encore recourir 
au mg. magas « haut ». Le vocalisme, il est vrai, et la 
disparition de la médiale font difficulté ; mais, en re- 
vanche, le sens est excellent; car mess s'est dit d'abord 
et de prédilection du « grand homme Astané », et le 
mg. emploie aussi, usuellement, son mot magas au 
sens moral. En somme, ce point, qui semblerait devoir 
être un des plus clairs, reste fâcheusement indécis . 

(198) 25° Nâmi « beaucoup », 2 fois : mg. némi 
(( maint » ; on peut, si l'on veut, pour expliquer le 
timbre a, invoquer une contamination de l'ai, mannig 
qui présente les deux nasales dans l'ordre inverse.; 

(199)26^ Nébé a vert », une fois : cf. mg. levél 
« feuille »: il est question d'un « rameau ». Les con- 



- 108 — 

sonnes ne concordent pas, maïs sont fort voisines ; et 
il ne faut pas se montrer trop sévère sur le phoné- 
tisme d'un mot de la phrase inintelligible. 

(200) 27« Niké « petit », 2 fois : par métacthèse de 
kiné, cf. n^« 14 et 191. 

(201)28° Oustia bateau ))^ une fois : cf. mg. usstaim 
(( faire flotter », usjstatàSy etc., « flottage par radeau », 
etc. Emprunt sur. 

(202) Hd^Pédriné « quitter » et « [il] quitte », chacun 
une fois, et pédrinié « [il] quitte », une fois. Le mg. 
a un vQThe peder «il tourne »,/)erfererfm « se tourner », 
qui, à la vérité, n'a pas le sens de « se tourner pour 
quitter quelqu'un avec qui on vient de causer ou de 
s'arrêter » ; mais l'homophonie ici nous interdit de nous 
montrer trop diflBciles sur la sémantique. M^^* Smith, 
qui ne sait pas le hongrois^ a pu entendre une forme 
du verbe peder employée au sens de « se tourner », et 
l'employer elle-même légèrement à contre-sens. 

(203) 30® Réch « tard », 2 fois, mais seulement dans 
la locution zou réch^ voir n** 229. 

(204) 31"* Sadri « chanta », une fois. Il s'agit du 
chant d'un oiseau. Le corps du mot fait immédiate- 
ment songer au mg. madâr (( oiseau ». L^initiale est 
peut-être transportée de la syllabe finale de maddrssô 
(( chant d'oiseau », ou contaminée de l'initiale du verbe 
csatinchni, qui désigne le chant du rossignol. Tous ces 
mots sont très usuels ; mais le résultat laisse à dé- 
sirer. 



— 109 -- , 

(205) 32^ Sidiné « maigre », une fois, FI. 18. La 
finale seule est claire, en ce qu'elle rime richement 
avec iminé, n** 87, et cf. n"* 16. Le radical peut être 
celui du mg* :sstdô « juif », si quelque souvenir d'en- 
fance, de nous inconnu, a associé dans Tesprit de 
M"° Smith cette idée à celle de « maigreur » ; elles ne 
sont pas incompatibles. Très douteux. 

(206) 33** Sirima(k rameau », une fois : quoique ap- 
partenant à la phrase inintelligible. FI. 33, ce mot 
paraît s'expliquer d'une façon assez satisfaisante par 
le mg. szirom « pétale » : ce sont toujours des parties 
de plantes, et, si le « rameau » en question est « vert », 
.d'autre part le mg. szirmanyult signifie « cresson de 
roche ». 

(207) 34° Somé « admirer », 2 fois: rappelle de loin 
une dérivation du mg. szem « œil », soit szemes « at- 
tentif » ou plutôt s:semôk [ô long) « qui a de grands 
yeux » ; M. Smith a pu en riant appeler sa fillette 
ssemôk, un jour qu'elle ouvrait des yeux béants d'ad- 
miration ou de stupeur. Douteux : le vocalisme ne 
concorde pas. 

(208) 35° Soumini « riant », une fois : métathèse 
probable du mg. mosojogni « sourire », qui a, en mg. 
même, une variante métathétique dialectale somo- 
jogni. 

(209) 36° Takâ « pouvoir » (substantif), une fois : il 
est question d'un très grand pouvoir ; or le mg. tâgas 
signifie « vaste, spacieux, étendu»; l'homophonie et la 
sémantique sont approximativement satisfaites. 



— 110 — 

(210) 37® Tarvinê et tarvtni « langage », 4 fois en 
tout. Le mg. tôrvény signifie « loi, droit, justice », 
au sens de « comparaître en justice » : de celui-ci au 
sens de « plaidoyer », le pas est aisément franchi, et 
« plaidoyer » pour « langage » n'est que l'espèce pour 
le genre. L'homophonie consonnantique est ici frap- 
pante. Cf. aussi n® 261. 

(211) 38® Tatinée « chérie », 3 fois, adressé à une 
mère: cf. mg. tata « père », terme de caresse enfantin; 
la finale est une suflSxation martienne, ou bien le terme 
est contaminé de son synonyme inée, n® 88. 

(212) 39® Tat:ié « [il] lance », une fois: lancer avec 
une fronde est un jeu d'enfant^ et « fronder » se dit 
en mg. parittyâ^ni] M^^® Smith a-t-elle entendu ce 
mot? Ta-t-elle retenu en en laissant tomber les deux 
premières syllabes? Bien douteux; mais en tout cas la 
chute de Yy, qui ne fait que mouiller le t précédent, 
ne ferait pas diflBculté. 

(213) 40® Téassé a entier », une fois: c'est le mg. 
teljes « complet » ; Tarticulation de 17 mouillé est assez 

fugace pour que la chute totale se justifie; finale mar- 
tienne. 

(214) 41* Téri « comme », 4 fois. Le verbe mg, 
terjedni « s'étendre » commande au dictionnaire une 
série d'exemples, parmi lesquels je relève hitele 10000 

forinira terjed « son crédit s'étend jusqu'à 10000 
florins », c'est-à-dire en somme « équivaut à, est égal 
à », d'où peut procéder le sens de « comme » dans 
la pensée du sujet. Bien douteux pourtant: ce n'est 



— m — 

pas devant une enfant qu'on prononce des phrases de 
ce genre ; ou, si on ne les lui adresse.pas, elle ne les 
comprend point. Il est fâcheux de ne pouvoir trouver 
mieux pour un mot relativement usuel. 

(215) 42° Tiche et tis « bientôt », chacun une fois: 
c'est le mg. tûzes « enflammé > zélé > ardemment 
> vivement »; la filière sémantique est des plus 
satisfaisantes. 

(216) 43** Toué « dans », 2 fois: faute d'aucune 
donnée qui permette de soupçonner que M"* Smith 
ait. pu utiliser le breton étouez « parmi », force est 
bien de recourir à une forme déclinée quelconque du 
mg. ^(5 (ô long), « tronc, racine », soit l'accusatif ^weif 
[ô bref), ou toute autre; le mot a pu être entendu dans 
une phrase où il impliquait une notion d' « intérieur », 
de (( partie interne », en opposition aux organes ex- 
ternes de la plante. Douteux. 

(217)44** Tubré « seul », une fois: cf. la locution 
mg. tôbbre [menni]i{ [pousser] plus avant », etc. Celui 
qui « prend de l'avance» se trouve nécessairement 
« seul » tout le temps que dure son avance: cela était 
peut-être arrivé à M^^« Smith dans une promenade avec 
son père. 

(218) 45° Udânil « songes », une fois, FI. 20: le 
mg. a aludni « dormir » ; l'aphérèse syllabique, ainsi 
que le timbre initial i6 au lieu de u [-z^ fr. ou), paraît 
due à l'allitération avec umèz, qui précède, n° 16. 

(219) 46° Umèz. « [tu] fais » .et umê^é « faire », 



/ 



— 112 - 

chacun une fois: métathèse évidente du mg. û:sem 
« exploitation ». 

(220) 47« Vadâ:sâi, mot non traduit, une fois, FI. 
31. Le mg. vadâsza signifie « son chasseur »: le mot 
avait été entendu par M^^® Smith sans .qu'elle en apprît 
jamais le sens, et elle Ta répété tel quel, au hasard, un 
jour qu'il lui est revenu, et sous une forme presque 
irréprochable. 

(221) 48^ Vâmé « triste », une fois: soit une méta- 
thèse possible du mg. vidàm « gai », cf. n"* 24, 5**; mais 
comme le d et le sens tout à la fois font diflBculté, il 
n'est pas hors de propos de rappeler que le mot ne 
figure que dans la phrase inintelligible. 

{222} 49^ Vétiche «cependant», une fois: le mg. a 
pedig « mais», dont la finale a pu se contaminer de 
celle du mg. is « cependant ». Sans importance. 

(223) 50** Vtniâ «nom», 6 fois: le radical vin-y suivi 
d'un suffixe martien, est presque sûrement l'ana- 
gramme du mg. név « nom » ; cf. n"* 173. 

(224)51^ Vùé «descend», une fois: cf. mg. i?ï> 
«eau» ; Tidée de «descendre [à travers les espaces] » 
FI. 6, évoque celle de « couler» ou plutôt de «se ré- 
pandre en pluie». Pas bien sûr: a été traduit le jour 
même. 

(225) 52^ Vraïni «désir», 3 fois: mot très difficile, 
d'autant plus qu'il se complique de ivraïni, n° 267. 
La pensée va tout droit au mg. vàrni «attendre»; 
mais -ni est un suffixe d'infinitif, qui n'a aucune raison 



— 113 — 

d'être reproduit datis le substantif. S'y ést-il confohdii 
avec une suffixation martienne ? Ou bien avons-nbus 
affaire à une métaphore poétique, mg. viràny «flo- 
raison »? Tout cela 6st bien recherché pour une laugue 
enfantine. Rien de moins clair. 

(226) 53** Zaki «animal », une fois, dans la phrase 
inintelligible, et pourtant explicable sans trop d'effort 
par une métathèse approximative du mg.' csiga «es- 
cargot » : on a montré un jour un escargot à Hélène, 
eti lui disant, comme aux enfants, quelque chose 
comme « vois-tu la bèbête?», et en même temps on lé 
lui a nommé en hongrois, en sorte que la consonnance 
de ces deux syllabes s'est associée dans son moi sub- 
conscient au concept d' «animal». 

(227) 54^ Zâmé «meilleurs», une fois: cf. mg. cse- 
mege, « friandise, dessert » ; Hélène enfant a dû cons- 
tater par expérience que le « dessert » était « meilleur » 
que le repas. Douteux pourtant : le phonétisme ne 
concorde pas suffisamment. 

(228) 55^ Ziscui «fois », une fois, tout à là fin: 
bien que le principe de la formation de ce mot bizarre 
ne semble être qu'un jargonnement arbitraire (cf. 
n°106) , il n'est pas interdit de reconnaître, à la base 
du processus réduplicatif d'où il est issu, la sifflante 
sonore du mg. izrom « fois». 

(229) 56** Zou «plus », 2 fois, mais seulement dans 
la locution ^ow réch «plus tard». On peut, dès lors, se 
demander si cette locution n'est pas coupée en deux 
mots uniquement parce qu'elle en forme deux en fran- 

8 



— 114 — 

çais, et si Torthographe correcte ne serait pas zouréch 
en un seul. Dans ce cas, Ton conjecturerait une altéra- 
tion, d'ailleurs assez grossière, du mg. sokàra, « long- 
temps, longtemps après». Cette dernière identification 
est incertaine; mais ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on ne 
saurait identifier mot pour mot ^ou à «plus» et réch 
à (( tard », d'autant que « plus tard» en ce sens est un 
idiotisme français que les Martiens n'ont guère pu 
emprunter. 

(230) Tout compte fait, le magyar se trouve avoir 
fourni directement au martien deux à trois fois plus 
de mots que l'allemand, deux fois moins que le français. 
Cette proportion resterait àpeu de chose près la même si 
on défalquait de part et d'autre les cas que nous avons 
qualifiés de douteux. Elle est tout à fait conforine à ce 
que la théorie nous mettait en droit d'attendre (cf. 
no^5-7) : l'auteur du martien est une enfant bien douée, 
qui sait à fond le français et a entendu un bon nombre 
de mots magyars très usuels ; comme c'est aussi dans 
un cercle d'idées très usuelles que se meuvent les phra- 
ses martiennes, ceux-ci lui reviennent avec une abon- 
dance relative ; mais, malgré l'avantage inappréciable 
qu'ils offriraient au point de vue du déguisement des 
origines du martien, ils restent en minorité, parce 
qu'elle n'en a à son service qu'une quantité fort limitée; 
quant à l'allemand, appris plus tard et sans doute 
moins fidèlement retenu, il n'apporte qu'un faible ap- 
point, bien supérieur toutefois à celui des autres do- 
maines linguistiques à peine effleurés par M"® Smith. 



— 115 — 



CHAPITRE VII 
Le Vocabulaire anglais 

(231) Tenant compte au vocabulaire anglais de 
l'apport possible de hed (n^ 32, 3**), de Tinfluence qu'il 
a pu exercer sur Tadoption ou l'altération de mode et 
gudé (n^s ^^55 ^t 166), et de l'explication subsidiaire, 
éminemment problématique, de godané (n^ 82), il ne 
reste plus à son actif immédiat que trois mots, dont 
deux fort usuels, que M^^® Smith a pu fort bien con- 
naître sans savoir l'anglais. 

(232) 1« Kida « faveur », une fois, FI. 28 : semble 
être un transport, avec suflBxation martienne, du radi- 
cal de ktnd «aimable )),/i:mrf-Aiess «obligeance», etc., 
rhais prononcé à la française et dépouillé de sa nasale. 

(233) 2^ Méch « crayon », une fois, FI. 17 : ressemble 
trop à match « allumette » pour qu'on ne suppose 
pas entre les deux mots un lien suggestif ; la forme 
des deux objets a servi de transition. Sans importance: 
texte graphique, mais traduit dans la même séance 
où il a été dicté . 

(234) 3^ Non « jamais », une fois, FI. 24 : rappelle 
de façon irrésistible la locution anglaise nor y et « ni 
jusqu'à présent ». Sans importance au surplus : le mot 
est isolé de tout autre contexte. 



-- 116 - 



CHAPITRE Vm 



Le Vooabulaire oriental 



(235) Le cycle martien a débuté le 25 novembre 
1892, pour se dérouler, avec des interruptions plus 
ou moins prolongées^ jusqu'au 4 juin 1899. On peut 
dater l'apparition du cycle hindou du 2 septembre 1894 
(FI. p. 261) , et les prodromes de cet ensemble de 
visions remontent beaucoup plus haut. On doit donc 
considérer les développements respectifs de ces deux 
cycles comme chronologiquement parallèles, etilserait 
fort surprenant que Ton ne constatât point de mélange 
entre eux, d'influence de l'un sur l'autre. En fait, il y 
a des rêves mixtes, ne fût-ce que celui de la séance du 
23 mai 1897, où les visions orientales et martiennes 
interfèrent au point de se gêner réciproquement, de 
même qu'en physique deux sources de lumière se ré- 
, solvent en obscurité ; et, ce jour-là, parmi beaucoup 
de bavardages indistincts, on recueille un texte hybride 
(FI. 13), contenant deux mots dont le truchement 
martien ne sait que faire. La présomption de quelques 
emprunts du martien au vocabulaire oriental est donc 
en soi parfaitement légitime : il s'agit de savoir si elle 
se justifie dans le détail, c'est-à-dire, si la concordance 
est assez frappante pour emporter la conviction, et si 



. -r 117 — 

M"o Smith cpnnait ou peut être censée connaître le 
terme oriental qu'on croit retrouver en martien. 

(23.6) VAttanâii monde », une (ois, et « mondes», 
une fois : 2 novembre et 5 décembre 1898. M"^ Smith 
connaît le mot pseudo-sanscrit attamana, qu'elle a 
prononcé en cycle hindou le V mars 1898 (FI. p. 29,9): 
c'est le sanscrit âtmày ou plutôt son accusatif âtmancu^^ 
auquel elle paraît donner le sens de « âme » ; mais ce 
dernier ne se dégage pas assez nettement de sa phrase, 
pour qu'on n'y puisse substituer celui de « vie, être, 
existence », etc., dont la signification du sk. cttmd s'ac- 
commoderait également bien. En somme, tout porte à 
croire que, dans sa pensée, c'est un mot à sens vague 
et élastique, comme par exemple le sk. védique thû- 
vanam, qui signifie à la fois « être » et «monde»'; et 
au surplus l'acception plus abstraite « être » réap- 
paraîtra, si je ne me trompe, dans le composé atèv, 
n"* 270: il ne paraît donc guère douteux que le mt. at- 
tanâ ne soit une syncope du sanscritoïde attamana, 

(237) 2** Darié « cœurs », une fois, et « cœur », une 
fois. Ce mot nous servira à interpréter un mot sans- 
critoïde autrement inintelligible, et en même temps il 
s'expliquera par lui. Dans une de ses effusions hin- 
doues (FI. p. 295), M^^*^ Smith a dit radisivou, que 
Léopold traduit tant bien qup mal par quelque chose 
comme « bien-aimé Sivrouka ». Or, si sivou est une 
abréviation caressante du bom de Sivrouka, mdi-sivou 
peut en effet avoir le sens esquissé par Léopold, mais 
plus exactement celui de a Sivrouka de [mon] cœur»: 
en tant que, d'une part, le mt. dcuié, qui signifie 



— 118 — 

(( cœur », est la métathèse exacte de radi-, plus une 
suffixation martienne ; en tant que, d'autre part, radi- 
est la reproduction approximative de hrdi ou la méta- 
thèse de Arrfd (usuellement prononcé A/'ïcfâ) , respecti- 
vement locatif et instrumental du mot sk . hrd « cœur ». 
Il n'y manque que Taspirée initiale, assez difficile à 
prononcer dans cette position, et généralement omise 
par les sanscrit istes français. On sait d'ailleurs que 
M"® Smith, fidèle aux usages de la prononciation 
française, laisse volontiers tomber les aspirées: n^^^lôO, 
176, etc. 

(238) 3" Mira « adieu », 12 fois. Ce mot, répété à 
satiété, ne ressemble à rien de connu. En désespoir de 
cause, j'ai pensé au malgache miarahaba « salue »^ 
qui expliquerait même la longue finale constante par la 
contraction des deux a séparés par Y h, A l'époque des 
séances de M^^* Smith, les affaires de Madagascar 
battaient leur plein, les journaux fourmillaient 
d'anecdotes malgaches, et il n'y aurait rien d'impos- 
sible à ce que l'un d'eux lui eût mis accidentellement 
sous les yeux le texte d'une salutation telle que Uaho 
miarahaba anao « je vous salue ». Mais il va de soi 
que cette hypothèse demeure en l'air. 

(239) 4^ Misaïméa fleur » et « fleurs », chacun une 
fois. Je transcris ici textuellement un passage de 
M. Flournoy (p. 300j. (( Les spécimens [de sanscrit] 
les plus remarquables sont les deux mots sumanas et 
smayamana, qui ont particulièrement frappé M. de 
Saussure. Le premier est la reproduction graphique- 
ment irréprochable du sk. sumanas « bienveillant », 



— 119 — 

cité un peu dans toutes les grammaires et servant 
même çà et là de paradigme de déclinaison : il faut . 
toutefois noter que, pour toutes les grammaires égale- 
ment, ce mot se prononce soumanas, tandis qu'Hélène 
Ta nettement articulé sumanas et qu'il paraissait dé- 
signer une plante dans sa phrase : C'étaient les^ plus 
belles sumanas de notre jardin. » Ce qui semble avoir 
échappé à M. de Saussure, c'est que le sk. sumanas 
signifie aussi « fleur » : il est évident, dès lors, qu'elle 
ne le connaît que comme tel. Il est entendu, de plus, 
qu'elle le prononce avec un u français, en sorte que, si 
en martien elle appelait les « fleurs » ^musaïmé, per- 
sonne n'hésiterait guère à reconnaître dans ce dernier 
mot une métathèse des deux premières syllabes de 
s wmanas, accessoirement affublée d'une suffixation 
martienne: cf. n*' 17, 4°. La différence de timbre 
de Vu et de Vi est-elle suffisante pour infirmer une 
conjecture en elle-même aussi plausible ? C'est 
ce que je laisserai de bon cœur à l'appréciation du 
lecteur. 

(240) b^ Ponde a savant», une fois, vers la fin. 
M"' Smith ne connaît sûrement pas le sk. panditàs 
«savant»; mais, si elle a, commie tout l'indique, jeté 
les yeux sur quelque roman de mœurs orientales, 
elle ne peut pas manquer d'y avoir rencontré le mot 
pandit, qui en est la francisation. Beaucoup de per- 
sonnes le connaissent, qui ne sont pas orientalistes, 
et qui naturellement le prononcent sans faire sonner 
le ^. Ce rapprochement, irréprochable quant aux' 
consonnes, me paraît donc presque sûr, quoique les 



— 120 — 



deux mut^'tions vocaliques se soient effectuées en sens 
précisément inverse des tendances phonétiques rele- 
vées en martien, cf, n^ 12, 1"*; mais c'est un mot de 
date tardive. 



— 121 — 



CHAPITRE IX 
Les contaminations ^ 

(241) I. Franco-allemand et réciproquement. — 
1** Aline « oublie » , mot un peu douteux, en ce qu'il 
n'apparaît qu'une fois, et sous la forme non décomposée 
saline « j'oublie » , cf. n° 32, 1®. Cependant la quasi- 
homophonie avec ilinée « reconnue » (n® 159) condui- 
rait à penser que aliné est issu de i Une et qu'il en est 
en quelque façon la négation : s'il en était ainsi. Va- 
initial serait . un a- privatif, dont 11 n'est pas besoin 
d'avoir appris le, grec pour avoir pleine conscience par 
nombre de mots français, soit acotylédone, apétale y — 
toutes les jeunes filles apprennent un peu de botanique, 
— anormal, athée, etc. Tout cela pourtant demeure 
fort indécis, soit à cause de la disparition de Vi initial, 
soit surtout parce que ilinée n'est apparu que posté- 
rieurement à saline. Peu important. 

(242) 2° Amêré « réunir » , une fois. Ici la préfixa- 
tion française est beaucoup plus claire : le mot a été 
tiré de l'ai, rnehrere « plusieurs » , dont il conserve 
intacts le vocalisme et jusqu'à la quantité, par le même 

f 

1. Il s'agit ici des contaminations polyglottes, telles qu'on les 
a définies et expliquées au n" 25. 



— 122 — 

procédé qui a formé en français a-moncel-er de mon- 
ceau, et tant d'autres. 

(243) S*' Bétiné « regarder » et « [je] regarde », et 
bétinié n regarde » , chacun une fois. Le fr. « regarder » 
se dit aussi dans la langue courante « fixer » , et d'autre 
part (( fixer » , surtout dans le sens commercial de 
(( convenir [d'un prix, etc.] » , — qui est précisément 
celui que M"® Smith, à raison de sa profession, a été 
le mieux en mesure d'apprendre, — se dit en al. be- 
dingen. Le rapport parle assez de lui-même. 

(244) 4"* Dastrèe a paisible», une fois. Soit une lo- 
cution fr. (( de repos » , analogue à la locution « de 
pouvoir » employée un jour au sens de « puissant » 
(n® 23, 1°) , et pouvant parfaitement signifier « paisible » : 
contaminée d'al., elle devient *rfe rast, dont la méta- 
thèse exacte est *dastre, puis avec une suffixation mt. 
dastrée. Le procédé est curieux et me parait sûr. 

(245) 5° Éréduté « solitaire » , une fois : cf. la forma- 
tion d'Ésenale, n^ 27. Dans le mot fr. soU-taire, iso- 
lons d'abord la seconde moitié, soit terre, qui se tra- 
duit en al. erde. Voilà, avec une légère métathèse ou 
une petite insertion vocalique, de quoi fournir la pre- 
mière moitié du mot martien. Reste après cela soZt-, 
c'est-à-dire le nom d'une note de musique, plus une 
voyelle, qu'on remplacera par le nom d'une autre note 
de musique, plus une voyelle de même timbre (cf. n°12, 
2**) . La formule est mathématique : sol-\-i-{'tairez=zéréd 
-\-ut-\-é. Ce dernier peut aussi être un suflBxe martien. 

246^ 6^ Firent « certainement », une fois. Le fr... 



— 123 — 

vrai n'aurait pas pu donner aisément Jîré-, -j^i étant 
une suflBxation martienne : d'abord, il est peu probable 
que M"® Smith change un v en f; puis, Tinsertion 
vocalique reste inexpliquée; enfin, le sens ne concorde 
pas tout à fait. Cependant je croîs que vrai se retrouve 
ici tout au moins dans la voyelle médiale du mot : 
^re-'-jï serait une imitation de vrai-meni. D'autre part, 
le sens concorde mieux avec l'ai, freilich « certaine- 
ment », eiVdX.fûrwahr « vraiment » expliquerait, 
s'il en était besoin, l'insertion vocalique. L'anglais 
vertly est sans doute hors de cause. 

(247) 7° Furimir « aimera », une fois. Le verbe 
c( aimer » évoque le radical am- deam-oar, am-i, etc., 
et celui-ci, la syllabe initiale de l'ai, am-eise « fourmi » : 
Aq fourmi k furimir ^ la distance est courte. Je ne 
doute pas de l'étymologie ; mais elle est sans impor- 
tance, le mot ne faisant partie d'aucun contexte 
suivi (FI. 24). 

(248) S*' Nazère « [je] trompe », une fois. Le verbe 
tromper évoque le substantif trompe, qui suggère 
l'idée de « nez », al. nase. Reste la finale -er, qui 
fournit la syllabe -ère. Me paraît sûr. 

(249) 9° Pélésse « chagrin » et péliché a souci », 

une fois chacun : il est difficile d'échapper à la pensée 
que ces deux mots n'en font qu'un ; mais l'explication 
en serait plus aisée si le second n'était apparu le 
premier. De la traduction « souci », en effet, on ne 
saurait rien tirer, tandis que la traduction « chagrin » 
suggère le jeu de mots « sorte de joeaw préparée », puis 



— 124 — 

la traduction al. peh^ dont pélés^e est la reprodiiction 
presque littéraire. Il est vrai que peh ne signifie poin^t 
« éuir », mais « fourrure »; mais les équivalences sé- 
mantiques du martienne sont pas à cela près. La seule 
objection grave est celle que j'ai formulée au début. 
Je ne crois pas qu'elle soit péremptoire : M"® îSmith a 
pu traduire « souci )), tout en ayant « chagrin » dans 
la pensée quand elle a créé le mot. 

(250) 10® Sanâ « tant », une fois. Une dérivation 
mt. de tant, le t final ne se prononçant pas, donnerait 
*tanâ. La substitution de Y s au t peut provenir de leur 
voisinage dans Talphabét (n° 13, 5°) ; mais il est plus 
méthodique de supposer une contamination très g-isée 
par Tal. so. 

(251) IL Franco-hongrois, et réciproquement. — 
1^ Bodri (( os », une fois : mot très difficile. La mé- 
tathèse de os est so, qui, entre autres sens, donne en 
fr. celui de « sot » ; or, celui-ci peut se traduire en 
mg. botor, qui , moyennant une mutation de sourde 
en sonore, une syncope et une suflBxation martienne, 
donne bodri. Je ne me dissiinule pas le caractère 
aléatoire de cette restitution ; cependant je fais observer 
que M^^® Smith paraît bien en effet avoir songé, pour 
le traduire en martien, à un mot commençant par une 
'consonne (so), et non par une voyelle (os) ; car autre- 
ment il est probable qu'elle aurait créé en martien 
aussi un mot commençant par une voyelle devant 
laquelle Tarticle se serait élidé. Tant, en général, son 
imitation est servile ! Cf. ^* alizé « l'élément », n*"» 30 
et 4^. Aussi Esenale, appelé à interpréter ce texte, 



\, 



— 125 — 

traduit-il séparément et sans élision « le os », M. 29. 
En dehors de eette présomption, il n'y a aucune ana- 
logie que celle de l'ai . ou anglais butter, que je ne 
vois aucun moyen de concilier avec le sens de « os » . 

(252) 2? Laâé « vers » (préposition), une fois ; 
une autrefois, le sujet a employé le mot plus simple 
é, n" 35, 2**. Le mg. a lât-ni « voir », qui n'est guère 
compatible au point de vue du sens ; mais le rapport 
a dû s'établir à la faveur de la consonnance presque 
identique des deux mots fr. vers et voir, 

(253) 3" Linéi « debout », une fois. Le mg âllani 
(( se tenir debout » est phonétiquement trop éloigné 
pour être seul en cause ; mais les sens très voisins du 
fr. ligne [droite] ou aligné expliquent sans diflBculté 
l'altération qu'il a subie. A peu près sûr. 

(254) 4** Men « ami », 6 fois, et mené « amie », 
4 fois, total 10 : le second est apparu le premier ; mais 
il importe peu que mené soit dérivé de men^ .ou men 
abstrait de mené, cf. n® 19, 2°. La consonnance fr. 
ami est identique à la consonnance mt. ami, ^que 
M"® Smith devait plus tard employer au sens de « il 
va », cf. n° 175 ; or l'infinitif mg. du verbe d'où procède 
ce dernier est m£nm\ qui a été en conséquence trans- 
porté presque textuellement au sens d' « ami » ou 
« amie ». L'homophonie est frappante, et pourtant 
l'hypothèse très douteuse, en ce que le mt. amès et 
surtout a/?/t n'est apparu que bien postérieurement au 
mt. mené. Peut-être vaudrait-il mieux partir tout 
simplement de l'ai . meine( « ma, mienne », etc. 



— 126 — 

(255) 5° Mirivé « tracer » [des caractères d'écriture], 
2 fois. Il n'est pas difficile de reconnaître dans ce mot 
lefr, écrire, ou plutôt un barbarisme fr. *écriver, in- 
finitif créé sur Tanalogie des formes écrivons, écrivez, 
écrivais, etc. Le procédé est remarquablement en- 
fantin. Mais la syllabe -ir- me parait due à une con- 
tamination par le verbe mg. ir-ni « écrire », que 
M"® Smith connaît, cf. n® 195. Quant à Vm initial, je 
n'en aperçois pas la raison d'être, à moins qu'elle ne 
connaisse que iromàny, dont elle aurait transporté la 
médiale au début. Cf. pourtant n"* 16. 

(256) 6** Neura « danger », une fois. L'idée de 
« danger » appelle celle de a risque », et celle ci, 
surtout dans l'esprit d'une personne vouée à la carrière 
commerciale, se lie aisément à celle de « spéculation ». 
Or le mot spéculateur a pour équivalent le mg. nye- 
rés2. Douteux : le phonétisme est en défaut. 

(257) 7<* Ouradé « [se] souvenir )), une fois : tout à 
fait différent de ::ati a souvenir », n"* 146. Le mg. a 
plusieurs mots très semblables de forme, notamment 
uradalom « seigneurie », et surtout ûrhadi a nobi- 
liaire », mais très différents par le sens. Le rapport a 
pu s'établir par la double signification, à la fois ma- 
térielle et intellectuelle, du fr. posséder, étant donné 
qu'en Hongrie la noblesse est encore aujourd'hui es- 
sentiellement la caste propriétaire. 

(258)8^ Patrinèz « alors », une fois, FI. 17. Le 
mot « alors » a dans cette phrase le sens très net de 
« donc , c'est pourg^ wor ». Ce dernier mot se dit en mg. 



— 127 - 

melly, et melly, retraduit en fr. dans un autre de ses 
sens, donne poitrine, dont pati^inèz est un jargonne- 
ment à peine déguisé avec finale martienne. 

(259) Séîmiré « comprendre », deux fois, « [je] 
comprends » et «comprendras», une fois chacun: 
total, 4 fois, cf. n® 22, 9®. Une chose que Ton « com- 
prend » est une chose qui « va de soi », et Thomonyme 
fr. de soi est soie qui se traduit en mg. selyem. On voit 
que la prononciation fuyante de 17 mouillé (n® 173) 
donne exactement un radical verbal séïm-, qui se com- 
plète par une suffixation martienne. 

(26*0) 10® Ti:^iné «demain», deux fois. Un calembour 
très simple sur fr. demain donne fr. deux mains, qui 
font « dix doigts », et « dix » se dit en mg. ti:s ; la finale 
est une suffixation fort commune. 

(261) 11** U^ir (( liira», une fois. Le mg. a une excla- 
mation ûgyef « n'est-ce-pâs ? » dont une traduction en 
fr. usuel serait aussi notre a dis donc» : c'est ainsi que 
ce radical a pu prendre le sens du verbe «dire». Mais 
peut-être vaudrait-il mieux s'en tenir au mg. ilgyés^ 
«avocat»: en ce cas, il n'y aurait pas de contamination 
par le fr., et la seule remarque à faire serait celle de 
la curieuse prédilection de M"® Smith pour les termes 
juridiques, en tant qu'il s'agit de rendre l'idée de 
«parole»; cf. n^ 210. M. Smith père aurait-il eu à 
soutenir un procès en Hongrie? 

(262) 12° Zivênié « étudie», une fois. L'idée d' « étu- 
dier» évoque facilement, surtout chez un enfant, celle 
d' « apprendre par cœur », et ce dernier mot, à son tour, 



— 128 — 

évoque sa traduction mg. sztOy qui au surplus n'est 
jamais employée dans le sens spécial au français ; mais 
peu importe, il s'agit ici d'un calembour bilingue, et 
non d'une équivalence. Avec mutation de sourde à 
sonore, on a un radical :sio-, sur lequel s'applique une 
suffixation martienne. Me paraît tout à fait sûr. 

(263) IH. HONGRO- ALLEMAND ET RÉCIPROQUEMENT. 

— l'' Borêsé «pleines», une fois. Le fr. «plein» se 
traduit en al. voll, lequel signifie aussi «ivre», et ce 
dernier sens a suggéré la traduction en mg., soit boros 
« ivre » ou borisza « ivrogne » ; l'homophonie est pres- 
^que absolue. Cf. le suivant. 

' (264) 2** Châmi «parfum», une fois, dans la même 
phrase que le précédent. L'ai. a scAmec/?en «sentir» 
[à l'odorat] et geschmack «goût»; mais je crois que, 
pour expliquer la voyelle insérée entre s et m, il est 
presque indispensable de faire intervenir le mg. samat 
« bouquet du vin » ; d'autant que le radical de borisjsa 
est bor «vin». Il devient évident, dès lors, que le 
concept de «vin» se jouait dans l'arrière-pensée de 
M^^« Smith lorsqu'elle a prononcé cette phrase. 

(265) 3^ Grini «soulever», une fois, FI. 23. L'idée 
de «soulever» évoque celle de «sol», qui se traduit en 
al. grand et en mg. gerend, celui-ci plus proche par 
le vocalisme, celui-là par la double consonne initiale. 
Ce mot est d'ailleurs tout à fait négligeable, parce qi^e 
la traduction en est des plus équivoques : d'abord la 
phrase « le miza va soulever » n'est pas française, il fau- 
drait «se soulever»; puis, dans la vision qui la suit, 



— 129 — 

Tobjet ne se soulève pas, mais « prend un mouvement 
de balancement qui fait un bruit de tic-tac, puis glisse 
comme un train sur des rails». 

(266) 4P Uzénir « attendra » , 2 fois. Le mot « attendre» 
se traduit en dX.warten, qui signifie aussi «s'occuper 
de, prendre soin de»; sa traduction dans ce dernier 
sens est mg. ûgyelni. Pour la concordance mg. gy > 
mt. :Sj voir n'*^ 173 et 174. 

(267) IV. Francq-hongro- ALLEMAND. — VIvraïni 
(( aujourd'hui », une fois, FI. 27. Vraïnï «désir» (FI. 14, 
cf. n® 225) est chronologiquement antérieur à tvratni, 
en sorte que rien ne s'oppose à la filière assez complexe 
que je vais restituer. La finale de «aujourd'/i^n) ou 
simplement son sens amène Tal. heute, dont le pho- 
nétisme suggère très facilement le mg.ohajtds « désir » ; 
celui-ci, à son tour, suggère son équivalent mtvratni; 
et, comme une sorte de doigt indicateur qui nous 
guide dans ce dédale, l'initiale de ohajtds demeure 
encore figée en tète de ivraïni, sous le bénéfice de 
la mutation o > t, qui nous est déjà connue, cf. 
n*» 36, 6^ 

(268) 2^ Valini « visage », une fois. Tout d'abord, 
les idées très voisines « visage, aspect, regard » se sont 
évoquées l'une l'autre; puis, regard traduit en al. a 
donné blick, dont la traduction mg. exacte serait 
pillanat. Mais blick signifie aussi « reflet lumineux », 
et dans ce cas sa traduction mg., peu différente, est 
vtllanat, avec le verbe villanni « lancer des éclairs », 

9 



— 130 — 

etc. Il n'échappera à personne que valini en est la 
métathèse rigoureuse. Cette cascade de doubles sens 
est douteuse cependant, parce qu'il n'est pas probable 
que M"® Smith connaisse tous, ces mots et toutes leurs 
nuances; mais peut-être, précisément parce qu'elle 
ignore les nuances, elle emploie les mots un peu à tort 
et à travers. 

(269) V. Autres contaminations. — 1° A miche 
« mains » et éméche « main », une fois chacun. Que le 
vocabulaire oriental puisse intervenir dans les conta- 
minations, c'est ce que démontrera l'exemple suivant; 
mais celle que je vais analyser est au premier abord 
si invraisemblable, que je n'aurais jamais osé l'im- 
primer, si la vraisemblance était un critérium appli- 
cable à un rêve. Si, ainsi que nous l'avons constamment 
supposé. M"® Smith a feuilleté quelque roman pseudo- 
oriental, il est difficile qu'elle n'y ait pas rencontré le 
nom des « Ameshaspands », ces demi- dieux tutélaires 
en grande vénération dans la religion persane : il n'im- 
porte que le mot ait été retenu ; il suffit qu'il ait été 
vu, pour que la mémoire subliminale puisse l'utiliser 
sous l'influence de quelque excitation accidentelle. Re- 
venons à présent au fr. « main »: l'équivalent est al. 
ou anglais hand^ dont la consonnance évoque la finale 
de ameàaspand, et celle-ci le mot tout entier; enfin, 
les deux premières syllabes détachées fournissent un 
radical amis-, ou émés-y où l'alternance vocalique elle- 
même semble trahir une origine exotique et bizarre, un 
mot non familier au sujet, et par conséquent mal 
retenu. Tout cela me semble à peine douteux. 



— 131 — 

(270) 2** AtêVy « être, êtres », 7 fois: contamination 
évidente de l'initiale d!attanâ avec le radical mt. du 
verbe « être » ; cf. n°« 37 et 236. 

{Éméche « main » : voir u9 269.) 



— 132 — 



CHAPITRE X 

f 

Les dérivations ultérieures 

(271) 1^ Atimi « bonheur », 3 fois: paraît dérivé, 
par suffixation martienne, de adi « bien » (n° 174), qui 
toutefois n'est apparu que plus tard. J'ai déjà dit que 
je considère cette objection comme sérieuse, mais non 
comme décisive : un mot peut avoir été élaboré dans 
le subconscient du. sujet, sans avoir encore nécessaire- 
ment vu le jour. 

(272) 2^ Datrinié « caché ))^ une fois, dans la phrase 
inintelligible. Si Ton peut attribuer à da- un sens pré- 
fixai, soit inversif ou négatif, pareil à celui du préfixe 
fr. dé" dans dé-lié, etc., on voit que le mot entier peut 
signifier « dont on ne parle pas » (cf. triné « parler », 
n® 139), par conséquent « secret, caché ». Douteux, 
mais sans importance. 

(273) 3"* Éfin choses », une fois: il est probable que 
la forme plus correcte serait *évi (cf. n" 8), et que le 
mot se rattache par dérivation au radical éy-, du verbe 
mt. qui signifie « être » ; voir n'*^ 37 et 274. 

(274) 4P É venir « posséderas », une fois: dérivation 
possible du radical év- au sens de « chose », par con- 



— 133 -^ 

séquent (( objet qu'on peut posséder, bien » ; cf. n*"* 38, 
3^ et 273. 

(275) 5** Imùi a sous », une fois, dans la phrase 
inintelligible : dérivé possible fie tmâ « ciel » (n° 160), 
par Tintermédiaire de Tidée que « tout est sous le 
ciel ». 

(276) e^/s'd « mais », 2 fois: dérivé de is « tout » 
(n* 188), de par la transition fournie par le synonyme 
fr. « touteîois)), 

(277) 7« I^é (( enfin », 3 fois : dérivé de is (cf. n« 276), 
à la faveur de la transition fournie par la locution sy- 
nonyme « après tout ». 

(278) 8** Kêmisi « femelle », 2 fois : dérivé fort in- 
solite de kêmâ « mâle », n*' 92. 

(279) 9° Kévi et kêvi » quand », en tout 3 fois : 
dérivé du thème interrogatif et relatif /c~, dont on a vu 
rorigine, n« 33, 3^ 

s. 

(280) 10° Kiché « pourquoi », 3 fois : autre dérivé 

jargonnant du même thème. 

« 

(281) 11° Ki^ (( quel », 4 fois, et ki^é « quelle », 
2 fois : autre dérivé du même thème. 

(282) 12'' Meta a pourtant », une fois: étant donné 
que med signifie « pour », c'est une formation calquée 
sur le fr. pour-tant, soit *med-ta, où la syllabe -ta 
représente la syllabe fr. -tant. Noter toutefois que 
med est postérieur à meta. 

(283) 13^ NŒsina « nouveau », une fois: comparer 



• — 134 - 

aainiii ensuite », fl'Où le «eus ^« postérieur, récent », 
cf. n^ 34, 2** ; Vn initial vient de contamination par te 
mot «ir. nouveau. 

(5884) 14" Néûmi a mystérieux », une fois. Le mot 
lui-même est assez mystérieux et semble de formation 
mystique : par Tinitiale, il rappelle le fr. né-ant ; l'élé- 
ment subséquent doit se ralitaoher au verbe m t. umejs- 
« faire » (n"" 219), en sorte que l'ensemble aboutirait au 
sens de « infaisable » ou « incréé ». 

(88$) 15° Primi « revoir » substantiif, une fois, 
PL 33: ce « revoir » s'effectue par un «retour », en 
sorte qu'il est difficile de ne pas soupçonner un j?ap- 
port étymologique avec bérimir qu'on a vu au ViP 53. 
Peu clair. 

(286) 16° Trimênêni « comprenions », une fois, 
FI. 15. M. Flournoy fait observer que la traduction est 
suspecte, puisque « comprendre » se dit tout autre- 
ment (n°259), et qu'il vaudrait mieux « entretenions » 
pris flans le sens de « converser, causer » : dans ces 
conditions, et puisque tarvini et triné apparaissent 
dans la même phrase, le rapport à établir entre ces 
trois mots n'est pas niable, cf. n°^ 139 et 210. Ce qui 
demeure obscur, c'est le mode spécial de dérivation 
de trimênêni. Peut-être n'est-ce qu'un jargonnement 
arbitraire, vaguement imitatif du fr. entretenions. 



— 135 



CHAPITRE XI 

Le résidu 

(287)11 n'est guère d'analyse linguistique, si pa- 
tiemment conduite qu'on la suppose, qui ne laisse au 
fond de la cornue un caput mortuum irréductible. 
Celle du martien pouvait moins que toute autre 
échapper à cette infirmité. Il me reste donc àénumérer 
les quelques mots dont je renonce à trouver Texplica- 
tion, et à souhaiter à mes lecteurs, s'ils m'ont suivi 
jusqu'ici, plus de pénétration. On tiendra compte, en 
outre, des petits mots dont la genèse demeure obscure, 
et des incertitudes dont je n'ai pas fait mystère au 

cours de ma trop longue exposition. 

1** Estotiné « ma dernière », FI. 15 : ce n'est pas la 
seule anomalie de ce texte ; mais c'est la seule dont il 
soit absolument impossible de venir à bout ; car, 
puisqu'on ne peut, dans ce prétendu composé, isoler 
un mot qui ait le sens de « ma » (cf. n*^ 32, 1^), à plus 
forte raison n'y reconnaît-on pas le mot « dernière », 
et à plus forte raison encore ne saurait-on le rap- 
procher de rien. 

2? laniné a [il] enveloppe », FI. 14 et 28. LadiflB- 
culté de ce mot étrange se complique de ce que, la 
première fois qu'il apparaît, c'est sous la forme 



— 136 — 

m-mniné, qui est censée signifier « t'enveloppe » et 
où pourtant Télément m- ne peut que par lapsus évi- 
dent représenter le pronom « te ». Le mg. a un mot 
hiàny « lacune », d'où le composé hiànyjel « signe 
de lacune », qui désigne le petit symbole que nous 
appelons « apostrophe ». On sait, d'autre part, que 
l'apostrophe est souvent employée, dans certains ou- 
vrages, comme le seraient les guillemets, et qu'enfin 
les guillemets <( enveloppent » une partie déterminée 
d'un texte. Toutes ces idées sont donc plus ou moins 
connexes, et il n'était pas difficile de passer de l'une 
à l'autre. Mais il n'est pas croyable que M"® Smith 
connaisse, même pour en fausser le sens, un terme 
grammatical aussi technique en langue magyare. 

3** Lâmée « jusque » , une fois. Le fr. là même se 
suggère tout naturellement ; mais il faut se défier des 
explications trop faciles. 

4° Pové « rester » , une fois : je ne trouve à citer 
que l'ai, bewohnen « habiter » , et vraiment il est trop 
éloigné à tous points de vue. 

5® Ru;7^i (( milieu », FI. 24. On est frappé tout d'abord 
de l'homophonie avec bu^i « moyen » : le rapport 
aurait pu s'établir par l'intermédiaire de l'ai. mitteU 
qui signifie à la fois l'un et l'autre. Mais bu:si, qu'on a 
expliqué tant bien que mal au n^ 57, n'apparaît que 
tout à fait à la fin, FI. 40 : il est difficile, dès lors, de 
croire que ru:2n en soit issu • et, si l'on suppose que ce 
dernier, au contraire, est l'ancêtre, c'est bien pis en- 
core, car il n'y en a pas d'étymologie visible. Rien non 
plus ne justifie le passage de 6 à r ou réciproquement. 



- 137 - 

Mieux vaut donc laisser rw^r^/ parmi les mots inex- 
pliqués, et peut-être, parla même occasion, y reléguer 
bu^i avec lui. Mais avec ces deux derniers mots nous 
avons épuisé la totalité du vocabulaire martien. 



— 138 



CONCLUSION 

(288) Dans mes Antinomies linguistiques, — aux- 
quelles je m^excuse de renvoyer si souvent, mais il le 
faut bien, le présent livre n'étant au fond qu'une véri- 
fication expérimentale des principes spéculatifs que j'y 
avais exposés, — je me suis trouvé tout naturellement 
amené à examiner Tirritant problème de la conformité 
originaire du langage et de la pensée, postulat logique 
inéluctable, mais jusqu'à présent rebelle à tout essai de 
démonstration, puisque le langage primitif de Thuma- 
nité nous est lettre close. « Peut-être, ajoutais-je (p.41, 
n.l) , n'est-il pas téméraire de fonder à cet égard 
quelques espérances snr l'avenir des récentes recherches 
qui ont si fortement modifié et ébranlé l'antique no- 
tion de l'unité du moi. Qui sait si le sens élémentaire 
du langage ne se dégagera pas brusquement ou pièce 
à pièce de quelque moi sous-jacent, mis à découvert 
dans un de ces états seconds que provoquent les expé- 
riences d'hypnotisme? Si étonnants que paraissent 
certains de leurs résultats^ il est clair que les expéri- 
mentateurs n'en sont encore qu'aux premiers rudi- 
ments de la psychologie qu'ils nous préparent et n'ont 
pas encore ébauchée. » 

Tandis que j'exprimais ce timide espoir, d'éminents 
expérimentateurs, à mon insu, assistaient à l'éclosion 



— 139 — 

S'unelang^ue^elle que je la souhaitais, mais telle aû^^ 
qu'elle m'apprêtait une déception. M"" Héloue Smith 
est évidemment beaucoup trop instruite et trop cul- 
tivée, pour être restée l'intuitive que requerrait la re- 

RicoQetruotion d'un langage primitif et spontané; son ] 
ubconscient est encombré de trop de souvenirs coa- 

Mcients, linguistiques, littéraires, scolaires, pour laisser 1 
transparaître encore sous ce voile factice le confus et 
lointain souvenir des concordances mystérieuses du 
ton et du sens qui créèrent la langue de nos premiers 

■'■ancêtres. 11 y faudrait, sinon un sujet qui n'eût jamais 
appris à parler, du moins une nature plus fruste, un 
cerveau beaucoup moins afiiné. N'en désespérons pas: 
ces conditions peuvent se rencontrer demain ; mais 
dans le cas présent elles nous font défaut. En fait, on 
■l'a vu, M"" Smith ne parle qu'avec ses propres souve- 
gdrs, immédiats (conscients) ou médiats (inconscients), j 
mais d'après ceux qui, remontant par atavisme les I 
[énérations disparues, iraient rejoindre les premiers 
aineaus de l'humanité parlante. Elle a beau se dire | 

î de France, princesse arabe par la naissance et 
kindoue par te mariage, exploratrice de la planète 
Ifars: elle n'a vécu toutes ces vies que sur le papier des 
i q'elle a lus: à plus forte raison n'en revit-elle 
loint d'autres, plus réelles, mais plus abstruses, ense- i 
felies qu'elles sont à jamais dans un passé sans histoire. [ 

Ne lui demandons pas plus qu'elle ne nous peut 
lonner, et remercions M. Flournoy de l'avoir si iidè- 

ment recueilli : de ia documentation martienne, où i 
I a eu l'heureuse pensée de ne pas essayer de faire un , 



— 140 — - 

choix, qu'il nous a transmise complète et rigoureuse- 
ment authentique, quelles conclusions se dégagent au 
point de vue delà psychologie du langage? 

1° Presque tous les mots du martien ont une étymo- 
logie assurée, puisée dans des langues réelles, connues 
plus ou moins, mais certainement connues, de 
M"® Smith. En admettant que quelques-unes de mes 
explications doivent être tenues pour forcées ou très 
contestables, il en reste encore un assez grand nombre 
de probables ou de sûres, pour que le résidu inexpli- 
cable ne constitue qu'une infime minorité: il est donc 
à présumer que ce résidu lui-même deviendrait ré- 
ductible, si nous disposions de moyens plus puissants 
ou plus sagaces pour pénétrer les secrets de l'élaboration 
subconsciente à laquelle elle s'est livrée, et qu'il appa- 
raîtrait dès lors qu'elle n'a point créé un seul mot 
qui n'appartint d'ores et déjà à sa mémoire sous- 
jacente. — L'homme, quand il le voudrait, n'inventerait 
pas une langue : il ne peut parler, il ne parle qu'avec 
ses souvenirs, immédiats, médiats ou ataviques. 

2"* L'inconscience du procédé linguistique chez le 
sujet parlant est une notion d'ordre élémentaire, qui 
pourtant a bien de la peine à s'imposer à certains es- 
prits. On l'accorde généralement pour le processus 
phonétique, qui ne saurait en effet s'expliquer ni se 
produire, si le sujet qui opère une mutation ne croyait 
articuler ce qu'en fait il n'articule point. On l'admet 
aussi, en principe, pour la morphologie; sauf à retirer 
parfois en détail ce qu'on a accordé dans l'ensemble, 
ou à laisser échapper encore quelqu'une de ces mons- 



— 141 — 

trueuses explications grammaticales, qui supposent 
que le sujet opère sciemment un certain métaplasme 
et prévoit dans l'avenir une certaine confusion qui ne 
manquerait pas de se produire s'il ne l'opérait pas. 
Quant à la syntaxe et à la sémantique, il semble 
' qu'elles demeurent, dans le langage, le domaine réservé 
à la conscience et à la volonté. Oui, pour le professeur 
qui cherche à se faire parfaitement entendre, et qui 
peine à trouver un tour clair, une image représentative ; 
oui, peut-être, — car ceux-là sont déjà dans une large 
mesure des spontanés lorsqu'ils sont sincères^ — pour 
l'orateur et le poète, qui spngent à frapper les esprits 
par un tour nouveau, une métaphore brillante; oui, 
enfin, pour qui s'écoute parler, mais on conviendra 
que tel n'est point le cas des millions de propos oiseux 
qui s'échangent chaque jour. Et ceux-là, c'est le 
langage, le langage réel et vivant ; le reste n'en est que 
l'apparence élégante et figée. Or M"® Smith, — in- 
consciente par définition, — employant la syntaxe 
française parce qu'elle n'a pas la plus mince idée d'une 
autre, mais connaissant partiellement quelques vocabu- 
laires différents de celui du français, s'est créé un vo- 
cabulaire spécial à l'aide de ces matériaux, retravaillés 
par les même procédés sémantiques, métonymies, asso- 
ciations, suggestions et contaminations (n"*^ 24-25), que 
l'on constate dans les langues ordinaires. Le résultat 
étant le même, il faut bien que le principe de formation 
soit le même chez elle et chez le sujet parlant éveillé. — 
Le langage est la consciente mise en œuvre d'un 
système complexe de forces inconscientes, et ses anti- 



- 142 - 

nomies se résolvent par la considération de la conscience 
de l'acte unie à Tinconscience du procédé ^ . 

3** Discutant la formule de Darmesteter, suivant 
laquelle le sujet parlant à ses débuts aurait « plus d'idées 
que de mots », je proposais d'y substituer la formula 
inverse « plus de mots que d'idées », et j'enseignais 
que l'usage de la parole commence par un inconscient 
bavardage, vaguement intelligible peut-être pour le 
sujet parlant, mais à coup sûr intraduisible par lui et 
pour les autres *. Et voici que le prodrome de l'appa- 
rition du langage martien (FI. p. 149) a été une véri- 
table explosion de syllabes étranges et de sons barbares, 
jaillissant « avec une volubilité croissante », « jargon 
incompréhensible », presque impossible à reproduire, 
qui — cela va sans dire — n'a jamais été traduit ni 
même répété dans la suite, mais qui présente déjà, 
tout au moins, à un très haut degré, les caractères de 
l'allitération et de l'assonance, distinctifs de la langue 
postérieure qui en devait sortir. — Ainsi, en ce qui 
concerne la genèse individuelle du langage, les con- 
clusions qui se dégagent du martien ou de l'observa- 
tion des jargons enfantins sont identiquement les 
mêmes : tout langage commence par un gargouillis de 
mots, entre lesquels et sous lesquels le sujet n'apprend 
que plus tard à faire un choix et à mettre un sens 
précis. 

4° Et maintenant, s'il est vrai ce qu'on enseigne 
couramment et ce que du moins la raison ne désavoue 

1. Antinomies linguistiques ^ pp. 23 et 64 sq. 

2. Antinomies linguistiques ^ pp. 50 et 55. 



— 143 — 

pas, que Tontogénèse est la reproduction exacte de la 
phylogénèse, il ne nous est pas interdit de nous former 
une représentation très vague des premiers débuts du 
langage humain. Le cri animal, avant d'être un appel, 
ne fut qu'un réflexe inconscient, et le langage en 
procède, mais par une voie détournée: seul le cri 
d'appel, l'interjection, chez l'homme, est la survivance 
d'une animalité antérieure ; le langage proprement dit 
a une autre origine, non moins mécanique, au surplus, 
ni moins foncièrement étrangère au mécanisme de la 
pensée. Bref, ce que nous nommons « le langage suivi », 
par opposition, à la simple exclamation, a dû débuter 
par une éjaculation de sons quelconques, appropriés 
naturellement à l'organe qui les émettait, mélopée 
très probablement allitérante et assonante, gymnas- 
tique pulmonaire et labiale, sous laquelle le sujet ne 
mettait sans doute, et sûretnent ne cherchait encore à 
faire comprendre à ses semblables aucun rudiment 
d'idée. Avant d'être l'expression d'une pensée, le 
langage a été un exutoire: pour les muscles pectoraux? 
pour les cellules de la troisième circonvolution? C'est 
aux physiologistes d'en décider ^ . 

1. En dehors de ces considérations génétiques, le fait capital qui 
se dégage, pour le linguiste, des observations de M. Flournoy, 
c'est que tout fait linguistique, en tant qu'il a été une fois perçu, 
DEMEURE dans la mémoire au moins subconsciente du sujet. Cette 
donnée, pour n'être pas absolument nouvelle, est trop importante 
pour qu'on ne tienne point compte, dans toutes les inductions 
ultérieures, de la preuve éclatante que M"' Smith nous en a 
fournie. 



NOTES ADDITIONNELLES 



Au n° 2 (p. 4, 1. 11). — J'entends « positiviste » au 
sens d'adepte d'une méthode scientifique qui rejette 
tout jugement préconçu et, à ce titre, s'impose à tout 
enquêteur sincère, quelles que puissent être ses con- 
victions philosophiques ou religieuses; car. du positi- 
visme érigé lui-même en doctrine philosophique, j'ai 
grand'peur, pour ma part, qu'il ne ressemble à la 
grenouille émule du bœuf. 

Au n^ 6 (p. 15, al. 2). — M. Flournoy n'avait pas 
oublié de dire (p. 306, 1. 6) à quel âge M"« Smith 
avait appris l'allemand : c'est en effet, entre douze et 
quinze ans ; mais ce point m'avait échappé, ou du moins 
n'avait laissé trace que dans ma mémoire subcon- 
sciente. 

Au n° 19, 1**. — Ce décalque va aussi loin que pos- 
sible. Quel est, par exemple, le genre du mot érié 
« âme »? Il doit être féminin. Il est vrai qu'il ne se 
construit (FI. 6 et 20) qu'avec le pronom possessif 
masculin êzi « mon » ; mais c'est qu'en français on dit 
« mon âme »! Plus tard (FI. 31), lorsque la gram- 
maire de M"® Smith a acquis un peu plus d'indépen- 
dance, elle dit bé animinâ « sa existence ». 



— 145 — 

Au n** 27 (p. 59). — A ce sujet M. Flournoy a bien 
voulu m'écrire (16 juin 1900) : « La déduction d'Ése- 
nale- Alexis, desolitaire-éréduté, de tiziné-demain, etc., 
etc. , me semble absolument satisfaisante par sa par- 
faite conformité aux processus coutumiers du rêve. » 
On estimera peut-être que l'autorité qui me fait dé- 
faut en matière psychologique est amplement suppléée 
par cette précieuse approbation. 

Au n® 31. — Ce qui complique la question, c'est 
que mis est apparu le même jour que tivé, et même 
quelques secondes auparavant, dans la phrase FI. 8 : 
il n'en pourrait donc être dérivé qu'au prix d'un travail 
préalable, subconscient et entièrement latent. En 
somme, mieux vaut reléguer mis dans le résidu inex- 
pliqué ; mais on remarquera qu'il est le seul mot très 
usuel qui rentre dans cette catégorie. 

Au n® 47. — D'une obligeante communication de 
M. Flournoy il semble ressortir qu'on dit, à Genève 
comme chez nous, « au revoir » lorsqu'on soigne son 
langage, et « à revoir » lorsqu'on le néglige. Les 
patois savoyards des environs disent ar^vi. 

Au n" 106. — Ce mot est, pour mon essai, une grave 
pierre d'achoppement, qui a failli, après coup, m'em- 
pêcher absolument de le publier. On a vu, en effet, 
à la préface, que M"® Smith a donné plus tard la tra- 
duction des deux mots mile piri, et que cette traduc- 
tion n'est point « mille fois », mais « vite encore ». Je 
suis convaincu que, sur ce point, Ésenale se trompe 
ou nous trompe; mais je n'ai aucun moyen direct de 
le convaincre d'erreur ou de supercherie, puisque 

10 



— 146 — 

jamais en aucune autre circonstance M^^* Smith n'a 
proféré le mot martien qui équivaudrait à a vite », ni 
celui qui équivaudrait à « encore ». Cependant, à 
défaut de preuve catégorique contre cette traduction^ 
dé sérieuses présomptions en font suspecter la sincé7 
rite : si mile piri, lorsqu'il a été prononcé, avait dû 
réellement signifier « vite encore », quelle raison 
aurait eue Esenale de ne pas le traduire sur-le-champ 
avec le reste de la phrase, et de tenir si longtemps en 
suspens un sens aussi simple? Il me paraît évident 
qu'il — c'est-à-dire le subconscient de M"® Smith — 
a passé ce temps à chercher un sens supplétoire qu'il 
pût sans inconvénient substituer à la signification pri- 
mitive, afin de ne point encourir le reproche de parler 
français en martien. M. Flournoy, qui partage ma 
conviction, a bien essayé une contre-épreuve; mais 
Ésenale était sur ses gardes et ne s'est point laissé 
surprendre (21 juin 1900). « Dimanche, dans une séance 
où il y a eu de l'ultra-martien, après la scène habi- 
tuelle de traduction, j'ai vivement insisté pour qu'Ése- 
nale me traduisît le texte 19 : je le lui ai répété,' soit 
entier, soit par fragments plusieurs fois ; à force *de 
questionner, et au milieu de mouvements d'impa- 
tience, après - de longs silences, comme si Ésenale 
cherchait à se souvenir péniblement, il a murmuré : 
(( ami, je ne puis te... vite encore adieu. » Tous mes 
efforts pour obtenir le sens des autres mots, triné, 
sandiné, etc., sont restés vains. Il en résulte pour 
moi : V que des mots qui ont cependant paru plu- 
sieurs fois en martien sont oubliés, ainsi que le sens 



— 147 — 

total de ce texte qui remonte • à près de trois ans ; 
2® que, si M^^® Smith a traduit les premiers mots, ce 
kiê mâche dé, c'est qu'ils comptent parmi les plus fré- 
quents de la littérature martienne, ce qui fait qu'elle 
ne les a pas oubliés; 3** que, si elle a aussi traduit 
mile piri, qui ne se sont présentés que dans ce seul 
texte, c^'est qu'une circonstance spéciale a gravé 
ces à'Ttaî dans sa mémoire; cette circonstance spéciale, 
c'est évidemment que ces mots lui ont déjà été rede- 
mandés le 4 juin 1899, — où elle n'a pas pu les tra- 
duire, — et le 10 septembre 1899, où elle les a 
traduits par « vite encore ». Elle s'est souvenue, 
dimanche dernier, du sens fourni le 10 septembre; 
mais rien ne prouve que ce soit le sens primitif ; au 
contraire. Et je ne vois aucun moyen de faire re- 
trouver ou avouer à Esenale ce sens primitif... » La 
question en demeure là : je crois ma traduction meil- 
leure; mais je ne me dissimule pas qu'il y a outrecui- 
dance de ma part à prétendre donner à M^^* Smith 
une leçon de martien. 

Au n® 110. — Le sk. nipuna est plus voisin; mais 
il signifie « habile ». Quelqu'un m'a suggéré depuis 
le fr. répugner y qui en eiïet a pu interférer. 

Au n"* 134. — Il me parait plus probable que 
ténassé a été suggéré tout entier, tel quel, par le fr. 
tenace, qui est une épithète souvent associée à l'idée 
de « volonté ». 

Au n** 163. — : L'explication cadrerait également, 
mais moins bien, avec le fr. laisser , non seulement à 
cause du vocalisme, mais surtout parce que l'infinitif 



— 148 -- 

2l\, lassen permet de rendre compte de Vn pénultième 
du martien. 

Au n^ 173. — Quelques informations sur des ques- 
tions d'usage familier de la langue magyare m'ont été 
fournies par mon collègue de Graz, M. H. Schuchardt, 
que je remercie ici de son' amicale obligeance. 

Au n"* 212. — Tout bien considéré, la personne qui 
est ainsi « lancée », Tétant dans une disposition en- 
thousiaste qui ressemble fort à Textase, a fort bien pu 
tirer son verbe « lance » du fr. extasiée. Et cette voie 
me paraît plus simple et plus sûre. 

Au n^ 236. — Le prâcrit a des mots beaucoup plus 
voisins encore du jargonnement sanscritoïde attamana, 
soit p. ex. pk. atthamana = sk. astamayana, ou 
pk. attamâna = sk. âvartamâna. Mais le sens ne con- 
corde point du tout ; et puis nous n'avons pas le droit 
de supposer que le sujet ait entendu des spécimens de 
toutes les langues de Tlnde. 

Au n"* 238. — Sans insister sur cette question inso- 
luble, j'observe que M^^® Smith emploie son mot mira 
dans des phrases (cf. FI. 18 et 31) où le sens « salut » 
serait mieux à sa place que celui d' « adieu ». 

Au n^ 254. — Toute cette pénible déduction est à 
supprimer et à remplacer par la suggestion portée à 
latin : mené « amie » est Tal. meine, et men « ami » en 
est abstrait par suppression de la finale féminine. 

Au n"* 287. — Tenant compte des modifications 
apportées aux statistiques spéciales des chapitres IV- 
XI par les additions ci-dessus aux n*"^ 212 et 254, on 
voit que le lexique total de la langue martienne, non 



— 149 - 

compris les noms propres et les petits mots, se décom- 
pose de la manière suivante : 

1** Mots hypothétiquement réductibles au français seul. 110 

2o — — — à. rallemand seul. 25 

ô" — — — au magyar seul . . 55 

4P — — — à l'anglais seul . . 3 

5** — — — à une source orientale. 5 

6° Contaminations diverses. 29 

7** Dérivations des précédents 16 

8° Résidu irréductible 5 

Total 248 



INDEX 

[N. B. — On n'a pas dressé d'index martien: les chapitres 
IV-XI, où les mots martiens sont rangés par ordre alpha- 
bétique, en tiendront lieu. — On n'a pas non plus relevé les 
petits mots qui font l'objet du chapitre III. — Les chiffres 
renvoient aux n^^ entre parenthèses en caractères gras.] 



ait 177 

ameise 24? 

ast 28 

bedingen 243 

bewohnea 287 

blick 268 

bringen 170 

bruder 181 

butler 251 

ebeii 154 

einige 12, 163 

erde 72, 245 

erinneru 159 



I. Allemand 

esel 27 

flnden 8, 150, 151 

freilich 246 

fund 151 

fûrwahr 246 

geschraack 264 

gniud 265 

gut 155 

handeln 12, 149 

haus 12, 156 

beuJe 267 

himmel 160 

hirn 161 



hôhe 157 

hund 85 

iiiDig 88 

je 158 

klein 191 

kummer 162 

lassen 163 

machen 164 

mag 164 

maou 165 

raannig 25, 198 

mehrere 242 

meine 254 



micbel 197 

mittel 287 

mutter 17, 166 

oase 248 

pelz 249 

butter 251 

good 155 

kind, kindness.. 232 

a- 241, 242 

abondaut 40 

académie 41 

Alexis 27 

aligné 253 

alizé 42 

ami, etc 247 

aminci 87 

âne 27 

animé 43 

antérieur 46 

antique 46 

à revoir 47 

assigner 44, 65 

assurer 129 

attenant 133 

Banat 50 

battant 49 

bas 51, 115 

béni 52 

bien 119 

biillani U'5 

bure % 

calmer 9U 

câpre 58 



— 150 — 

rasl 244 

reden 169 

scbmecken 264 

scbnitt 153 

schôn 152 

II. Anglais 

match 23:i 

moihep. .. 17, 166 

nor yet 234 

III. Français 

carreau 59 

centenaire 128 

chagrin 249 

chèque 61 

chéri 24,62 

Chine 147 

oœur 237, 262 

consigner 44 

dab 64 

demain 260 

demi 67 

diminué 87 

disant 66 

discerner 69 

divine 68 

doctrine 139 

du moins 71 

dure 72 

écrire 255 

enchanteur... 15, 60 

encourager 45 

entré 97 

entretenir 286 

épine 24, 74 

épris 73 



so 250 

taumel 172 

irieb 171 

voU 263 

warten 266 

verilv 246 



Espagne. • 17, 75 

esprit 55 

essence 76 

extasié 212 

fin 77 

fine 78 

firme 79 

forme r. .. 79 

formidable 80 

fougueux 80 

fourmi 247 

gamme 81 

gaudir 82 

grand 83 

grève 84 

habitant 54 

hanter 85 

heurter 112 

hideux 105 

idée 86 

imprimer 55 

instant 135 

issue 57 

jet d'eau 63 

laisser 163 



— 151 — 



Lôopold 28 

léser, lésion 94 

ligne 253 

luire, lumière.. . 95 

lundi, lune 95 

madame 99 

mademoiselle. . . 102 

maison 108, 156 

mâle. 92 

maman 107 

masse 98 

maternel 103 

médiierranée — 100 
merveilleux. 15, 101 

mignon 88 

mille ,. 106 

mince 87 

minet 88 

minute 103 

misère 105 

modéré 70 

monsieur 104 

mort 77 

myosotis 146 

néant 284 



nébuleux 111 

obscurité 141 

os 251 

palliatif 113 

pandit 240 

paresse 115 

parvenir 124 

Pasteur 116 

pavillon, etc 117 

pénétré 97 

pleurer 122 

pleuvoir 122 

poitrine 258 

problème 123 

puni 110 

quatre 93 

qui vive 91 

raison 126 

rameau 28, 206 

rapide 114 

réfléchir 126 

réitéré 89 

repasser 1J8 

reprise 120 

répugner 110 



revenir 54 

si Iô7 

soie 259 

solitaire 245 

solution 123 

sur 127 

sûr 129 

tableau 132 

tamarix 130 

tant 250 

tapisserie 132 

tenir... 131, 133, 133 

tout ainsi 136 

traînée 137 

trajet 137 

trimer 138 

trompe 248 

usé 140 

venir 143 

vers 252 

vide 121 

vieil 1// 

viser, vision 144 

voir 142. 252 

vraiment 246 



essere 



IV. Italien 

76 godere 82 lunedî 



95 



adja (Isten) 174 

adni 174 

âg 28 

alacsony \ 178 

âllani 253 

aludni 218 

âtmenni 175 



V. Magyar 

bâtya 181 

benèzni 52 

bibe 24, 179 

bor 264 

borisza 263, 264 

botor 251 

csacsi 27 



csatiuâzni 204 

csemege 227 

csendes 184 

csiga 226 

dûhôsség 140 

egész 188 

éljen 185 



éljenezni 186 

élni 185 

ézen allât 27 

fia 180 

garabô 192 

gerend 265 

gyermek 180 

hàznemû 176 

hiâuyjel 287 

idô, idôs 189 

i?y» igyen 187 

ilyen 187 

irni 195, 255 

iromâny 195. 205 

is 222 

ivrét 190 

Izrom 228 

kicsiny 15, 191 

kirics 183 

kônnvù 191 

lâm 193 

lâtni 252 

levôl 199 

Lipôt 28 

raadàr 204 

magas 197 

adhyâya .... 8 

àtmàDam 25, 236 

ganapaù 8 

dvandva 8 



— 152 — 

màs, màsik 196 

Maté 26 

megnézgélni 194 

megy 175 

melly 258 

menni 175 

mész 175 

mosojogoi 208 

uéini 25, 198 

név 223 

nyerész 256 

ohajtâs 267 

parittyâzni 212 

pederedni 202 

pedig 222 

pillanat 268 

repùl 114 

selvem 259 

sokâra 229 

somojogrii 208 

szera, szemôk. . . 207 

szép 152 

szlrmauyult 206 

szirom 206 

szîv 182, 262 

szivesség 182 

VI. Sanscrit 

nipuna 110 

panditâ 240 

Pâniui 26 

bhùvana 236 



tàgas 209 

tata 211 

teljes 213 

terjedui 214 

tiz 260 

tôbbre 217 

torvény 210 

tôvet 216 

tnzes 215 

ûgye 261 

ùgyelni 266 

ùgyész 261 

uradalom 257 

ûrhadi 257 

usztatàs 201 

usziatni 201 

ùzem 219 

vadàsza 220 

vârni 125 

vôn 177 

vidâm 221 

villanat 268 

virâny 225 

viz 224 

zamat 264 

zsidô 205 

mahât 197 

sîmantini 8 

sumanas 239 

hrd,hrdà, hrdi.. 237 



Chalou-sur-Saône. ^ Imprimerie Française et Orientale E. Bertrand. 



STANFORD UNIVERSITY LIBRARtES 

STANFORD AUXILIARY LIBRARY 

STANFORD, CALIFORNIA 94305-6004 

|415) 723-9201 



DATE DUE 






APR 1 8 21 



MAR 



9 200t